A l’occasion de ses 30 ans, la revue XXe Siècle était invitée par les RVHB à organiser une table ronde. A la tribune : Thomas Grillot, médiateur, membre du secrétariat de la revue, Raphaëlle Branche, qui vient de remplacer Olivier Wieviorka à la rédaction en chef, Ludivine Bantigny et Daniel Rivet.
Tandis que défilaient sur l’écran les couvertures et donc les contenus des 124 numéros de la revue (le numéro 124 est celui d’octobre-décembre 2014, la revue étant trimestrielle) les participants évoquèrent l’histoire de la revue, son évolution sur la forme et sur le fond, sa structure, son avenir. Tous les quatre n’y participent que depuis une quinzaine d’années mais sont évidemment très attachés à son histoire et à tout ce qu’elle représente.
La revue est née en 1984, peu après la naissance de « L’Histoire », à une époque où l’histoire intéresse beaucoup et où les productions historiques se vendent bien. Au coeur du débat historiographique à cette époque, le concept d’histoire du Temps présent ; au coeur de la naissance de cette revue des personnalités telles que François Bédarida, Jean-Pierre Rioux, Michel Vinock, tous intellectuellement très liés à René Rémond. Cette revue et ceux qui y participent ont alors la volonté de renouveler la manière de faire de l’histoire politique, s’efforçant d’être en phase avec ce qu’on appellerait aujourd’hui « la demande sociale », de rendre l’histoire accessible et de traiter de questions d’actualité.
Depuis 1984 beaucoup de choses ont changé, y compris la manière dont ont fait l’histoire et celle dont on conçoit une recherche. Nombreux sont les enjeux de forme et de contenu qui se sont posés et qui se posent encore. Une des inflexions principales réside dans l’internationalisation du contenu de la revue (la part de ce qui concerne la France diminue), un intérêt moindre des lecteurs pour l’histoire politique française classique. Les numéros les plus récents sont davantage transversaux, ne se focalisant plus sur un seul pays et le sud y est davantage présent. La revue n’est plus lue comme elle l’était à l’origine, beaucoup de ces lecteurs passent par le portail CAIRN et consultent prioritairement les articles d’accès gratuit, donc écrits il y a plus de trois ans. Néanmoins « XXe Siècle n’est pas une revue qui se pense en ligne mais qui est mise en ligne ».
La question se pose, et les rédacteurs en débattent, du maintien ou non de son titre puisque le XXe siècle est derrière nous. L’objectif demeure de traiter des événements contemporains, en leur donnant leur épaisseur historique et d’inventer toujours une manière neuve de penser l’histoire. L’ambition est de décloisonner les aires et les champs à l’intérieur de la discipline historique : par exemple l’histoire des sensibilités n’est pas seulement une histoire culturelle, elle est aussi une histoire sociale et politique. La revue entend néanmoins rester accessible à des non-historiens, au professeurs d’histoire du secondaire et aux étudiants. Aujourd’hui les thèmes les plus mobilisateurs sont ceux qui concernent l’historiographie, l’histoire du genre ou celle de l’environnement.
La question se pose aussi du rapport à l’anglais. L’injonction est forte de rédiger des articles en anglais, même si elle est moins forte que dans d’autres sciences. La question est de savoir si on traduit les articles qui sont proposés en anglais, sachant que très peu d’historiens français peuvent écrire directement dans un anglais vraiment correct. Il faut donc faire intervenir le coût de la traduction. Mais ce n’est évidemment pas le seul aspect de la question.
La revue est éditée par les Presses de la Fondation nationale des sciences politiques. Économiquement elle se porte plutôt bien et elle est fière d’avoir des abonnés non institutionnels. Elle publie des articles qui lui sont proposés ou qu’elle a commandés (en particulier dans le cadre des numéros thématiques). Trois experts lisent les articles de manière anonyme, décidant ensuite s’ils peuvent être acceptés, refuser ou s’ils doivent être modifiés.
Le numéro 124 publiera un article de Nicolas Rousselier sur les mutations de la revue depuis sa naissance.
La Cliothèque a rendu compte du n° 117 de la revue consacré aux régimes d’historicité. http://clio-cr.clionautes.org/historicites-du-20e-siecle-coexistence-et-concurrence-des-temps.html#.VDwPARbSkeN