Atelier pédagogique
A partir de la BD de Baru, Bella Ciao, qui s’intéresse à la question du prix à payer par l’étranger venu chercher du travail en France pour cesser de l’être, l’atelier apportera un regard historiographique sur la production cartoonistique depuis 1945 mettant en images des représentations du travailleur immigré, et offrira quelques pistes d’utilisation de certaines BD sur le sujet du cycle 3 au lycée.
Intervenant : Christophe Meunier, Formateur INSPE Centre-Val de Loire
L’auteur/illustrateur Baru, dans la BD Bella CiaoRecension sur la Cliothèque ICI, raconte une histoire populaire de l’immigration italienne. Le personnage principal évoque différents moments de la mémoire des immigrants italiens : le massacre à Aigues-Mortes en 1893, la résistance aux nazis, le retour au pays, Mussolini, les Chaussettes noires et Maurice Thorez… Des soupes populaires et de la mort des hauts-fourneaux… En tout, du prix à payer pour devenir transparent à commencer par le prénom.
Est-ce le récit « auto »biographique de sa famille ?
Quelle est la place de l’immigré dans la BD depuis les Années 1950 ?
1950-1970 de l’étranger à l’émergence de l’immigré
Avant 1970 il n’y a que des étrangers avec les stéréotypes qui les caractérisent : nom, l’accent. L’étranger, l’indigène face au héros national comme dans la version initiale de Tintin au Congo, une expression de l’imaginaire colonial (référence à la publicité Banania).
On retrouve ce même faire-valoir du héros européen dans Bibi Fricotin
Des stéréotypes graphiques, le texte évolue entre la période d’avant-guerre et l’après-guerre.
Avec la BD Blondin et Cirage (1951) le faire-valoir noir apparaît dans le titre, même s’il serait aujourd’hui récusé. Le personnage de Blondin incarne la réflexion et celui de Cirage, la débrouillardise mais il faut les deux pour réussir.
Le premier personnage immigré est Signor Spaghetti de Dino Atanasio et René Goscinny, un homme sympathique avec un fort accent. C’est le récit de la participation des immigrés à la reconstruction, une version positive sans expression de racisme.
« Touche pas à mon pote ! »
De 1970 aux années 2000 la BD dénonce le racisme anti-immigré notamment chez Pif Gadget qui emploient de nombreux dessinateurs italiens, espagnols..
Le fait qu’après 1974 l’immigration soit réservée au rapprochement familial et la montée du chômage explique cette montée du discours anti-immigrés.
Dans Cauchemar blanc, en 1974 Moebius s’inspire d’un fait diversCette histoire a été adapté en un film court-métrage par Mathieu Kassovitz. pour dénoncer les violences, les ratonnades dans l’indifférence générale.
En 1979 Docteur justice, création du scénariste Jean Ollivier et du dessinateur Raffaele Carlo Marcello présente la géopolitique du moment, la notion de frontière intérieure et du refus de l’immigré.
En 1983 Baru, dans Quéquette BluesQuéquette blues, Dargaud, 1984-1986, (3 tomes). Réédité par Albin Michel en 1991 sous le titre de Roulez jeunesse, puis par Casterman en 2005., sa première BD , décrit sa Lorraine natale un, monde divisé en deux classes : le monde de l’usine et le monde bourgeois. C’est l’histoire d’une bande d’ouvriers qui se réunissent au-delà de leurs origines. L’action débute le 31 décembre 1965 en fin d’après-midi, dans la maison de Baru, dans le Nord-est de la France, à Villerupt (Meurthe-et-Moselle). Il aide sa mère à préparer le repas familial, mais il n’y participera pas. À dix-huit-heures, il s’en va rejoindre ses copains au café de Sainte-Claire sans écouter les recommandations de sa maman…
Tous enfants d’immigrés
Après l’an 2000 la figure du migrant devient une cause militante. On peut classer les BD en deux ensembles : les biographies et les récits documentaires/reportagesUn article de Vincent Marie : Quand la bande dessinée témoigne des migrations : entre autobiographie et reportage.
Les biographies
Elles décrivent une existence singulière mais représentative d’un groupe ; par exemple Les Années Spoutnik de Baru ou chaque communauté voit l’autre à travers des stéréotypes mais c’est l’usine qui permet l’intégration.
2009 dans Malamine, un Africain a Paris, Christophe Ngalle Edimo et Simon-Pierre Mbumbo raconte l’itinéraire d’un docteur en économie qui faute de débouché, vient en Europe, une vie de déclasser comme infirmier/ Où est sa juste place ?
Les reportages
Laurent Maffre reconstitue la vie dans un bidonville dans Demain, demain – Tome 1 Nanterre, bidonville de la Folie, 1962-1966 puis dans Demain, demain – Tome 2 Genevilliers, cité de transit. 1973
Les éditions Futuropolis édite Immigrants,Cette BD faisait l’objet d’une présentation aux RVH de Blois en 2016 : 13 témoignages, 13 auteurs de bande dessinée et 6 historiens témoignent. C’est une mise en image de récits, histoire de la société française et notamment la place des femmes.
Pour Conclure
De l’étranger faire-valoir à l’immigré, héros central, l’image a bien changé en bientôt un siècle.
L’approche aujourd’hui est plus universaliste, la BD donne la parole à tous les exilés comme le montre deux BD récentes sur l’exil : chez Dargaud, Là où vont nos pères de Tan, et chez Glénat-Vents d’Ouest, Exil d’Henri Fabuel et Jean-Marie Minguez
L’histoire de l’humanité est-elle autre chose qu’une histoire de migrations sous contrainte ?
Le Musée de l’histoire de l’immigration a organisé une exposition (Octobre 2013 – Avril 2014) : Albums – Bande dessinée et immigration. 1913-2013