Intervenants :
Jacques Ferrandez : Auteur de BD. A publié de 1986 à 1995 les Carnets d’Orient puis les Carnets d’Algérie qui couvrent les périodes 1954-1962 et Suites Algériennes après l’indépendance.
Luc Révillon : D’abord enseignant en Histoire il effectue un travail sur la BD puis devient auteur à son tour (14-18 dans la BD). Il a la volonté de faire reconnaître la BD comme outil pédagogique, rencontrant dans un premier temps l’incompréhension de l’inspection. Il est aujourd’hui scénariste de BD.
Pour quelles raisons travaillez-vous sur l’Algérie ?
Les « Suites Algériennes » de Jacques Ferrandez (JF) sont un travail éprouvant. Ce dernier reconnaît avoir eu du mal au début à travailler sur la guerre d’Algérie. Il effectue alors de nombreux voyages sur place et y fait de nombreuses rencontres. En 2019 il effectue un « pèlerinage » dans les deux cimetières européens d’Alger. Il est alors présent pendant le Hirak qui est à l’origine des Suites Algériennes : le point de départ de l’oeuvre est alors la poursuite de la vie des personnages des précédentes BD. Que sont-ils devenus ?
Luc Révillon (LR) a eu une jeunesse baignée par la guerre (ce dernier est né en 1945). Il a la chance de rencontrer dans sa jeunesse quelques appelés qui n’avaient pas envie de parler du conflit. La première BD publiée sur la guerre en 1982, Une éducation algérienne, est utilisée par Luc Révillon dans le cadre de ses activités en classe. Le choc véritable sur ce conflit sera la lecture de la BD Azrayen’ parue en 1998-1999 et la BD de Jacques Ferrandez La Guerre fantôme parue en 2002.
Pourquoi avoir intégré dans vos travaux vos histoires personnelles sans l’assumer ?
Jacques Ferrandez indique que l’utilisation d’un personnage précédent, qui est une pure fiction, mais qui s’appuie sur un contexte très factuel et réel, est un procédé plus naturel.
Luc Révillon reprend en indiquant que les écrits de Jacques Ferrandez ont joué un grand rôle dans son travail. Sans la publication des Carnets d’Orient, Suites Algériennes n’aurait pas vu le jour. Jacques Ferrandez reste le seul auteur de la BD mais ce dernier est nourri des travaux d’historiens et de souvenirs familiaux.
L’album est construit de façon chorale ajoute Jacques Ferrandez. La chronologie est complètement explosée, afin de raccrocher les évènements contemporains à des flashback et des sauts dans le temps.
La volonté de Suites Algériennes est de produite une oeuvre exploitable par les enseignants ajoute Luc Révillon. L’utilisation de ce médium a fortement évolué depuis 40 ans. Si la BD était très fortement censurée pendant la guerre, nous ne devons pas oublier les récentes tentatives pour orienter le discours historique et critique sur le passé, avec la tentative en 2005 sur l’enseignement positif de la colonisation. Depuis les auteurs de BD se sont emparés de la période pour travailler plus massivement dessus.
Luc Révillon et Jacques Ferrandez rappellent l’importance qu’ont eu particulièrement deux BD : Une éducation algérienne parue en 1982 et Azrayen’ en 1999. Les deux oeuvres entendent brosser des portraits incomplets de la période, et, surtout pour Azrayen’, sans manichéisme.
A propos du traitement de la torture soit on voit, soit on entend. Faut-il selon-vous montrer ou suggérer ?
Il est toujours difficile de parler de violence rappelle Jacques Ferrandez. La violence doit être montrée, elle était transpartisane, entre combattants mais aussi entre populations. Il faut en tout cas aborder toutes ces questions et surtout ne pas les passer à la trappe. Il faut pouvoir tout dire, y compris en Algérie. Les dirigeants en place essayent d’effacer les aspects noirs des actes perpétrés par les algériens. Ceci est une erreur.