Angèle PROUST au Brésil

Doctorante en  Géographie, elle a travaillé sur São Paulo, capitale économique ayant la plus grande agglomération du Brésil. Sa thèse porte sur les agriculteurs qui travaillent sous les lignes à haute tension afin d’éviter que des bidonvilles s’y forment. Ils font principalement de la culture de bananes sur ces « roça », qui signifient « vides agricoles » en brésilien.

Roça sur les berges du rio Jurubatuba à côté de la favela Jardim Maraba
São Paulo, mars 2021, Angèle Proust

Elle nous explique que ces terrains publics ont une gestion privée pour l’électricité qui y passe. La culture y est une activité annexe pour ces sociétés privées mais vitale pour les agriculture s’y trouvant. Mais on leur reproche que les bananeraies soient trop hautes, risquent de toucher les lignes haute tension et que l’humidité des cultures avec l’électricité des lignes entraînent la mort des cultivateurs. Aussi les sociétés privées essayent de restreindre en demi teinte cette activité et certaines nient même le fait qu’il existe une agriculture urbaine en l’invisibilisant.

Sur ces terrains vagues de São Paulo, on retrouve des migrants internes qui viennent du Nordeste et qui sont là depuis 20/30ans. Cette diaspora se retrouve ensemble autour de cette agriculture de subsistance. Ils sont souvent à la retraite et voient cette activité aussi comme du loisir ou pour leur maintien de leur santé physique.  La culture de légumes est peu présente à São Paulo mais eux vont cultiver des « chouchous » qui ne sont pas du tout sous cette latitude mais viennent du Nordeste pour garder aussi un lien psychologique avec leur région natale.

Judith AUDIN en Chine

Datong, Chine, novembre 2015

Chargée de recherche en Science politique, elle travaille sur la Chine depuis les JO de 2008 et la ville minière et polluée de Datong. On y retrouve un ensemble de terrain vague à construire, à demi construits ou démolis. Elle se demande quelles formes d’écologie existent derrière ses friches. En Chine le terrain vide s’associe au temps libre avec le terme de « Kongdi ».

Judith AUDIN explique que ces espaces de chantier éternel ont tenté d’être fermés et camouflés par les autorités de propagande chinoise dans les grandes métropoles, mais qu’en dehors il n’y avait plus de palissade pour les cacher et qu’ils restaient en ruines à ciel ouvert dans une sorte d’urbanisation fantôme. Ces espaces vont alors être approprié par les habitants en dehors des interdits, les grillages en sont cassés. On y retrouve des parcs d’attraction abandonnés où des pratiques d’URBEX se développent permettant une redécouverte de la ville. Cela répond à un réel besoin psychologique pour ces jeunes habitants des grandes métropoles chinoises grouillantes, de retrouver du silence et du vide dans une ville empreints d’une certaine mélancolie.

Mars 2016, Judith Audin

Ces terrains vagues sont réoccupés spontanément pour l’agriculture et les loisirs par des personnages âgés et des plus jeunes car il y a un vide juridique.

 

 

 

 

 

 

 

Rémi JENVRIN au Nigéria

16 février 2022, Osogbo, Rémi Jenvrin

Doctorant en Géographie, il a travaillé à Porto Novo au Bénin sur les zones vides dans la ville et à Osogbo au Nigéria, forêt classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et espace de fermeture et d’ouverture où l’eau de la forêt « sanctuaire » sert à des bains rituels. En effet les espaces rituels de la forêt ne sont pas accessibles directement pour tous mais combiner à des mises en tourisme pour les réifier. On y retrouve aussi des expositions et performances d’artiste.

Acteur et mannequin des créations d’Adéjù Thompson, posant sur la sculpture d’Ìyá Mọòpó, déesse des métiers féminins réalisée par Susanne Wenger. Capture d’écran du compte Instagram « lagossppaceprogramme »(15 janvier 2021) d’Adéjù Thompson, créateur de mode basé à Lagos.

