Chacun de ceux qui se sont exprimés avant moi ont veillé à trouver le bon qualificatif pour présenter les Rendez Vous de l’Histoire. Pour moi ces Rendez-Vous, par l’ampleur qu’ils ont atteint, et part les échanges nourris entre le monde de la recherche et l’enseignement qu’ils rendent possibles, sont un évènement exemplaire.
Partir, deux syllabes qui peuvent signifier le rêve comme l’horreur. Partir est bien le propre de l’Homme, pour reprendre les termes de la conférence inaugurale de Pascal Picq, et c’est une actualité brûlante. Partir c’est la question de l’immigration, de l’émigration, des réfugiés et migrants d’hier et d’aujourd’hui. Le choix de ce verbe nous dit tout ce que l’Histoire peut apporter à la compréhension des phénomènes contemporains. Car l’Histoire ne se limite jamais au passé, mais parle au présent.
Créer des liens, penser le changement et la permanence, voila des tâches où l’Histoire doit jouer un rôle. Pas l’Histoire pensée, mythifiée, mais l’Histoire scientifique. Car l’Histoire n’est pas un roman. Les romans historiques ont leur charme mais relèvent du montage et de l’art. Les historiens sont dans leur rôle quand ceux-ci refusent de passer sous silence les zones d’ombre de notre passé.
Certes l’on fait des choix, et les programmes en témoignent. Nous ne pouvons aborder l’immensité de la discipline au cours de la scolarité obligatoire. Mais l’idée de cet enseignement de l’Histoire est de nourrir un désir qui pourra être assouvi par la lecture d’ouvrages en dehors de l’Ecole.
Cependant une chose a été préservée dans les programmes : la diversité des thématiques abordées. Car l’Histoire de la France n’est pas un long fleuve tranquille, sans lien avec le reste de l’Europe. Aborder les zones d’ombre, ce n’est pas se complaire mais faire face à la réalité et sa complexité.
L’Histoire est une science de la subtilité : l’oeil de l’historien cherche toujours à affiner à approfondir. L’Histoire n’a pas à être complaisante. Nous devons constamment nous interroger, pour faire progresser la recherche. Pour cela je suis heureuse que le projet de Centre Européen d’Etude Républicaine puisse aboutir. Ce ne sont pas simplement des recherches de haut niveau qui seront produites, mais aussi des données exploitables dans le primaire et le secondaire pour étayer les valeurs républicaines.
Ce travail est d’autant plus capital que si nous n’abordons pas les heures les plus sombres alors d’autres récits s’en chargeront. Nous les connaissons que trop bien : les allégeances à des communautés rêvées d’un passé glorieux, les théories du complot.
Nous avons tous un passé, une histoire, mais ces singularités viennent se greffer à une Histoire plus globale et large. C’est dans cette relation renouvelée que s’inscrit la grande collecte 2016. Photos, objets oubliés, tant de traces d’un passé lointain mais qui font le pont entre histoires familiales et histoire nationale.
Voila pourquoi je veux vous remercier enseignants, chercheurs et amateurs. Je salue votre passion pour l’étude et l’enseignement de la discipline historique. Mais partir c’est aussi la possibilité de quitter son poste au ministère…je veux donc vous dire une chose : je suis venue chaque année avec un réel plaisir car je suis sincèrement convaincue du rôle et de la place de l’Histoire dans l’éducation. Je suis convaincue que l’Histoire de France est suffisamment riche pour ne pas être singer. Et s’il y a bien une chose dont nous avons besoin, c’est de complexité dont vous êtes les acteurs. Je vous remercie.