Mercredi dernier s’achevaient les 3è Rencontres Stratégiques de la Méditerranée. Dresser le bilan des RSMed 2024 est, avec le recul, une tâche bien ardue. Comment réussir à faire passer en un modeste article la richesse des échanges qui se sont étalés, trois jours durant, à Toulon sous l’égide protectrice de Neptune ?
Sans doute l’emprunt de l’égide d’Athéna pour citer le Palais Neptune ayant merveilleusement bien accueilli ces Rencontres, offre une piste de réflexion pour expliquer le courroux des cieux du mardi. C’est par un épisode méditerranéen court mais tumultueux que les échanges ont débuté, comme si Poséidon en personne, sondant l’âme des rivages méditerranéens,, exprimait son inquiétude par son courroux. Pascal AUSSEUR, directeur général de l’Institut FMES, a ouvert cette troisième session avec enthousiasme et passion, nous donnant à réfléchir avec Socrate sur ce qui guide la sagesse de débats constructifs et intelligent.
Dès l’ouverture le ton est donné par Pascal AUSSEUR ; nous vivons des temps de rupture
Une nouvelle fois « parler des choses qui fâchent, sans se fâcher », fut au cœur de moments denses et percutant. En 48H un panel riche en diversité, en compétence a permis aux quelques 3000 personnes ayant suivi quotidiennement les tables rondes et conférences, de réfléchir collectivement.
Les RSMed sèment, viendra petit à petit le temps de la récolte
Nous sommes tributaires de l’actualité brûlante. La Méditerranée se convulse, de la Mer Noire aux rivages du Proche Orient, de la Mer Rouge aux littoraux d’une Afrique du Nord voyant passer la misère humaine avide de tenter sa chance vers le Nord. Bouleversement climatique, technologique, questionnements identitaires entre les deux rives, regards inquiets vers le lointain, géographique et temporel, la géopolitique comme grille de lecture, comme méthodologie pour essayer d’appréhender la complexité du monde, est plus que jamais nécessaire.
14 conférences et tables rondes, deux grands témoins, Le diplomate nigérien Maman SIDIKOU, l’écrivain algérien Kamel DAOUD, puis le chef d’état-major de la marine française Nicolas VAUJOUR. Près de 70 autres intervenants, experts de toutes spécialités (universitaires spécialistes de géopolitique, de stratégie, chercheurs, diplomates, politiques, industriels, militaires, mais aussi journalistes). L’UE, l’IA, le Moyen-Orient, la souveraineté, l’information, les questions énergétiques, de la prospective, des craintes, des espoirs aussi, des questions mémorielles entre France et Algérie. La richesse globale des RSMed permet assurément d’espérer en une intelligence collective dont nous finirons par récolter les fruits.
Prendre le temps de la réflexion
Pascal AUSSEUR a touché juste par une formule ce qui fait l’atout de ces rencontres : « les RSMed c’est l’anti-réseau social ». Je dirais que les RSMed sont en réalité ce que devraient être les réseaux sociaux, dans un monde idéal. Un espace d’échange, de réflexion, où l’on prend le temps de s’écouter, sans renier ses convictions, mais avec la certitude, aussi, que l’autre peut nous apporter quelque chose. Les réseaux sociaux numériques tels que nous les connaissons imposent leur rythme effréné et nous noient dans le temps de l’émotion, des invectives, de la non-réflexion.
Prenons un peu de champ. Qu’avons-nous appris ? Quels problèmes nous ont été présentés, quelles réflexions nous ont été proposées ?
Par exemple que la question de notre défense nationale, dans un monde aussi incertain, est une affaire politique majeure. Les pistes pour relever des défis immenses reposent en réalité sur deux approches assez simples à définir. Pouvons-nous le faire seuls, par le génie de la France, ou devons-nous comprendre que c’est par l’Europe que nous aurons une chance de réussir ? Aurélien SAINTOUL (LFI) et Frank GILETTI (RN) ont pu développer leurs arguments en faveur de la première approche, André GUIOL (RDSE) et Yannick CHENEVARD (Ensemble) optant clairement pour la seconde. Dans les moments politiques que nous vivons, ces échanges se sont tenus de fort bonne manière, sans qu’aucun des intervenants ne renie ses convictions.
Poussons plus loin encore les questionnements. Comment penser aujourd’hui la dissuasion nucléaire ? Comment aborder la recomposition géopolitique globale qui voit la suprématie américaine remise en cause par la Chine ? Comment penser la recomposition géopolitique en Afrique, au cœur de la bande sahélo-soudanaise ? Quelle UE face au réveil géopolitique du monde ?
Face à ces murs, une seule réponse s’impose. Se poser, écouter, réfléchir.
Prendre le temps de la réflexion
Pour des enseignants, ces échanges sont porteurs de pistes capitales pour nous accompagner dans nos cours. La lutte d’influence et la manipulation de l’information. La question de l’énergie en Méditerranée. Celle de l’évolution des conflits ; trois tables-rondes lumineuse pour éclairer les cours de spécialité HGGSP.
