L´artificialisation des terres agricoles dans les périphéries urbaines  est un phénomène bien connu et étudié depuis longtemps par les géographes. Dans les territoires ruraux, il existe également une « consommation masquée du foncier agricole » moins connue mais suffisamment importante pour faire l’objet d’une attention accrue et d’études approfondies.

Géraldine Letz et Nicolas Agresti, chargés de présenter cette question, viennent d’horizons différents et  donneront un point de vue complémentaire sur la question. Géraldine Letz est docteure en anthropologie et abordera le sujet à travers les projets agrivoltaïques. Nicolas Agresti est Directeur du service études, veille et prospective à la fédération nationale des Safer. C’est lui qui est chargé de définir et d´évaluer « la consommation masquée du foncier agricole ».

 

La consommation masquée du foncier agricole, un phénomène aux conséquences importantes

La consommation masquée du foncier agricole a lieu dans les territoires ruraux et s’explique par plusieurs usages :

  • Les Loisirs : installations de campings, de Mobil homes, d’animaux domestiques de compagnie (ânes, poneys…)
  • mise à distance du voisinage autour d’une résidence par achat de parcelles alentour
  • Implantation de dépôts sauvages, de gravats par exemple ou de produits divers, ce qui constitue en outre une atteinte à l’environnement.

Les effets de cette consommation de terres agricoles sont multiples :

  • Une diminution de la résilience alimentaire des territoires ruraux
  • Une augmentation du prix des terres agricoles, rendant plus difficile l’installation de jeunes agriculteurs
  • un détournement qui se traduit bien souvent par l’irréversibilité des usages agricoles des parcelles aliénées

Si le phénomène est avéré, il n’est pas toujours facile d’en évaluer l’ampleur en terme de superficie, ce que la SAFER s’efforce pourtant de faire, en utilisant divers critères, comme les déclarations d’intention d’aliéner (DIA) déposés chez les notaires lors des transactions foncières. La SAFER évalue à 10,5% les ventes qui seraient destinées `a des usages non agricoles. Les superficies concernées sont en augmentation sensible depuis 2015. Le phénomène touche certaines régions plus que d’autres : les régions d’élevage et de structure bocagère (Normandie, Bretagne) et les zones littorales pour les activités de loisirs (littoral méditerranéen).

Limiter le phénomène est pour l’instant difficile. Les communes peuvent parfois orienter les ventes, la SAFER aussi. La solution passera-t-elle par des adaptations législatives?

Exploitations agricoles et projets agrivoltaïques

L’intervention de Géraldine Letz vise à exposer en quoi consiste les projets agrivoltaïques qu’on aperçoit parfois au milieu des champs sans bien savoir de quoi il retourne exactement.

La filière agrivoltaïque répond désormais à un cadre législatif précis défini dans la  loi relative à l’accélération des énergies renouvelables, promulguée le 10 mars 2023. La production d’électricité sur une terre agricole obéit donc à un cahier des charges strict. La filière agrivoltaïque doit ainsi contribuer à atteindre l’objectif de la production d’au moins   33% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique d ela France,  à l´horizon 2030.

Selon la loi de 2023, la production d’électricité solaire installée sur une parcelle agricole suppose le maintien de l’activité agricole, qui reste donc primordiale,  sur la parcelle équipée de panneaux. Le taux de couverture des panneaux ne doit pas excéder 40 % de la surface de la parcelle. Le rendement á l’hectare doit être au minimum de 90% de l´hectare-témoin non équipée de panneaux solaires.

Obéissant à un cahier des charges strict, la mise en place d’un projet agrivoltaïque est donc assez longue, en moyenne deux ans. Il fait intervenir plusieurs acteurs, en dehors de l’agriculteur , bien sûr. Un acteur public : c’est le préfet qui en dernier ressort autorise ou non la réalisation du projet et est garant du respect du cadre législatif. Les échanges avec les acteurs locaux sont nombreux afin d’évaluer l’impact environnemental et paysager.  Mais ce sont surtout les développeurs, c’est à dire les entreprises privées, chargées de la réalisation et de l’installation des panneaux et du raccordement au réseau électrique, qui ont le rôle le plus important. L’équipement d’une parcelle est un investissement très coûteux (entre 800 000 et 1 million d’euros sans compter le coût du raccordement). Le développeur  obtient donc un bail de 30 ans pour l’exploitation solaire  et l’agriculteur touche une rente annuelle de 500 à 1000 euros par hectare. C’est donc un revenu complémentaire qui ne remplace pas l’exploitation agricole des terres.

Les panneaux solaires sont installés au sol et s’adaptent au terrain. Ils doivent pouvoir être déplacés ou enlevés  facilement. Au pied de chaque rangée de panneaux  sont laissés des bandes enherbées suffisamment larges pour laisser passer les machines agricoles ou laisser paître les troupeaux.

Selon Géraldin Letz, les strucutures agrivoltïques, en dehors de la production renouvelable propre, s’adaptent aussi au changement climatique. Les panneaux solaires, plus ou moins inclinés, constituent une certaine protection contre les aléas tels que la sécheresse et peuvent servir d’abris aux animaux, en cas de canicule ou de fortes pluies. elle ajoute que les panneaux solaires sont recyclables à 94%.

En conclusion, la conférence fut intéressante et  instructive. Gageons que ceux qui y ont assisté ne regarderont plus les paysages agricoles de la même manière…