Professeur à l’université Paris I, Sandra Laugier mène des recherches en philosophie du langage et de la connaissance, en philosophie états-unienne classique (transcendantalisme, pragmatisme) et contemporaine (Stanley Cavell), en philosophie morale contemporaine de langue anglaise et en philosophie et culture populaire.
Rester à Blois un dimanche après-midi, quand déjà les premiers stands remballent et quand les Biterrois bien connus de l’association ont repris depuis le matin la direction du Sud, n’est vraiment pas facile. Il faut une puissante motivation pour ne pas se précipiter sur l’autoroute dans l’espoir d’éviter les bouchons de 17h au péage de Saint-Arnoult et ceux de 18 Porte d’Orléans. Anticipant sans doute notre désarroi et soucieux d’émoustiller notre intérêt, les Rendez-vous de Blois ont su programmer des sujets autant originaux qu’opportuns.
Originale était donc l’idée d’une conférence fondée sur un empire complètement imaginaire, dont le spectateur aura pu suivre en six films étalés sur trente ans de diffusion, la naissance, l’apogée et la fin –quoiqu’il ait commencé par la fin, les connaisseurs comprendront. Et opportune l’occasion de parler de la Guerre des étoiles deux mois avant la sortie du nouvel opus, opus a priori consacré aux cendres encore incandescentes du pouvoir sith. Bref, la Clionaute-cinéphile-sabrolaser compatible que je suis, était enthousiaste.
Pour ceux qui estiment que ces sujets aguicheurs sont fatalement décevants ou pire, hors de propos, je tiens à rappeler qu’après ces quatre journées intenses passées de conférences en tables rondes, de permanence au stand en attente devant des grilles fermées, d’aller-et-retours entre la Halle aux Grains et la rue de la Chocolaterie, il n’est pas malsain de faire relâche, le jour du Seigneur en plus. Par ailleurs, les digressions, on le sait, apportent souvent cet éclairage en biais qui enrichit le propos et permet parfois de le comprendre mieux qu’un fatras d’informations frontales. Enfin toute création artistique, quand elle est plébiscitée par le public –et c’est le cas pour la Guerre des Étoiles- en dit autant sur l’imaginaire de l’auteur que sur celui de la société qui le reçoit.
Quand le public entre dans la salle, il est accueilli au son de la Marche impériale, musique de circonstance. Jusque-là tout va bien
Malheureusement, la conférence ne suit pas le même chemin. Ce n’est pas que la conférencière ne connaisse pas son sujet mais, faute de définition préalable d’un enjeu de réflexion autour de l’Empire (le thème de l’année) ou de la mythologie (le titre de la conférence), le propos s’est maintenu dans une description laborieuse et confuse qui a lassé les initiés autant qu’il a découragé les autres. Les extraits montrés, je pense à la scène du Conseil de Guerre dans l’épisode IV, n’ont pas été analysés. Finalement, il ne s’agissait que d’une recension des « scènes cultes ».
Les sources d’inspiration de Lucas pour son Empire n’ont jamais été évoquées, comme s’il s’agissait d’une création sui generis. Pareillement, ont été éludées les conditions de la réception des films. L’Initiative de Défense stratégique de Reagan, c’est-à-dire le fameux programme « Guerre des Etoiles », ainsi que la pétition d’internautes américains en 2013 pour la construction de l’Etoile de la mort ont été seulement citées.
Ni commentaire historique, ni analyse cinématographique, ni réflexion philosophique, la conférence a manqué son sujet. La tournée promise dans la fiction populaire contemporaine n’a jamais eu lieu.