Zemmour – Une tribune collective à propos d’Éric Zemmour publiée dans l’hebdomadaire Marianne nous interpelle.
Professeurs d’histoire-géographie, effectivement présents sur le terrain, nous avons à ce propos toutes les raisons de nous inquiéter sur les approximations distillées par le polémiste à propos de l’école en général et de l’enseignement de l’histoire en particulier.
Pour ce qui concerne les alertes précoces à propos des dégâts pédagogistes et du prosélytisme islamiste, nous pouvons nous féliciter de ces conversions tardives, tout en rappelant que notre démarche a été, sur ce terrain, comme sur d’autres, particulièrement offensive et surtout constante depuis plus d’une décennie.
Nous aurions aimé à ce moment-là, comme aujourd’hui du reste, voir à nos côtés ces éminents signataires d’une tribune collective dont la finalité nous échappe. D’autant que certains signataires ont défendu, il n’y a pas si longtemps, des positions voisines de celles qu’ils dénoncent aujourd’hui
Zemmour ? Rien de nouveau !
On peut toujours dénoncer les prises de positions effectivement dangereuses, remettant en cause l’universalisme républicain, d’un individu qui fait de la dénonciation de l’autre son fonds de commerce. Mais encore faut-il, au lieu de parler de récupération, aborder les réformes successives, les lâchetés ordinaires d’une technostructure hors-sol, qui ont conduit le système éducatif dans l’état où il est aujourd’hui.
Car ce ne sont pas seulement les éructations de ce monsieur, complaisamment diffusées sur les chaînes d’information en continu, qui sapent les fondements de l’école de la République.
Des politiques successives, depuis plus de 30 ans, sourdes aux remontées du terrain, basées sur des rapports, parfois enterrés, permettent aujourd’hui d’alimenter un vaste mouvement de défiance et de rejet de notre système éducatif. Entre évaluations diverses et classements variés, une technocratie attachée à son auto-reproduction a justifié depuis des décennies des abandons successifs.
- Abandon des contenus disciplinaires par un cadre horaire contraint, par des programmes qui relèvent davantage des effets de mode que des évolutions scientifiques.
- Formation initiale et continue jetées aux orties par une baisse des exigences du recrutement que la faiblesse des rémunérations ne rend plus attractif pour les meilleurs.
- Maintien, par-delà les effets d’annonce, de dispositifs successifs de remédiation pédagogique sur lesquels jamais aucun bilan n’a été tiré.
Zemmour, un révélateur ?
Ce champ de ruines de notre système éducatif a enfanté un monstre, et il convient de s’en prémunir.
Mais le monstre « identitariste » n’est que la conséquence d’actions antérieures, qu’il convient aussi de remettre en cause. Pour ce qui concerne l’enseignement de l’histoire et de la géographie, disciplines scientifiques et de formation, il nous paraît urgent d’agir.
- Remettre les exigences scientifiques au cœur des concours de recrutement.
- Favoriser une formation pratique associant les tuteurs, effectivement présents sur le terrain, et les associations de spécialistes.
- Faces aux remises en cause de la laïcité, dispenser un enseignement de l’histoire des religions clairement différencié de l’affirmation de particularismes de toute nature.
- Reprendre complètement les dispositifs de formation et les recentrer sur les pratiques de terrain.
- Réaffirmer l’autorité des maîtres et de leur savoir face aux différents lobbies identitaires, communautaristes ou consuméristes qui s’incrustent dans le système éducatif.
C’est à ce prix que l’on saura défendre l’école de la République contre ses fossoyeurs, exploiteurs d’ un fonds de commerce basé sur la défiance envers les acteurs de terrain.
Bruno Modica