Les conjurés, les factieux, les séditieux : la Renaissance et ses rebelles (Pascal Brioist, Gérald Chaix, Dénes Harai, Alain Hugon, Diane Roussel)
Selon les propos de Michel de l’Hospital, les rebelles au XVIe siècle sont des « séditieux, des athéistes, des ennemis de la République et du roi ». Peu à peu, pour lui, les rebelles caractérisent les guerres civiles, deux factions au sein d’un même royaume.
Dans quelles mesures, les rebelles permettent de comprendre les fractures qu’ils existent pendant la Renaissance, dans l’espace européen ? Pourquoi luttent-ils contre les normes ? Sous l’Ancien Régime, une rébellion est une catégorisation créée par le pouvoir politique, par le « haut ». Il faut aussi prendre en compte les rebelles qui ne sont pas nominés.
Le cas anglais sous Marie Stuart et Elizabeth Ie(P. Brioist)
Le vocabulaire utilisé est : rebel (assez rare), riots, trahison, felonie, rising, heretics, etc. Pour avoir une rébellion, il faut une intention politique voire dépositaire ou religieuse. Les rébellions se sont multipliées après 1569, sous le règne d’Edouard VI, non seulement à cause de la montée du protestantisme mais aussi de l’affaire des enclosures, bouleversant l’ordre social établi.
En ce qui concerne Marie Tudor, son mariage a été une cause de rébellions car les nobles anglais, devenus protestants, ne voulaient pas un mariage avec un prince catholique et espagnol. Ces nobles ne pensent pas assassiner la reine mais signalent par leur réunion qu’elle a de mauvais conseillers. Ces démonstrations de désaccord sont la manifestation visible de mettre sur le trône Elizabeth à la place de sa sœur. En 1564, Marie condamne les principaux nobles de cette rébellion.
Elizabeth, quant à elle, doit faire face à deux rébellions importantes : celle des comtes du Nord et celle d’Essex. Pour la première, le refus d’Elizabeth de se marier marque le début de la rébellion des Grands du Nord, qui souhaitent que Marie Stuart, catholique, soit au pouvoir et retracer la frontière entre l’Angleterre et l’Ecosse. La rébellion d’Essex est toute autre : ancien favori d’Elizabeth, il déploie 300 gentilshommes dans Londres afin de pousser la population londonienne à se révolter contre les mauvais conseillers de la reine. Ces rébellions montrent la faiblesse du pouvoir des Tudors et représentent plus des « révolutions de palais » que de réelles rébellions. Le vocabulaire est le même durant toute la période mais il ne traduit pas la complexité des rébellions de cette époque.
Le cas français (Diane Roussel) : l’assassinat d’Henri IV en 1610.
Comment la justice royale, après l’assassinat d’Henri IV, en 1610, recherche-t-elle des complices séditieux de Ravaillac ? Un complot plus important ?
Le crime de Ravaillac, le régicide, est un crime de lèse-majesté contre le corps du roi et l’Etat. C’est pourquoi Ravaillac a été puni d’une manière exemplaire. Cependant, la différence entre Jacques Clément, assassin d’Henri III, et Ravaillac est que le premier est considéré comme un martyr catholique tandis que le second effraie le milieu catholique. L’assassinat d’Henri IV produit un climat de peur et la justice royale, entre juin et décembre 1610, interrogent 27 individus (vagabonds, soldats, etc.) pour propos séditieux, contre les édits et lois du royaume. Le pouvoir étant fragile, les bavardages, les rumeurs prennent plus d’importance que d’ordinaire.
L’espace germanique (Gérard Chaix).
Pour les 15e-17e siècles, G. Chaix a pu noter :
1) une évolution du vocabulaire (« rebelle » n’est pas souvent utilisé pour caractériser les séditions) : aux 15e-16e s., ce sont les termes de discordes, de vicissitudes qui sont employés, puis ceux de tumultes, de séditions aux 16e-17e s. Cela montre la profusion des rébellions.
2) la pluralité de la représentation dans les sources (juridiques, policières, politiques, etc.)
3) les spécificités de l’Empire : empereur/Etats, entre unité et diversité.
L’exemple de la rébellion de Luther, au début religieuse puis politique, permet la mise en place d’une certaine « opinion publique », l’acceptation d’un droit de résistance, de protester pour les princes de l’Empire, dans le domaine confessionnel.
Les noms des désobéissants dans les imprimés de la BNF de 1562 à 1629 (Dénes Harai)
Ce chercheur a répertorié près de 229 imprimés dans lesquels, il a référencié le vocabulaire utilisé pour caractériser les rébellions : le terme « rebelles » est employé dans 83% des imprimés. Il existe des pics temporels : 1) pendant les guerres de religion ; 2) pendant la première guerre protestante de Louis XIII. Les termes « rébellions » et « séditions » apparaissent en couple surtout dans les années 1560. Ainsi, le chercheur a pu en déduire un schéma concernant la rébellion : la faction (petits groupes) entraine une sédition voire une rébellion, qui peut devenir une rébellion en tant que telle.
L’espace napolitain (Alain Hugon)
L’historien expose à la fois les termes utilisés pour caractériser les rébellions dans le royaume de Naples au 17e siècle, mais aussi une carte des rébellions, révoltes en Europe. Les désobéissances sont dues à des rébellions contre les impôts, le service personnel, les serments, l’ordre établi.
Une table ronde très enrichissante : pour une même période, les historiens ont pu restituer différents espaces aux réalités variées.