Introduction : Paris est le lieu fantasmé de la Rébellion, c’est un stéréotype de l’Histoire Nationale avec les barricades, Gavroche, 1789 et la Bastille, 1830,1848, 1870 et mai 1968…
I Les Origines : Paris au Moyen-Age (GAUVARD).
Capitale dès le XIème siècle, les Rois Capétiens centralisent la France et Paris atteint 300.000 habitants à la fin du XIIIème et au début du XIVème. Mais il existe une peur d’éventuelles rébellions et c’est la seule ville qui n’a pas de charte de franchise, contrairement à Lille, bruges et gand, villes beaucoup plus petites en taille. Seule existe la prévôté des Marchands, qu’Etienne Marcel rendra célèbre au XIVème.
Charles VII, en 1436, se repliera sur la Loire, car Paris est une ville anglaise et bourguignonne et que le Roi ne peut mettre la main sur la police. C’est déjà une ville rebelle dont on se méfie…
Le Duc de Bourgogne promet aux Parisiens de leur donner des libertés et d’alléger les impôts.
Louis XI, en 1470, interdit les geais aux Parisiens car ces oiseaux propageaient des insultes et des slogans favorables à Charles le Téméraire, le duc de Bourgogne.
Cette méfiance de la Province envers Paris se continuera de la Fronde, en 1648, en passant par les Girondins en 1792-1793, et jusque Mai 1968. C’est l’idée majeure de la contagion de l’esprit parisien de la rébellion.
II La Fabrique du Rebelle.
1)La Fronde en 1648(CROQ).
Il existe 2 lieux de pouvoir à Paris : le Palais Royal où se trouvent Louis XIV, Anne d’Autriche et Mazarin; et l’île de la Cité où se rassemblent 4 institutions : le Parlement de Paris, la Chambre des Comptes, le Grand Conseil et la Cour des Aides. Ce sont des lieux de Justice et d’enregistrement des Lois. Mais ils sont écartelés entre leur fidélité au Souverain et le fait d’être les représentantys et défenseurs du Peuple.
Il existe 3 corps organisés : la Milice Bourgeoise qui regroupe 45.000 hommes, soit 10% de la population de 1648; la Municipalité qui regroupe les échevins et les Fabriques Paroisssiales qui sont des Assemblées de Laics. Un exemple de rebelle de 80 ans, c’est Pierre Cado, capitaine de la Milice de la Rue Saint Denis, il mobilise tout son quartier à lui tout seul, c’est une figure parisienne…
2)Le rapport Centre/Périphérie (ROBERT).
Paris compte 1.800.000habitants en 1870 et 10 millions en 2014.
La taille exceptionnelle de cette ville entraîne un sentiment de différenciation à 3 niveaux : le centre du 1er au 11ème arrondissement; la périphérie du 12ème au 20ème et les banlieux hors les murs. Cela se mesure au niveau politique : Boulanger en 1889 réussit en périphérie pas au centre; le Front National perce en banlieue (93 et 94), pas dans Paris intra-muros. La banlieue Rouge fabrique des rebelles du PCF, aux accodéonistes italiens puis aux rapeurs.
Le sentiment d’isolement de l’individu perdu dans la foule s’y développe. Il y a une expression psychologique du rebelle ou du criminel dans la Grande Ville.
Paris est divisé en de multiples quartiers avec des révoltes locales et de voisinage.
Enfin Paris est aussi une Communauté Imaginaire comme dans la chanson d’Yves Montand sur les « Grands Boulevards ».
III La Sociologie des Rebelles.
1) des marginaux ?? (de 1215 à 1418 : GAUVARD)
Le peuple de Paris au Moyen-age véhicule l’idée des marginaux, comme chez Bronislaw Geremek, l’historien polonais, où se côtoient les mendiants, les prostituées, les criminels et les petits artisans. Dans les années 70, c’est le livre les Marginaux Parisiens. Mais en fait le rebelle parisien n’est pas un marginal. Les « bas fonds » ne dirigent pas la rébellion, qui a des têtes pensantes venant des classes favorisées.En effet, ce sont les Clercs de l’Université qui affrontent les forces de police. Abélard et la Rive Gauche du Quartier Latin sont le centre des révoltes dès 1215 quand l’Université est fondée. Sous Philippe Auguste, il y a des rebellions contre les loyers trop chers !
Le 1/03 1381, la marchande de cresson qui déclenche l’émeute en criant n’est pas une marginale, elle a « pignon sur rue ». Etienne Marcel s’appuie sur des gens qui payent des impôts ou qui ont des dettes, ce sont des classes moyennes aisées. En 1418, Capeluche l’écorcheur est en bas des métiers de la boucherie mais c’est loin d’être un marginal ! Son acte de faire mettre nue sur les carreaux du Châtelet une femme enceinte, mettra fin à sa popularité car il est allé trop loin !
Les rebelles sont des gens ordinaires qui défendent leur ordinaire…
2) les femmes de 1789 à 1795.(PLUMAUZILLE).
Il faut rappeller d’abord les 3 phases de la Révolution : entre juillet 1789 et août 1792, c’est le peuple contre la monarchie; entre août 1792 et septembre 1793 c’est le peuple radical contre les députés; et enfin entre septembre 1793 et 1794 c’est le peuple insurrectionnel.
Les femmes comptent pour 50% des émeutiers. L’homme type du rebelle est un père de famille autour de 40 ans qui a un travail, il appartient aux classes populaires respectables. La femme rebelle a soit moins de 30 ans, soit plus de 50 ans, elle a aussi un emploi.
