Introduction
Christian Grataloup est un ami des Clionautes et il a d’ailleurs très largement inspiré nos propositions de réécriture des programmes qui ont été débattus avec beaucoup de passion ces derniers mois.
Sur la Cliothèque:
introduction à la géohistoire
Sur le portail des Clionautes:
Une nouvelle frontière: enseigner la géohistoire
Nous étions très impatients de l’entendre, et nous n’avons pas été déçus.
Son plan en 3 parties est le suivant :
I/ La Couronne des empires asiatiques.
II/ l’inverse des Empires (Europe, Sud de l’Inde et Japon)
III/ les grands confettis des Empires. Périphérie lointaine latino américaine ou africaine.
I/ LA COURONNE DES EMPIRES ASIATIQUES.
Autour des Steppes ( bien décrites par René Grousset dans l’Empire des steppes), se retrouvent les 3/4 de l’Humanité et les Grands Empires.
Dans l’Antiquité, l’Empire Romain, l’Empire Chinois, l’Empire byzantin, l’Empire iranien et l’Empire Indien, forment une « couronne de 5 Empires ».
Pour l’Empire Romain on peut affirmer que ce qui lui coûte cher c’est son cœur (Rome) mais aussi ses confins, le limes car la surveillance militaire des Légions est onéreuse…
Les deux buts d’un Empire sont donc de contrôler Ces périphéries par la CONSCRIPTION et la FISCALITÉ…Les capitales ont tendance à se délocaliser vers les frontières et les confins : c’est le cas de ROME vers BYZANCE pour contrôler la Turquie et les Parthes, de BOMBAY vers DELHI, pour contrôler la passe de KHYBER et de NANKIN vers PEKIN, pour contrôler la Grande Muraille.
Ce déplacement des capitales vers la périphérie de l’empire est une constante que l’on retrouve à différentes périodes.
Cette « couronne » Peut être également observée au XVIème siècle, avec les 5 Empires suivants : la Russie d’Ivan le Terrible, l’Empire Ottoman de Soliman, l’Empire Moghol en Inde ,l’Empire Ming en Chine et l’Empire Séfévide en Perse.
L’Asie est le lieu d’un grand affrontement entreles « peuples à pattes », nomades éleveurs des steppes; et « peuples à racines », agriculteurs sédentaires. La société d’éleveurs, comme les Mongols, menace les Empires d’agriculteurs, comme la Chine.
Mais aussi régulièrement l’Empire d’éleveurs s’empare de sociétés d’agriculteurs et se sédentarise et est absorbé ( comme Khoubilai Khan totalement sinisé).
Peut-être aurait-on pu évoquer, dans le cas de l’Afrique, la constitution de zones de transit contrôlées par les nomades, aux confins des empires et exerçant sur eux une sorte de domination, sans forcément les intégrer.
II/l’INVERSE DES EMPIRES.
Le monde européen ou japonais a tendance à se fractionner par manque de menace directe. Ce sont des économies monde culturelles et non politiques…
L’autonomie des marchands et des banquiers s’affirme dans une Italie divisée politiquement, entre Venise, Milan, Gênes, Florence, Rome ou Naples; en Flandre ou les cités se dressent les unes contre les autres (Gand, Bruges, Lille ou Ypres) et en Champagne avec les villes de foire (Provins…) Mais dans le même temps Il faut souligner que ces entités concurrentes est divisées peuvent s’unir face à une menace extérieure. C’est le cas des villes de Flandre contre les prétentions du roi de France Philippe le Bel. Les villes qui bordent la mer du Nord s’unissent également avec la ligue hanséatique.
Le Japon est longtemps féodal et divisé avec les Damyos, organisés en clans et assurant la domination sur leur territoire avec une caste de guerriers, les samouraïs.
III/LES GRANDS CONFETTIS DES EMPIRES.
Ce sont des civilisations orales qu’on appelle Empires mais qui n’en sont pas en Afrique Noire comme l’Empire Songhai, l’Empire du Mali et l’Empire du Ghana.Ce sont les Empires incas et aztèques qui ont des garnisons et des routes, mais qui ne sont pas de vrais Empires…
Dans cet partie consacrée à l’inverse des empires, Christian Grataloup présente les éléments de modélisation qui lui permettent d’appuyer sa démarche.
L’empire apparaît comme le niveau supérieur, dominant, d’un territoire qui est polycentrique. Et c’est d’ailleurs ce qui apparaît sur la carte des axes commerciaux européens au XIIIe siècle. De l’axe des foires de Champagne qui relient l’Italie du Nord à la façade de la mer du Nord et de la Baltique, il y a bien des pôles dominants, mais ceux-ci sont reliés par des flux d’échanges. Peut-être pourrait-on à ce moment-là parler d’empires marchands.
On retrouve d’ailleurs cet axe dans des périodes plus contemporaines, et pour continuer sur le thème de la modélisation, la carte des densités qui forment la colonne vertébrale de l’Europe, la fameuse banane bleue, montre la permanence de ce modèle.
Les états d’Amérique centrale à différentes époques de leur histoire constituent bien des entités polycentriques sur lesquels des dominations ont pu s’exercer mais sur des temps relativement brefs. On pourrait parler des Incas ou des Aztèques.
Si les empires qu’on a pu les concevoir dans les périodes passées, n’existent plus, c’est bien qu’il y a eu une fragmentation étatique de l’espace mondial, qui a succédé à la constitution de ce que l’on a appelé les empires coloniaux.
Les États-nations ont contribué à l’implosion de ces empires, en Europe comme sur le continent américain avec l’indépendance des colonies espagnoles et portugaises.
Des entités politiques comme l’Union soviétique ou la Yougoslavie ont également implosé, tout comme des états constitués sur les frontières de l’empire colonial, avec la partition du Sud Soudan.
CONCLUSION : La Géohistoire nous montre que les Empires eurasiatiques autour de la Russie, de la Chine, de l’Inde et de l’Iran sont les seuls véritables Empires, crées et menacés par les Steppes, ce vide terrible et dangereux. Autour de cette couronne, des états fractionnés et divisés s’installent comme en Europe.
Notre conclusion.
Le temps n’est plus la fragmentation des empires, mais la fragmentation des entités étatiques existantes, et s’il existe aujourd’hui 190 états membres des Nations unies, sur la carte politique des états dans le monde, il en existerait peut-être 240 potentiels si toutes les revendications identitaires venaient à être satisfaites. En 2015, la mondialisation et sa logique de fractionnement culturel reste en Europe et dans le Grand Nord avec catalans, basques, wallons, écossais, et aussi québécois et inuits… se heurte à la montée nationaliste dans les Grands EMPIRES avec la Chine, la Russie, l’Iran et les États-Unis. En dernier mot, la notion d’Empire s’est effondrée en 1919, 1945 et 1991; mais est ce que l’Empire contre attaque en 2015 ??
C’est donc bien une balkanisation que connaît le monde aujourd’hui mais peut-être celle-ci, serait le préalable à la constitution de nouveaux empires qui seraient peut-être fondés sur les zones d’influence, une sorte de soft power.