Pourquoi les officiers peuvent-ils se rebeller ? Les causes premières de leurs rébellions sont de répondre à la crise du régime politique ou encore de perpétuer leurs gloires militaires en prenant le pouvoir. Ces rébellions se soldent soit par des échecs soit par des réussites mais elles se réfèrent toujours à l’Histoire, celle d’Alexandre le Grand, de la Rome antique. Cette table ronde, présidée par Maurice Vaisse, professeur émérite à Science Po, s’intéresse à quatre cas : le 18 Brumaire, Boulanger, de Gaulle en 1958, le putsch de 1961 en Algérie.
Le 18 Brumaire (Patrice Gueniffey, directeur d’études à l’EHESS)
Le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte a reçu sa mauvaise réputation de celui de Louis Napoléon, futur Napoléon III. Ce n’est pas un coup d’Etat en tant que tel mais ce moment se place dans un processus d’acquisition du pouvoir par Napoléon Bonaparte, au moment où le Directoire n’a plus d’emprise réelle sur le pays. Le Directoire a perdu toute légitimité par le fait qu’il est le fruit d’anciens dirigeants de la Terreur tandis que Napoléon Bonaparte est un général en pleine gloire, ayant acquis une expérience de la violence et du gouvernement pendant l’expédition égyptienne. De Gaulle, en 1958, utilise et réemploie ce modèle.
Boulanger (Jean-François Chanet, professeur à l’IEP de Paris)
Boulanger est loin d’être un rebelle. Son parcours se structure autour de trois étapes : 1) son ascension (formation à St Cyr, colonel en 1870 dégradé en 1871) ; 2) son passage en tant que ministre en 1886 dans un gouvernement fragilisé par le scandale des décorations ; 3) la fin de son parcours quand il est considéré comme le « fossoyeur de la monarchie » lors de mandat de député, alors qu’il est soutenu par les monarchistes.
De Gaulle en 1958 (Julian Jackson, professeur d’histoire contemporaine)
Charles de Gaulle est-il un homme politique ou un militaire en 1958, quand il prend le pouvoir? Entre 1946 et 1958, il n’est pas un rebelle mais en 1958, il attend que le pays soit derrière lui. Il expose déjà en 1932, dans Le Fil de l’épée, le fait qu’il considère comme important qu’il y ait un équilibre entre le pouvoir politique et le pouvoir militaire ; mais, pour lui, la désobéissance n’est pas nécessairement synonyme de rébellion. Après juillet 1940, il n’est pas un rebelle car il se positionne contre Pétain et non contre la République, ou l’État français. En 1958, de Gaulle prend le pouvoir légalement.
Le putsch de 1961 en Algérie (Maurice Vaisse, professeur émérite à Science Po)
Après le retour au pouvoir de Charles de Gaulle en 1958, dans un contexte de décolonisation, certains généraux souhaitent conserver l’Algérie française et organisent un putsch en 1961, prenant modèles sur des expériences différentes telles que celle de Mussolini, de mai 1958 en France, de Franco. Cependant, ce putsch ne fonctionne pas de par la diversité des acteurs mis en œuvre.
Cette table ronde s’est conclue sur une intervention du général Jean-Louis Georgelin, ancien chef d’État-major des armées, qui a répondu à la question suivante : « Y a-t-il eu des prétentions de rébellions ou de coups d’Etat de militaires depuis 1961 en France? ». Tout en admettant l’influence des événements sur les militaires notamment lors de leurs études, le général Jean-Louis Georgelin a pu répondre par la négative à cette interrogation même pour l’éventualité d’un coup d’Etat après la prise du pouvoir par les socialistes en 1981, avec l’élection de François Mitterrand.
Une table ronde très intéressante montrant les différents événements ayant impliqué des officiers dans le monde politique français depuis Napoléon. Ce ne sont pas des rebelles en tant que tels mais ils ont fait preuve de désobéissance pour pallier les déficiences d’un pouvoir politique considéré comme fragile.