En tant que professeur d’histoire géographie, il parait essentiel d’aborder la géographie comme une discipline à part entière et indispensable à la compréhension du monde d’hier, d’aujourd’hui, afin de construire celui de demain.
La Société de géographie, qui a fêté son bicentenaire l’an dernier, nous offre un colloque rafraichissant et stimulant.
En voici quelques bribes…
JEUDI 7 AVRIL 2022
Qu’est-ce que la géographie ?
1821-2021 : DEUX SIÈCLES DE GÉOGRAPHIE
10h- 10h20 : Histoire de la géographie de l’Antiquité à nos jours, Paul Claval, Professeur émérite de la Sorbonne Université
Il s’agit du thème central des recherches de Paul Claval dans les années 1960, nouvel essai à venir en juin 2022.
Quelques morceaux choisis du géo-épistémologiste :
Il rappelle les 4 champs de la géographie : l’orientation et la création des systèmes géographiques, le soucis de tirer la subsistance de l’environnement, la compréhension de l’insertion dans la vie sociale et donner un sens à notre existence : année 1970.
Il est important de distinguer dans les savoirs scientifiques ceux qui sont le résultats du métier même de géographe (endogènes) et les résultats exogènes.
« la géographie aide à penser l’universel dans l’Antiquité, l’unité de l’humanité à la Renaissance ».
« L’histoire de la géographie, comme celle d’autres disciplines, met à mal l’idée qu’il existe une hiérarchie des disciplines scientifiques. »
« Aujourd’hui, on ne peut plus écrire une histoire de la géographie sans inclure les sciences sociales. »
Afin d’y voir plus clair, il est très intéressant de lire les travaux de Paul Claval, pilier de la géo-épistémologie et de la géographie culturelle.
10h20- 10h40 : Histoire de la Société de géographie, Jacques Gonzales, Secrétaire général de la Société de géographie
Voici quelques extraits de l’intervention de Jacques Gonzales :
La Fondation de la Société de Géographie est datée du 15.12.1821. Son but : « concourir aux progrès de la géographie ».
Depuis 1860, la société favorise la découverte des territoires de l’intérieur, finance des explorations, notamment à Madagascar, l’Afrique centrale, l’Asie Centrale…. Contribue à l’enseignement de la géographie après la défaite de 1870: Vidal de la Blache, Elisée Reclus (auteur du mot francophonie, passionné de géographie), créateur de l’Alliance française,…
« La géographie fait rêver », avec un sociétaire qui s’en est servi pour ses écrits : Jules Verne.
La Société de géographie est traversée par des turbulences, dont le scandale du Panama. Cette Société est un témoin de l’Histoire de la France, du monde, et des découvertes géographiques.
A quoi sert la Société de géographie? Il s’agit d’un tiers-lieu. Créatrice de liens sociaux et publications. Echanges géographiques.
« La géographie comme la gastronomie s’appuie sur le factuel et le sensible. «
» Fait rayonner la France dans le monde, par la Paix ».
Comment fait-on de la Géographie ? Us et coutume en géographie
14h20-14h40 : Le couple Histoire- géographie, Christian Grataloup, Université Paris 7- Denis Diderot
Ce couple est spécifique à la France. La discipline scolaire existe dans d’autres pays, mais dans des pays fortement influencés par la France, hormis le Japon. Alors, est-ce une bonne association ?
La cartographie, selon Abraham Ortelius, est l’oeil de l’histoire. Articulation temps/espace au XVIe siècle et donc une science auxiliaire de l’Histoire.
En France, ce phénomène remonte au XVIIe siècle. La Guerre des Gaules de Jules César, est un texte identitaire pour la France. Les premières cartes de France sont, en réalité, des cartes de la Gaule. La Nation française est un produit de l’État français. La géographie est une « expression du droit du sol ». Le corps de la France n’est pas le corps de son peuple mais son territoire. Ce qui fabrique la Nation, est le peuplement, l’Hexagone ( merci aux Hussards noirs de la République).
La géographie a donné à l’Histoire française sa particularité : les deux premières décennies de l’école des Annales. Par la suite, l’opposition histoire-géographie a fragilisé l’enseignement de cette matière. De ce fait, faut-il maintenir ce couple ?
Une intervention remplie de subtilité et d’humour. Un régal à écouter et à réécouter en introduction de la journée du samedi 9 avril.
VENDREDI 8 AVRIL 2022
Ce que peut la géographie pour le monde aujourd’hui
Les champs professionnels de la géographie
14h-14h20 : Des géographes-cartographes qui rendent le monde intelligible, Delphine Papin, responsable du service infographie et cartographie du journal du Monde
Après une courte introduction, Delphine Papin souligne que « La carte a toujours été présente » dans le journal du Monde. Elle fait référence à Eric Fottorino ( ancien directeur du monde de 2007 à 2011) , cycliste qui vit « la géographie (par) les mollets », et favorise le développement de la carte dans le journal.
Le journal entreprend un virage éditorial dans les années 2000. Il passe par la multiplication d’illustrations : ajout de la photo, d’infographies et surtout « une bonne carte vaut un bon texte ».
Puis Delphine Papin se lance dans un exemple concret du travail du service d’infographie et de cartographie : Comment fabriquer dans l’urgence ? Le cas de l’Ukraine est très intéressant.
Le service part du discours, très géographique, de Vladimir Poutine le 21 février.
Le 24 février, première fois qu’une frontière est passée de cette façon. Le service international et la direction cassent donc le journal.
Dans la démarche, le service redécouvre la géographie de l’Ukraine, fait appel à des géographes, et relit des ouvrages spécialisés.
Pour créer la carte de Mykolaïv, le service s’appuie sur : les reporters de guerre. Ils permettent un « retour sur ce qui a été vu, vécu sur le territoire. ».
Le service utilise également :
- des satellites
- des travaux d’analyste ISW
- une carte collaborative liveuamap.
Delphine Papin conclut par quelques idées :
« La formation de géographe est appréciée par les journalistes. »
« Il faut penser le territoire pour créer une carte ».
« L’esthétisme est aussi important, car il donne un sensation. »
« A la limite de l’art et de la donnée scientifique »
En résumé, son intervention fut dynamique et passionnée.
14h20 – 14h40 : Profession : géographe, Patrick PONCET et Olivier VILAÇA, géographes, agence de conseil en stratégie spatiale QualCity
Intervention d’Olivier VILAÇA, en vidéo depuis un Mall au Mozambique.
Le Mozambique se place en 141e selon l’Indice de développement humain. C’est un pays très inégalitaire 10% les plus riches gagnent 40 fois que les plus pauvres.
Il existe une disparité entre Maputo et le reste du pays. Cependant c’est un espace mondialisé qui fonctionne avec ses propres logiques et ses propres normes.
L’intervenant a choisi son métier car il porte un intérêt pour le monde comme un objet de géographie ayant sa propre logique. Après une thèse à Lausanne, il fait le choix de ne pas aller à l’Université, et être un acteur et un explorateur du monde mondialisé.
Il met son travail de géographe et ses compétences au service des organisations. Notamment en étant auditeur pour de grandes entreprises : Mc Donalds, Decathlon,…
Intervention de Patrick Poncet
En présentant son parcours, il se place comme dépositaire d’un savoir : la géographie académique face à des décideurs.
Il présente également la diversité du métier de géographe, de façon décalée mais tout à fait grisante.
Deux interventions de qualité, qui démontrent que la géographie sert au développement structurel et aux actions des entreprises mondialisées, ou implantées sur un territoire particulier.
Pour aller plus loin, vous pouvez vous rendre sur le site Internet de la Société de géographie ou sa chaine Youtube