Les intervenants
Christine Dugoin-Clément est chercheuse à la Chaire risques de l’Institut d’administration des entreprises et à l’Observatoire de l’intelligence artificielle de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses travaux sont spécialisés sur les stratégies d’influence, le cyber et l’intelligence artificielle. Elle dispose également d’une expertise géopolitique et a écrit Influence et manipulation : des conflits armés modernes aux guerres économiques (VA Éditions, 2021).
Jean-Pierre Maulny est directeur adjoint de l’IRIS. Expert des questions de défense, ses travaux portent sur l’Europe de la défense, l’OTAN et l’industrie d’armement. Il dirige Ares Group, le réseau européen de chercheur·ses spécialisé sur les questions d’industrie de défense. Il est en outre membre du comité éditorial de La Revue internationale et stratégique et co-responsable du diplôme « Défense, sécurité et gestion de crise » d’IRIS Sup’.
Émilie Padellec est conseillère pour les Affaires internationales et européennes au sein du cabinet du Secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale. Elle a auparavant exercé plusieurs fonctions au sein du ministère des Armées. Elle a également été détachée au sein de la mission de l’UE pour la sécurité maritime dans la Corne de l’Afrique et l’océan Indien, à Djibouti.
Gaspard Schnitzler est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé sur les questions de défense européenne et d’industrie de l’armement. Il est responsable du Programme Industrie de défense et co-directeur de l’Observatoire de l’Allemagne. Il est par ailleurs co-responsable du diplôme « Défense, sécurité et gestion de crise » d’IRIS Sup’.
Le général (2S) Jean-Marc Vigilant est chercheur associé à l’IRIS, fondateur de la société de conseil BeVigilant et président d’EuroDéfense-France. Pilote de chasse dans l’armée de l’air et de l’espace, ancien directeur de l’École de guerre, il a exercé de nombreuses responsabilités le plus souvent dans un cadre international, au niveau stratégique dans le domaine politico-militaire, de l’OTAN et de l’Union européenne.
Une notion à préciser
Gaspard Schnitzler définit la notion de guerres hybrides comme une combinaison de moyens conventionnels ou non qui se sont multipliées au cours des dernières années et qui menacent la cohésion de nos sociétés. Pour J.M Vigilant, les conflits hybrides ne sont pas nouveaux, Sun Tzu l’avait déjà théorisé dans son ouvrage L’art de la guerre. Pour lui, les stratégies hybrides visent à contourner la puissance établie (en particulier aujourd’hui les Etats-Unis) et se concentrent sur les zones grises.
Auparavant, ces stratégies passaient surtout par des formes armées. Actuellement et avec l’évolution de nos sociétés, les stratégies hybrides peuvent désormais passer par l’industrie sociétale, ce qui a eu pour effet d’étendre la zone de conflits.
Les actions menées sont toujours sous le seuil de conflictualité, rendant ainsi le terme de stratégies hybrides plus pertinent que celui de guerre.
Quels acteurs majeurs ?
Pour Emilie Pedelec, il existe des acteurs majeurs à ces stratégies : La Russie, la Chine, la Turquie et l’Azerbaïdjan. Des acteurs qui sévissent dans divers secteurs : le cyber, l’informationnel, etc. et ce sont le cumul des ces attaques qui crée une stratégie hybride. D’autre part, la définition donnée par l’administration est quelque peu différente de celle donnée par le secteur de l’armée. En effet, cette définition est explicitement large pour ne pas risquer de la restreindre. En substance et pour faire court, des stratégies hybrides ont pour objectif de créer un bruit de fond pour déstabiliser.
Mais comment réussir à détecter ces stratégies ? L’Union européenne a défini 13 domaines potentiellement sensibles aux actions hybrides. En France, le gouvernement a décidé de se concentrer sur 5 : le cyber, l’information, la sécurité économique, le law fair et le champ opérationnel. Emilie Pedelec appuie sur la nécessité de prévenir et de sensibiliser la société à ces actions qui se multiplient. Il faut également agir à une plus grande échelle et permettre aux institutions – en leur accordant de plus grands moyens – de mieux répondre à la menace.
Des objectifs identifiés
Pour J.P Maulny, les effets recherchés des stratégies hybrides ont pour objectif d’affaiblir l’influence d’un pays en dehors de son territoire. Un exemple flagrant est ce qui se passait au Mali entre les forces militaires françaises qui y étaient déployées et les populations locales. De plus, les actions hybrides soulèvent la question de l’atteinte à la cohésion des sociétés, et comment ces attaques peuvent entraîner des conflits internes.
Des réponses difficiles à mettre en place
Face à la multiplication des attaques se pose alors la question d’une potentielle réponse militaire et plus encore pour les pays membres de l’OTAN. J.M Vigilant explique que les pays s’engagent – si ces actions finissaient par causer des morts -, à répondre par n’importe quel type d’attaques. Mais le plus difficile dans les stratégies hybrides n’est pas tant de répondre que de trouver de qui provient l’offensive, ainsi l’attribution d’un acte hybride à un État ou bien à une organisation est une décision et un acte politique avant tout.
D’un point de vue militaire, il y a plusieurs façons de répondre à un acte stratégique. Une des façons est de mettre en place la fonction stratégique influence en agissant sur les perceptions des populations dans un sens qui serait favorable à l’Etat. Aujourd’hui, on observe une convergence entre la cyberguerre et les technologies de l’information qui nous donne la guerre cognitive, agissant sur les cerveaux humains ; elle consiste à utiliser les biais d’un groupe de personnes pour altérer la vision du monde, etc.
VIGINUM est un service d’Etat créé en Juillet 2021 pour lutter contre les ingérences numériques étrangères et les manipulations de l’information. Il n’a pas comme objectif d’interférer dans le débat public mais contre une action délibérée d’un acteur étranger qui gère à fausser le débat français. Il est là pour informer, il n’est pas là pour dire ce qui est vrai ou faux mais cherche à montrer d’où l’information vient.
Pour J-P Maulny, la guerre de l’information va devenir centrale dans les stratégies hybrides, d’où la nécessité de pouvoir distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux et de sensibiliser les jeunes à posséder un esprit critique. Par ailleurs, l’IA qui continue à se développer peut devenir source de désinformation si les algorithmes utilisés ne sélectionnent de l’information que partiellement. Ainsi, il est essentiel de vérifier ces algorithmes et donc cela soulève la question de la certification de l’IA (être capable de retracer tout le fonctionnement de recherche de l’IA).
Solenn LAUVERNIER-NGUYEN QUANG DO et Morgan Le Loupp
Les évolutions de la guerre – Les Clionautes
La guerre de l’information. Les États à la conquête de nos esprits. – Les Clionautes
La conférence dans son intégralité : Guerres hybrides : déstabiliser pour mieux régner ? | Le Lieu Unique