La session 2024 du Baccalauréat, la première en juin, nous a encore réservé des surprises. Autant les sujets de notre spécialité ont été classiques, autant les conditions de correction et l’écho dans le débat public montrent encore une grande confusion.
Bac HGGSP 2024, des sujets respectueux du travail des enseignants
En jour 1, les candidats avaient au choix deux sujets classiques de dissertation : « Les sociétés face aux fluctuations climatiques du Moyen Âge à nos jours » et « Juger les crimes de masse et les génocides depuis 1945 ». L’épreuve critique de document portait sur le Space Act de Barack Obama de 2015 et interrogeait sur les enjeux liés aux nouveaux espaces de conquête.
En jour 2, les sujets étaient « Coopérer dans les nouveaux espaces de conquête depuis les années 1970″ et « Le patrimoine : un enjeu de tensions dans le monde ? ». Là encore, on retrouve des libellés dans la parfaite filiation des programmes et même si nous aurions préféré le mot « objet de tensions » plutôt qu’enjeu, rien ne pouvait empêcher l’élève sérieux de tirer son épingle du jeu. L’épreuve critique de document reprenait un discours du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, à Davos, sur le changement climatique.
2024….des conditions de correction aléatoires
Comme les années précédentes et malgré les assurances données parfois en réunion d’entente, les conditions de correction sont très inégales. Selon les cas, il faut soit terminer ce soir, soit la semaine prochaine. Des collègues qui corrigent l’écrit sont aussi envoyés au Grand Oral, tandis que d’autres, en charge de la Terminale HGGSP, ne sont pas convoqués.
On passe sur les missions de correction en spécialité attribuées à des enseignants qui n’ont jamais eu la classe en exercice.
Après quatre années de ce nouveau bac, force est de constater que nous n’avons toujours pas atteint la vitesse de croisière et qu’il serait temps que les cadres de l’Education nationale autour du Baccalauréat parviennent au même degré d’exigence et d’engagement attendu des professeurs.
Bac HGGSP 2024, des consignes de correction toujours plus laxistes
Les réunions d’entente ont maintenant toutes été organisées et toutes ont rappelé aux correcteurs que la bienveillance et la valorisation étaient les clés d’une évaluation réussie.
Très souvent, depuis l’extérieur, le grand public peine à croire que de telles préconisations puissent venir d’en haut, abreuvé qu’il est de « choc des savoirs » et de « la bienveillance, ça suffit ». On va donc se contenter du factuel.
Voici d’abord les deux grilles 2024 pour la correction :
Voici les grilles des sessions antérieures :
Comme vous pouvez le constater, le tableau n’a pas changé, sauf sur un point : la disparition du niveau de maîtrise « très satisfaisant », remplacé par « éléments de valorisation ». Ainsi, et cette lecture a bien été confirmée en réunion, il s’agit de considérer que le niveau de maîtrise « satisfaisant » vaut 10/10. Le comble étant que ledit niveau de maîtrise inclut des copies finalement assez inabouties puisque la cohérence d’ensemble, entre autres, n’est requise que formellement : le respect de son propre plan n’est qu’un « élément de valorisation ».
L’objectif est d’augmenter la moyenne en HGGSP pour nous rendre plus compétitifs face aux SES, plus accessibles, plus généreuses, avec une dissertation en quatre heures au lieu de deux. Voilà où mène le benchmarking des Spécialités : la prime à celui qui distribuera le plus facilement des 20/20.
Le Bac HGGSP 2024, qu’en disent les collègues ?
Quand les chatbox sont ouverts en réunion d’entente, le moins qu’on puisse dire est qu’ils renâclent. Outre la très légitime exaspération devant des conditions matérielles de travail de plus en plus délirantes, il y a la conscience du franchissement d’un niveau palier dans la prétendue bienveillance. Prétendue car l’institution a l’air d’oublier qu’il y a peu, à l’époque de Jean-Michel Blanquer, il fallait assurer le continuum bac -3/bac +3, assurer la préparation des élèves à l’enseignement supérieur, et qu’il y a quelques mois, notre ancien ministre de l’Education nationale, bombardé depuis à Matignon, expliquait qu’il fallait un « choc des savoirs » et lutter contre le décrochage des petits Français dans tous les classements internationaux sur l’école.
Chaque jour qui passe accroît le fossé entre le choix politique et son exécution concrète.
Finalement, les différents graphiques qui circulent sur les moyennes obtenues par les uns et les autres montrent qu’a priori, nous sommes encore loin du 14 de moyenne nationale.
Il y a de toute façon un vice de forme ; ce n’est pas aux enseignants d’harmoniser leurs violons au doigt mouillé mais au chef d’orchestre ministériel de veiller que d’une spécialité à l’autre, aucune concurrence déloyale entre disciplines ne sape la valeur de l’examen. Le problème n’est donc pas tant que nous soyons à 12 mais que d’autres soient à plus de 15.
En attendant, l’HGGSP perd des élèves.