Ces moments ont été capté et seront disponibles sur la chaine Youtube de l’Institut FMES. Les Clionautes relayeront ces échanges en les agrémentant de comptes-rendus, afin de permettre aux collègues de pouvoir les exploiter pour leurs cours, avec des élèves. Ces comptes-rendus seront pensés comme des outils pédagogiques, les conférences étant accessibles à tous pour être visionnées et que chacun puisse ensuite en faire son miel. Nous exposerons une grille de compréhension, mais elle sera bien entendu critiquable. Voir ou revoir ces échanges à loisir servira assurément à améliorer nos propres analyses.
Accompagner les enseignants, les étudiants, les lycéens
L’institut FMES a profité de ces RSMed pour présenter son nouvel atlas stratégique.
Le résultat est bluffant et il s’agit d’un outil majeur pour nous accompagner dans la préparation de cours, mais aussi dans la compréhension de l’espace méditerranéen. Les cartes, lumineuses, sont accompagnées de textes tout à fait exploitables avec des élèves et totalement ancré dans l’actualité la plus brûlante.
Un coup de cœur ….
L’un des grands moments a été incarné par Kamel DAOUD. Son témoignage, sincère, les échanges qui ont suivi, ont montré le poids encore bien lourd des mémoires entre France et Algérie, la difficulté pour Français et Algériens d’échanger de façon totalement apaisée. La complexité politique de l’Algérie, de la place du FLN à la question du poids de la guerre civile des années 90, les ressentiments ici, en France, de populations binationales, en quête d’identité furent au cœur d’un moment particulièrement fort. Pascal AUSSEUR a eu le nez creux en conviant Kamel DAOUD à partager avec nous son histoire, ses idées, en toute liberté.
… et un second coup de cœur !
Cette année le magazine DIPLOMATIE, partenaire des RSMed, a proposé avec l’Institut FMES un parcours lycéen. Thomas DELAGE, avec qui j’ai pu pu longuement échanger, a été la clé de voûte, avec Agathe DELORME et Émilie TRANCHANT, d’un parcours permettant aux élèves venus en nombre (près de 1500 lycéens et étudiants sur les deux journées) de répondre à des questions, de lire des articles, afin de tester leurs compétences en géopolitique et relations internationales.
Le succès est total. 600 élèves de Première et de Terminale, venus de lycées de tous horizons, bien au-delà de l’aire toulonnaise, se sont engagés dans l’expérience avec leurs enseignants. Nous avons pu suivre entre ces groupes d’élèves à la recherche des panneaux associant documents et questions. Nous avons vu les échanges entre eux, avec leurs enseignants. Un certificat de réussite est délivré après les RSMed, afin de valoriser cette expérience sur Parcoursup.
Cette initiative est lumineuse. Pascal AUSSEUR a souvent rappelé sa fierté de pouvoir ouvrir cet événement aux jeunes. Ce parcours s’inscrit pleinement dans la réussite de ces 48H. J’ai pu échanger avec de jeunes participants. Ils ont appris, ont été très intéressés par les recherches sur ces panneaux, après avoir touché du doigt des réflexions intenses, d’universitaires et acteurs pleinement engagés dans les réflexions géopolitiques.
Les Clionautes soutiennent et soutiendront à l’avenir cette expérience auprès des élèves et de nos collègues. Nous espérons sincèrement que le projet sera renouvelé l’année prochaine et qu’il pourra être décliné, pourquoi pas, dans d’autres festivals.
Un exemple de panneau utilisé lors du parcours lycéen
Le succès, en parallèle, de la table-ronde consacrée à « La jeunesse face à la guerre, perceptions, réactions, engagements », sanctionne positivement l’approche de ces RSMed : ouvrir le plus possible les réflexions sur notre monde, dans toute sa complexité, à la jeunesse. Des étudiants de Lyon, de Paris, Dijon, Toulouse, sont venus pour nourrir leur parcours. Venus de Licence, de Master, d’instituts de Sciences Politique, ils ont profité pleinement de cette offre. Ils ont été passionnés, interpellés, choqués. Ils emportent avec eux des questions, des connaissances, des outils intellectuels pour nourrir leurs propres réflexions.
Les Clionautes accompagnent les RSMed
Dans les semaines qui vont suivre, nous allons proposer des compte-rendus spéciaux consacrés aux tables-rondes et interventions les plus liées aux programmes, essentiellement de HGGSP, mais pas uniquement. En plus de proposer une trace écrire des paroles échangées, nous proposerons cette année des pistes d’exploitation pédagogique.
Nous allons aussi travailler plus étroitement avec le magazine DIPLOMATIE afin de prolonger ces réflexions avec nos élèves, en attendant les RSMed 2025, pour lesquelles nous prenons d’ores et déjà date.
À bientôt, pour les RSMed 2025 !