Retour sur une époque antisémite: de l’affaire Dreyfus à Vichy
Guillaume Doizy, spécialiste de la caricature et dessin de Presse,coorganisateur de l’exposition Dessins Assassins au Mémorial de Caen mars 2017.
L’adéquation entre la caricature et l’antisémitisme n’est pas si simple que cela. Elle n’existe pas avant 1880 à l’exception de celle du Juif errant.
- 1880 : émergence de l’image antisémite avec un marché porteur par des idéologues et des dessinateurs isolés comme A Willette dans le courrier français qui montre plutôt une France patriote qui exalte des figures comme Jeanne d’Arc.
Le Juif condense alors toutes les accusations ( obèse=usure qui écrase une victime par un char = veau d’or, le Juif de l’Est en haillon près d’un homme en casque à pointe = traître car apatride … ) qui propose une solution radicale au problème juif : un nouveau 93. L’image est donc génocidaire
- 1886, apparaît un livre de E Drumont, la France juive sans illustration puis sa version illustrée en livraison 2 ans plus tard. Il en résulte un débat avec l’illustrateur H Meyer ( des romans de J Verne dans la coll Herzel ). Drumont n’est guère d’accord avec la caricature ; 3 seulement sur 150 illustrations sont présentes dans l’ouvrage. Sans doute pour paraître sérieux notamment vis à vis des élites intellectuelles.
-* 1889 : Willette se présente aux élections législative avec l’étiquette antisémite. L’image montre un mariage gaulois donc un dimension historique nationale écrasant la Talmud mais on est encore loin des caricatures virulentes par la suite . Willette est battu à plate couture.
- 1892 création de la Libre Parole dans le contexte du scandale de Panama. Les premiers n° n’ont pas de caricature à la Une mais en 4ème de couverture Le journal manque de lecteurs malgré la relance qui lui procure l’affaire Dreyfus. Il est concurrencé par d’autres journaux comme la Croix, L’anti-juif illustré…Finalement, cela ne fonctionne pas, les publications sont éphémères
Le roi Rothchild in le Rire par Léandre, 1894
- La presse humoristique véhicule l’antisémitisme notamment dans le journal Le rire à partir de 1894. Il s’en prend au monde de la finance en publiant une chronique des comptes juifs à partir de réaction des lecteurs puis à Dreyfus et aux dreyfusards
En conclusion ; pourquoi ces demi succès ?
- La réticence des élites qui considèrent la caricature comme un art populaire ( forme de mépris )
- La limite de du genre à savoir que le texte et l’image n’ont pas la conséquence. La caricature dispose d’une violence intrinsèque qui n’existe pas dans le texte.