Qu’est-ce que le Maitron ?
Jean Maitron a été le pionnier de l’histoire ouvrière en France, il l’a fait entrer à l’université et lui a donné ses bases archivistiques, avec la création du Centre d’histoire du syndicalisme à la Sorbonne. Il a été le créateur du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, appelé couramment « le Maitron ». Avec ses quarante-quatre volumes répartis en quatre périodes (1789-1864, 1864-1871, 1871-1914 et 1914-1939), ses quelque 110 000 notices biographiques et ses 450 auteurs, le Maitron est le plus grand dictionnaire biographique de langue française.
Le Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, continue l’œuvre monumentale que représente le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. La nouvelle dénomination du dictionnaire, avec sa référence au « mouvement social », témoigne de la volonté des auteurs de tenir compte des nouvelles formes de militantisme, tout en poursuivant l’œuvre monumentale entreprise par Jean Maitron : « faire découvrir des itinéraires de femmes et d’hommes, acteurs du mouvement social, de la Révolution française à nos jours ». Le Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, réalisé sous la direction de Claude Pennetier dans le cadre du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (CNRS / Université de Paris I), porte sur la période 1940-1968 et comportera douze volumes (chacun accompagné d’un cédérom reprenant et complétant substantiellement le support papier). Les tomes 1 et 2 ont été publiés en 2006 aux Éditions de l’Atelier ; le 10e tome (PER-RI) vient de paraître.
Soixante-dix auteurs et trois cents correspondants œuvrent à la réalisation du Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social. Chacun des volumes comprend 400 à 500 biographies (rassemblées dans un volume papier) et entre 2000 et 2500 notices biographiques (sur un cédérom) de militantes et militants ayant joué un rôle important au sein du mouvement ouvrier et du mouvement social en France de 1940 à mai 1968. Aujourd’hui, plus de 150 000 biographies sont accessibles sur le Maitron en ligne [->http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/
]
Les participants
Ce sont tous des universitaires travaillant à cette ambitieuse entreprise. Au début des années 1980, Claude Pennetier est devenu l’associé de Jean Maitron, à la direction du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, et il en est devenu le directeur au décès du créateur en 1987. Il a été responsable du pôle « Lien militant » et du programme « Prosopographie des militants » au Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université Paris I. Il a travaillé sur le socialisme dans les milieux ruraux, sur la banlieue rouge et la sociobiographie du militantisme, notamment avec le politiste Bernard Pudal. À partir du volume 9, Claude Pennetier a associé Paul Boulland à la direction.
Docteur en science politique, Bernard Pudal est chercheur au CSU (« Cultures et sociétés urbaines », UMR CNRS/Paris 8) et membre du comité de rédaction des revues Le Mouvement social et Sociétés Contemporaines. Il participe à la rédaction du Maitron. Ses recherches actuelles, basées sur l’exploitation des autobiographies communistes déposées aux archives de Moscou, visent une prosopographie des élites communistes. Il a également pour projet une histoire intellectuelle du communisme.
Jean-Louis Robert est directeur du Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université Paris 1, président de l’association des Amis de la Commune de Paris
(1871), président de l’Université populaire du 14e. Spécialiste de l’histoire sociale de la Première Guerre mondiale, (Ouvriers et mouvement ouvrier parisien 1914-1919, histoire et anthropologie), ses recherches ont ensuite évolué vers une mise en relation de l’histoire sociale et de l’histoire des représentations, dans une perspective d’histoire totale où le travail et les rapports sociaux gardent toute leur place.
Paul Boulland est le co-directeur du Maitron et le secrétaire général de
l’association « Les Amis du Maitron ». Il a soutenu en 2011 sa thèse de doctorat sous la direction de Jean-Louis Robert : Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations de banlieue parisienne (1944-1974). Il a dirigé le Dictionnaire biographique des militants des industries électriques et gazières de la Libération aux années 2000.
Rebelles ?
La table ronde consiste en une présentation du Maitron et dans une réflexion à plusieurs voix sur le militantisme, le syndicalisme, le mouvement social et le concept de « rebelle ». Le dictionnaire est un éloge du militant, « une façon d’interroger l’histoire sociale par le prisme du militant », selon l’expression de Claude Pennetier. Concept qui semble bien peu en accord avec celui de « rebelle » puisque ce terme n’apparaît que 110 fois dans les textes de 150 000 notices biographiques ! Jean-Louis Robert considère néanmoins que tous les communards présents dans le Maitron sont des rebelles car ils sont passés devant la justice versaillaise et sont donc accusés d’avoir transgressé la loi, même si l’on ne sait souvent presque rien de leur parcours militant. Bernard Pudal estime que les militants communistes sur lesquels il travaille ne sont pas des rebelles : le militant relève d’une organisation, il est discipliné, « la rébellion échappe aux formes organisées de l’action militante ». Néanmoins il observe que les historiens sociaux ont réhabilité des formes disqualifiées de rébellion (charivari, carnaval, délinquances diverses, « indignés », squatters, etc.). Paul Boulland évoque le syndicalisme comme institutionnalisation du militantisme, professionnalisation qui conduit des militants à la méfiance face à des fonctions qui peuvent faire peser sur celui qui les occupe le soupçon d’embourgeoisement et compromission.