Si vous avez ouvert vos boîtes mails académiques ce matin, alors vous avez vraisemblablement réceptionné un message d’Anne Genetet sur le « futur de notre école » qui donne les grandes orientations en cours rue de Grenelle. Si vous ne l’avez pas reçu, il y a cette vidéo :

Voici les principales annonces, commentées par nos soins, dans l’ordre de présentation :

Les évaluations nationales

Maintien des évaluations  obligatoires à tous les niveaux en primaire, en 6ème et en 4ème (facultatives en 5ème et 3ème), ainsi qu’en Seconde.
La ministre se félicite des derniers résultats. Pour la 6ème, nous vous redonnons le lien. Plusieurs médias se faisaient l’écho de résultats mauvais mais visiblement, il y a erreur. Voici ce qu’en disaient plusieurs médias : FranceInfo, Le Figaro, Libération, Le Monde, etc.

Les nouveaux programmes

Il est prévu :
  • de nouveaux programmes à la rentrée 2025 en français et maths (cycle 1, 2 et 3) et en langues vivantes (6eme et lycée).
  • L’HG est prévu, avec d’autres disciplines, pour la rentrée 2026.
Sur le papier, cette mise en œuvre retardée à 2026 est une bonne nouvelle; on n’a pu que déplorer ces dix dernières années,  les effets désastreux de nouveaux programmes trop précipités, sur la cohérence générale des niveaux, la qualité des manuels, l’accompagnement académique, etc.

Labellisation des manuels

Le ministère confirme l’introduction de la labellisation des manuels en 2025, précédée de cette étrange mention « Pour vous offrir des supports de qualité et garantir votre liberté pédagogique ».

On ne peut pas dire que les supports ne soient pas de qualité dans nos disciplines et quand il y a des failles, c’est largement imputable aux délais ridiculement courts laissés à la publication. En l’état, même avec une campagne d’achat pour la rentrée 2026 en HG, cette phase de labellisation devrait prendre du temps. Il est donc à craindre que ce temps empiète sur celui de l’écriture des manuels et qu’à l’arrivée, les auteurs n’aient guère de marges de manœuvre supplémentaire.

C’est une fiction dangereuse de croire que la labellisation n’aura aucun effet sur la liberté pédagogique. On sait très bien ce que pèse cette liberté aujourd’hui quand des collectivités territoriales choisissent seules par exemple de supprimer les manuels papiers et d’imposer un seul opérateur numérique. On peut donc anticiper que tous les éditeurs voudront complaire au cahier des charges du label, pour ne pas risquer d’être écarté d’office par les collectivités territoriales qui paieront ensuite.

La ministre dit par ailleurs vouloir assumer que « l’État financera l’achat de ces manuels pour la rentrée 2025 en réseaux d’éducation prioritaire et dans les communes rurales ». On voit mal pour ces établissements comment les équipes pourraient faire sans les manuels labellisés. 

Notre association attachée à la liberté pédagogique et très inquiète de cette dérive régulatrice s’oppose fermement à ce type de pratiques et scrutera avec une grande attention la suite de ces choix.

Les groupes de besoin

La ministre maintient les groupes de besoin en 6eme et 5eme et entend créer une heure alternée français/maths en 4eme et 3eme en groupes de besoin. Elle souhaite également doubler les fonds pour devoirs faits et les stages de réussite en 4ème et 3ème.

Ces déclarations d’intention se heurteront au mur budgétaire mais il est à craindre que la majorité actuelle, pour des raisons politiques, s’arc-boute sur cette mesure et continue de déshabiller le reste de l’offre d’enseignement pour financer vaille que vaille cette mesure. En l’état, les premières remontées de terrain dont nous disposons ne sont guère flatteuses sur la réussite de ces groupes.

Le DNB

Dans nos disciplines, il est prévu de scinder notre épreuve entre HG et EMC.

Cela va avoir une incidence nette pour nous car les notes des élèves sont souvent sauvées à l’examen par l’EMC. Pour rappel, l’épreuve est sur 50 points, 20 en histoire, 20 en géographie et 10 en EMC. La première partie sur l’analyse de document est tellement facile avec ses questions fléchées et son barème extensible que les candidats récoltent plusieurs points. La seconde, où il faut mobiliser des connaissances et rédiger sans apport documentaire fourni, est nettement plus mauvaise. C’est ici qu’on mesure le mieux la réalité de l’implication des élèves dans la mémorisation des cours et pour tout dire, de leur très faible implication. Arrive enfin l’EMC, avec son questionnaire sur document très accessible, qui permet d’atteindre in fine la moyenne. En séparant les disciplines, il est évident que l’HG apparaîtra comme un mouton noir.

À court terme, on ne voit pas comment on pourrait échapper à une énième refonte qui permettra de rendre les résultats plus présentables, et cela d’autant plus que la réussite au DNB sera obligatoire pour l’entrée en Seconde à partir de 2027. Il est donc à craindre un futur abandon des exercices de rédaction ou sans documents. Ce serait une catastrophe pédagogique, à rebours des déclamations du choc des savoirs, mais en l’état, il n’y a pas vraiment d’issue plausible.

Les prépas Seconde

En effet, la réalité est que si le DNB est indispensable pour la Seconde générale, technologique et professionnelle, l’Education nationale , il faudra accueillir les élèves recalés dans une structure, les fameuses prépas-2nde de Gabriel Attal. Or ces structures sont déjà ridiculement dotées, à peine une ou deux classes par académie selon nos remontées. C’est dire !

La ministre dit confier à l’IGESR une mission d’évaluation du dispositif. Ce genre de formule suggère une mise à distance de la prépa seconde. Rappelons le contexte financier général. Il n’y a strictement aucune probabilité que l’Etat puisse financer une année scolaire supplémentaire pour 15% de la cohorte de Troisième (taux de réussite 2024 au DNB en France: 85.6%). Cela représente plus de 120 000 élèves à accueillir !

Tout cela conforte notre raisonnement : on devra simplifier drastiquement encore les épreuves pour augmenter le taux de réussite, sans avoir à désavouer budgétaire le choc des savoirs.

Création d’une épreuve anticipée de mathématiques au baccalauréat

Cette épreuve anticipée est prévue pour 2026 en Première. Il y a une forte inquiétude sociale, justifiée, sur le recul de compétence des élèves français dans cette discipline. Cette épreuve y répond de façon purement formaliste mais il ne faut pas en attendre beaucoup. Ce sont bien les heures d’enseignement obligatoires et les programmes associés qui font progresser les élèves, pas les épreuves finales dont on ne sait pas encore à quoi elles ressembleront et qui conserveront un coefficient marginal à l’examen. Toutefois, la simple tenue d’une épreuve supplémentaire représente un coût supplémentaire pour l’institution, à différents niveaux. Il faudra encore trouver de quoi économiser ailleurs…

Le climat scolaire

En fin de courrier, la ministre annonce le recrutement de 150 CPE et 600 AED supplémentaires.
On ne peut pas mieux illustrer la parfaite déconnexion d’une mesure avec le problème qu’elle est supposée résoudre. Que peuvent 150 CPE et 600 AED supplémentaires dans un pays qui compte 10 000 collèges et lycées ?
Cela n’aura strictement aucun impact en termes de « renforcement » de la structure, d’autant que la vie scolaire souffre aussi d’une grave crise de recrutement. Ils sont très rares les établissements qui n’ont pas de problèmes de sous-effectifs.