Rémi JENVRIN souligne que les agents de la forêt d’Osogbo essayent de réprimer cette pratique rituelle entre forêt et religion mais c’est compliqué car elle alimente aussi le tourisme et donne à voir la forêt comme traditionnelle. Ainsi une artiste autrichienne y a construit un véritable sanctuaire à travers ne « New Sacred Art Moovement ». Les visiteurs y sont de plus en plus nombreux mais cela pose la question du respect des lieux…

 

 

Cécile FALIES au Chili

Santiago du Chili. C.Faliès. 2012

Selon la géographe spécialiste du Chili, la loi du marché dès 1970 et les politiques néolibérales ont fait que les terres ont été marchandisées et revendues dans une démarche spéculative. Par exemple beaucoup de parcs végétaux sont payants à l’entrée et contrôlé par une barrière.
Alors pourquoi existe-t-il encore autant de terrains vides dans cette capitale de Santiago du Chili ?
A « Sanhattan », Manhattan de Santiago, on a de l’agriculture intensive sur ces terrains, car le vide est vu comme une réserve de terre pour un futur projet immobilier. On y paye presque des gens pour qu’ils y fassent de l’agriculture et y restent en attendant un projet foncier.
Au Chili, le terrain vague qui sert souvent de terrain de foot est appelé la « cornicha » (place publique ouverte en milieu rural) ou le « proteros » pour pratiquer le cerf-volant, discuter ou faire le barbecue familial. Souvent l’herbe y est encore dessus et on y fait paître les chevaux. Mais lorsque celui-ci n’est plus en herbe on parle de « poudredosi ». On le pratique plutôt de jour car la nuit il n’y a plus d’éclairage. Ce sont des terrains très convoités par les entreprises immobilières, à des carrefours ou le long de la Panaméricaine.

Cécilia FALIES fait remarquer que les Indiens Mapuches au Chili vont aussi rejoindre de plus en plus la grande ville de Santiago pour vivre entre communauté autochtone sur les collines surplombant la ville. Ils y cultivent des plantes de leur tribu et des arbres qui permettent à des guérisseurs de pratiquer leur médecine.

Comment accède-t-on à ces terrains ?

Au Brésil, les agronomes et ingénieurs de la politique de la ville vérifient la salubrité de ces terrains pour qu’ils ne véhiculent pas de zoonose. Puis les paysans s’y installent petit à petit suivant un phénomène d’enclicage où ils vont rester avec le même groupe social.

Le groupe criminel PCC (premier commando de la capitale) à São Paulo va aussi choisir qui va aller sur quel ou quel terrain souvent.

Février 2016, Judith Audin

En Chine avec Judith AUDIN les parcs d’attraction abandonnés de Datong depuis 15/20ans côtoient l’endettement de ces villes à la densification linéaire ratée et aux projets d’habitation luxueux qui n’ont jamais vu le jour. Ce n’est plus par l’immobilier qu’on peut faire fortune dans ce pays…

 

 

 

 

Question : comment envisagez-vous l’avenir de ces « terrains vides » aux 4 coins du monde ?

A Osogbo, Rémi JENVRIN souligne que la forêt n’est pas la statut de parc national même si on y retrouve beaucoup d’acteurs : les vois d’accès y restent compliquées, il n’y a pas d’hôtel bien que le risque de folklorisation des pratiques dans cette forêt existe. Pour comprendre comment ce milieu va évoluer, il faut surtout zoomer sur la figure forte qui a main mise sur cet espace et son aménagement, ou sur les rapports de force qu’on y trouve. Pour l’instant la prêtresse de la forêt s’y maintient et a le respect de tous, mais qu’adviendra-t-il lorsqu’elle ne sera plus là ?

2021, A. Proust

Angèle PROUST à São Paulo remarque que le statut des agriculteurs sur ces terrains vagues devient de plus en plus précaire alors que les besoins alimentaires perdurent.

Santiago du Chili. C. Faliès. 2023

Enfin Cécile FALIES au Chili conclut que le pays rend obligatoire d’avoir des terrains vagues pour faire y faire évacuer les habitants en cas de fort séisme, leur statut est donc peu menacé, ainsi que leurs activités actuelles. En parlait de risque sismique, elle précise que les GAFAM notamment Facebook ont une grande place dans la pratique d’alerte des habitants lors d’un séisme. Ils publient souvent sur les réseaux sociaux et par texto s’ils sont en sécurité ou pas.

Voici le diapo de la conférence avec d’autres photos des milieux étudiés lors des thèses de nos intervenants :