Participants :
André Kaspi
Claire Mouradian
Catherine Nicault
Pascal Even

Salle Kleber du Conseil Départemental, première conférence à laquelle j’assiste, menée par André Kaspi, entouré de Claire Mouradian Sa fiche est disponible sur le [site du CERCEC->http://www.cercec.fr/claire-mouradian.html], de Catherine Nicault Fiche disponible sur le [site de l’Université de Reims->http://www.univ-reims.fr/site/laboratoire-labellise/cerhic-ea-2616/membres/catherine-nicault,11920.html] et Pascal Even Fiche sur le [site du CTHS->http://cths.fr/hi/personne.php?id=6062]. Celle-ci aborde la question de la diplomatie de Vichy durant l’année 1941 à travers les documents déclassifiés du Ministère des Affaires Etrangères. La présentation bénéficie d’ailleurs de la publication récente, et qui sera citée tout du long, du dernier volume des documents diplomatiques français Sous la direction d’André Kaspi, Documents diplomatiques français, Vichy (1er janvier – 31 décembre 1941), Collection des documents diplomatiques français 1939-1945, Volume 5, Editions Peter Lang, 2015. André Kaspi consacre le début de son intervention au rappel de l’importance de cette collection, et effectue un bref rappel historique du rôle déterminant tenue par Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Durosselle dans la classification et la mise à disposition progressive de la vaste documentation issue du Ministère des Affaires Etrangères.

André Kaspi le rappelle : aborder la masse des documents diplomatiques de Vichy en 1941, c’est brosser un tableau général de cette année charnière pour le régime (première année de pleine exercice), à la fois en recherche d’un rapprochement avec les Etats-Unis d’Amérique et les grandes puissances catholiques d’Europe, alors même que la guerre se mondialise véritablement, avec l’offensive allemande sur le front est, et le début de la guerre du Japon avec les Alliés dans le Pacifique. La France reste désormais observatrice, ne participant plus aux grands évènements du monde.

La parole est laissée brièvement à Pascal Even, conservateur général du patrimoine. l’intervention est consacrée à la publication prochaine de l’inventaire général des documents diplomatiques de Vichy venant conclure un travail mené depuis 40 ans par son service. Cet inventaire contient des documents inédits, notamment les recours adressées aux autorités allemandes à propos du réquisitionnent des biens et personnes, qui ne cessent de croitre avec l’avancement du conflit.

Intervention de Catherine Nicault sur les principaux évènements de l’année au Levant, vichyste depuis l’armistice. Il faut bien voir que l’année 1941 fut une période clé pour la Syrie et le Liban, qui inaugurent alors un processus de décolonisation. De fait, depuis 1940, ces régions vivent à l’écart de la guerre. Un motus vivendi s’est installé entre Londres et Vichy pour ces régions. L’Angleterre est seule combattante à l’époque, les moyens sont entièrement mobilisés : tant que l’accès à Suez et aux ressources pétrolières est assuré, Londres reste au statu quo.

Ce sont les bouleversements du début de l’année 1941 qui remettent en cause ce statu quo, notamment le coup d’état militaire en Irak le 30 avril 1941. Vichy est bien au courant des évènements et craint des possibles répercussions dans la région. Malgré les inquiétudes exprimées à Vichy, Darland y voit une manière de jouer son « grand jeu » et accepte. Les négociations, commencées le 5 mai, se termineront avec les accords de Paris du 28 mai, où les concessions de Darland en Syrie et au Liban sont confirmées. Catherine Nicault voit dans ce traité le commencement véritable du discrédit de Vichy à l’étranger. Le coup d’Etat échouera finalement, et le Levant sera repris dans son ensemble par les Alliés le 14 juillet de la même année. Malgré tout les germes de l’émancipation sont posés, et la région est décolonisée dès 1945.

Claire Mouradian prend la parole en dernière, en abordant le cadre extrême oriental. Le constat dressé préalablement au Levant se révèle est tout à fait valable dans cette région très complexe de part le grand nombre des acteurs qui s’y trouvent. Vichy continue durant l’année d’y entretenir des relations diplomatiques « classiques », gérant la montée en puissance des voisins directs de l’empire (que cela soit la Thaïlande ou le Japon) tout en tentant de tenir un rôle actif. Dans le prolongement de la guerre sino-japonaise de 1937, les pressions japonaises pour accéder au territoire chinois via l’Indochine ne vont cesser de s’intensifier. Malgré la résistance régulière des diplomates et des négociateurs, la France doit pratiquement céder sur toute la ligne à la signature de l’accord Darlan-Kato, le 16 mai 1941, ne préservant que sa souveraineté symbolique sir cet espace.

Séance de questions :

Question posée sur la fidélité du personnel diplomatique au régime de Vichy : peut-on brosser un portrait type du personnel diplomatique fidèle ?

Réponse : La question est générale et difficilement traitable pour l’ensemble de la période. Les ralliements furent corrélés à la chronologie : très faibles en 1940, ils vont crescendo dès 1943. Quant à la question du grade dans la hiérarchie diplomatique, les principaux ralliements sont venus des plus faibles grades, qui avaient « moins à perdre ». De même, il est bon de rappeler qu’au moment de l’armistice, il n’y a que 16 ambassadeurs (la dignité est alors donnée en Conseil des Ministres). De plus Vichy ne les a pas employé, n’ayant pas confiance en eux. Bien entendu les diplomates écrivent beaucoup, et nous disposons de nombreux documents, précieux pour retracer le parcours d’individus, du légalisme à la dissidence, vers le général Giraud le plus souvent. De même, n’oublions pas que les documents diplomatiques sont très généraux, et ne considèrent pas simplement les questions politiques : l’on trouve ainsi des rapports évoquant les tournées de Louis Jouvet en Argentine !

Question sur le statut de la Nouvelle Calédonie dans les rapports diplomatiques, celle-ci étant, dès le début du conflit, acquise au Général De Gaulle ?

Réponse : Quelques dossiers sur la Nouvelle Calédonie existent. Ces questions seront plus développées dans le prochain volume des documents diplomatiques.

Questions sur les relations entretenues entre l’URSS et le PCF jusqu’en juin 1941?

Réponse : Cette question ne relève pas du Ministère des Affaires Etrangères, les liaisons existantes restant par nature secrètes, le PCF étant interdit sur le territoire à l’époque. Les réponses relèvent plutôt du Ministère de l’Intérieur.

Question sur l’expansion japonaise en Indochine : quelle influence a pu jouer l’Allemagne dans le recul français face au Japon ?

Réponse : L’influence existe mais est négligeable. L’Allemagne n’a pas de grand intérêt dans la région, et laisse la France se débrouiller.

Question des allusions sur le sort des juifs dans les fiches diplomatiques ?

Réponse : La question fait l’objet d’une publication prochaine, placée sous la direction de Catherine Nicault. Ceci témoigne de la volonté du Ministère à rendre publics les documents disponibles, sans cacher les faits. Ceux-ci mettent en lumière la complexité des attitudes : certains savent et informent, d’autres savent en ne disant rien, et d’autres soutiennent cette politique.

Une conférence qui dresse la particularité de l’année 1941 dans l’histoire de la guerre, et effectue des rappels de bon ton. L’on peut néanmoins regretter le caractère par moment trop généraliste des interventions, renvoyant l’auditoire en quête d’un savoir plus touffu et d’une analyse poussée à l’ouvrage publié par les intervenants dernièrement.