Mais les femmes sont des « boute-feu » qui déclenchent les évènements, récupérés ensuite par les hommes. En octobre 1789, la Marche sur Paris réclame du pain mais aussi les décrets d’application sur les droits de l’homme. Les femmes commencent le mouvement, puis les hommes les appuient…
Au printemps 1795, ce sont d’abord les femmes qui réclament du pain et la Constitution de l’An 1; mais ce sont les sans-culotte et les sectionnaires qui embrayent. La spontanéité rebelle est féminine, son application est masculine; il y a une distribution sexuelle des rôles…
En dehors des Grandes Journées, les femmes ont une performativité révolutionnaire du quotidien.
En mars 1792, 300 femmes signent la pétition pour qu’il y ait des bataillons féminins. En septembre 1793, les femmes s’emparent de la cocarde. Elles portent des pantalons d’amazones, sont porteuses d’armes et veulent qu’on les nomme citoyennes…
3) La place des élites bourgeoises (DELUERMOZ).
Alphonse de Lamartine domine la Révolution Parisienne de 1848. C’est lui, le grand bourgeois, qui défend le drapeau tricolore contre le drapeau rouge des masses. Les avocats, députés, journalistes et écrivains jouent un rôle dominant aussi en 1830. Ce sont les ouvriers d’imprimerie et les journaux qui commencent le combat contre Charles X. Dans le célèbre tableau, la Liberté guidant le peuple, s’il ya une femme, un enfant et un ouvrier, il y a aussi un homme au chapeau haut de forme…
En 1848, dans le gouvernement provisoire, on associe un ouvrier, un journaliste et un banquier.
Victor Hugo cite les « travailleurs par les bras » mais aussi les « travilleurs par l’intelligence ».
En juin 1848, lors de la fermeture des Ateliers nationaux s’affrontent d’un côté des ouvriers qualifiés, des gens du quartier et des gardes nationaux; et de l’autre des militaires, des boutiquiers mais aussi des ouvriers…
En 1870, les écrivains s’éloignent du peuple comme Flaubert et la Commune a une majorité d’ouvriers. Ce sont les femmes ouvrières qui incitent d’ailleurs à rejoindre les barricades.
IV Les formes d’action des rebelles. (CROQ)
Ce sont d’abord les libelles et les pamphlets. Sous Louis XIII et Richelieu, le parti dévot attaque l’alliance aux côtés des princes protestants lors de la Guerre de 30 ans. Puis les Mazarinades attaquent ce premier ministre italien qui défend le pouvoir absolu et ne pensionne pas les écrivains français ( un vrai suicide politique).
En 1648, pour la seule fois dans l’Histoire, les 4 Cours souveraines de Paris se fédèrent, soutiennent le peuple innocent et se dressent contre la tyrannie, en appelant au tyranicide. Il y a 5000 écrits de propagande dans Paris. Ils réclament la diminution des taxes, mais aussi un contre projet de monarchie tempérée où le pouvoir royal serait limité. Le 26/08 1648, quand on arr^te le conseiller au Parlement Roussel, homme de plus de 70 ans, ce sont 600 chaînes et barricades qui se dressent en quelques heures. En 48 heures, Broussel est libéré, et les 600 disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues…
En 1667, c’est la disparition des milices, remplacées par des officiers royaux et la disparition des portes de Paris, qui devient alors une ville ouverte. Les Magistrats s’identifient aux Aristocrates. C’est la fin des rebelles jusque 1789.
Les Barricades (DELUERMOZ) : Dans les rues étroites et tortueuses, les pavés font la loi en1830 et à leur apogée en 1848. C’est le rayonnement européen du modèle du rebelle parisien avec le Printemps des Peuples. En juin 1848, les barricades sont magnifiques, ce qui n’empêche pas Cavaignac de les prendre en se concentrant sur 3 points nodaux. En 1870, les barricades sont de plus en plus symboliques et de moins en moins militaires, la Semaine Sanglante du 21 au 28 mars les balayera…Napoléon III avec Haussmann a fait construire les Grands Boulevards, pour éviter les petites rues et contrôler militairement Paris.
V) Que deviennent les rebelles ?
2 possibilités : la répression ou l’intégration.
Au Moyen Age, la répression est sanglante, on punit les chefs par la peine de mort. On supprime les institutions : la Prévôté des Marchands en 1382 et la Grande Boucherie en 1416. Mais il y a aussi la grâce royale et les lettres de rémission. Ce sont les femmes qui demandent miséricorde au Roi et le Roi se fait prier. (GAUVARD)
En 1789, si le Gouverneur de Launay finit sur une pique en juillet, et les gardes du corps du roi sont massacrés en octobre; c’est l’Assemblée qui vote la loi martiale le 20/10 1789 qui permet de tirer sur le peuple et d’arrêter les meneurs. En 1791, La Fayette et Bailly font tirer sur la foule au champ de Mars. En 1795, la réaction thermidorienne s’abattra sur les montagnards et les sans-culotte parisiens. (PLUMAUZILLE)
En 2014, le Conseil Economique et Social recyle les rebelles « achetés » par le pouvoir. On voit aussi les effets du vieillissement sur les rebelles de Mai 68. (ROBERT)
Conclusion : après 1968, Paris n’est plus rebelle; elle s’est assagie, enrichie et boboisée. Les Indignés et résistants Parisiens n’y retroucvent plus leur place et leur légende. Où est passé Gavroche ? Peut être dans les banlieux de 2005…