A l’occasion de la publication de deux ouvrages, Traces de l’enfer. Six rescapés racontent l’horreur des camps et Le livre de mémoire. Traces de l’enfer, et dans le cadre d’une carte blanche aux éditions Larousse, Georges Bensoussan, historien et responsable éditorial du Mémorial de la Shoah recevait trois anciens déportés : Henri Borlant, Ida Grinspan et Victor Pérahia.

Les rescapés

Henri Borlant est né dans une famille juive non croyante et non-pratiquante. Il fuit Paris avec sa mère et ses frères et sœurs à la veille de la déclaration de guerre de septembre 1939.
Réfugié avec sa famille en Maine-et-Loire, il est déporté à Auschwitz-Birkenau, par le convoi n° 8 en date du 20 juillet 1942 avec son père, son frère Bernard et sa sœur Denise. Aucun d’eux ne reviendra. Trois ans plus tard, il parvient à s’échapper du camp peu de temps avant la libération des camps d’Auschwitz. Il revient en France et, après un parcours scolaire peu ordinaire, il parvient à suivre des études de médecine et à devenir médecin. Rescapé de la Shoah, il témoigne depuis plusieurs années de ce qu’il a vécu. Il a notamment participé en 2005 au documentaire Les Survivants de Patrick Rotman et il a écrit en 2011 le livre Merci d’avoir survécu.

Ida Grinspan est née le 19 novembre 1929 à Paris, fille de parents juifs polonais, de nationalité française par déclaration volontaire de ses parents; elle a un frère né en 1924. Son père était artisan-tailleur et la famille habitait à Paris dans le 19e. Dès le printemps 1940, elle vit chez une famille de fermiers, dans un hameau des Deux-Sèvres, et fréquente l’école du village. Sa mère est arrêtée le 16 juillet 1942, déportée, son père et son frère ayant pu se cacher. Ida est arrêtée à son tour le 31 janvier 1944 par les gendarmes français et déportée le 10 février, par le convoi n° 68. Son père est déporté ultérieurement, par le dernier convoi, celui du 31 juillet 1944 : ses deux parents ont été assassinés à Auschwitz. Ida Grinspan est l’auteure, avec Bertrand Poirot-Delpech, d’un livre intitulé J’ai pas pleuré, publié en 2002, chez Robert Laffont. Elle témoigne inlassablement dans les établissements scolaires.

Victor Pérahia est arrêté avec ses parents le 15 juillet 1942 par les Allemands à leur domicile parce que juifs. Victor a neuf ans. Albert, son frère aîné, hébergé chez ses grands-parents, échappe à l’arrestation. Ils sont transférés à Nantes puis à Angers. Son père déporté sans retour le 20 juillet 1942 par le convoi n° 8, d’Angers vers Auschwitz. Victor et sa mère, Jeanne, sont internés à Drancy en septembre 1942. Ils parviennent à tromper les Allemands et sont classés C3, femme et enfant de prisonnier de guerre. Ils restent à Drancy jusqu’à leur déportation par le convoi n° 80 du 2 mai 1944 vers Bergen-Belsen. Ils seront tous deux survivants et retrouveront Albert resté caché. Victor Pérahia a publié un livre, Mon enfance volée.

Déception

Georges Bensoussan annonce qu’il fera une courte présentation historique de la Shoah en France, puis que l’essentiel du temps de cette table ronde sera réservé aux réponses que pourront apporter les anciens déportés aux questions de l’auditoire. Il faut donc comprendre qu’il ne sera question que de la déportation des juifs vers les camps d’extermination. C’est un parti pris tout à fait acceptable, mais qu’il aurait fallu l’annoncer clairement, en ajoutant quelques mots sur la déportation dans tous ses aspects, vers les camps de concentration et vers les camps d’extermination. Aucune question n’ayant été posée à ce sujet, il est à craindre qu’une bonne partie des auditeurs, parmi lesquels beaucoup de jeunes, aient naturellement assimilé le phénomènes de déportation à la Shoah.

Il était d’autre part très ambitieux, et sans doute peu réaliste, de vouloir, en à peine plus d’une heure, à partir de trois expériences humaines et avec trois témoins présents (il en était d’ailleurs prévu cinq), évoquer l’ensemble des aspects de la déportation. Les anciens déportés s’efforcèrent de ne pas sortir du cadre des questions qui leur étaient posées et du temps qui leur était laissé, mais on les sentait chacun plus ou moins frustré, tandis que les auditeurs devaient se poser un certain nombre de questions qui restaient sans réponse (l’évasion d’Henri Borlant par exemple).

On comprend également que l’historien n’ait pas voulu, devant les témoins et le public, rectifier ou préciser quelques affirmations, en exposant quelques acquis historiques. Ainsi de la question de la solidarité entre les déportés, toujours affirmée comme une évidence, et que l’un des témoins eu la force de contester. On aurait aussi aimé qu’il cherche apporter un éclairage plus rigoureux et plus historique à certaines questions et observations plus proches de la compassion ou de la morale civique que de l’histoire.

Souhaitons que l’essentiel ait été pour beaucoup des auditeurs présents, la rencontre avec deux hommes et une femme dont la présence et la parole étaient imprégnés d’une profonde humanité, d’intelligence, de courage et de modestie.