19h00, auditorium de la bibliothèque Abbé Grégoire. L’affluence est importante compte tenu de la tenue au même moment de la conférence inaugurale de Pascal Picq dans la halle aux Grains.

La conférence est emmenée ce soir par maitre Jacques Trémolet de Villers qui, contrairement à ce que le titre de la conférence pouvait le laisser croire, présente l’ouvrage qu’il signe et publie aux Belles Lettres : Jeanne d’Arc, le procès de Rouen.

Disons-le d’entrée : le regard ainsi que la démarche de l’auteur sur cet évènement sont juridiques et non historiques. D’ailleurs maitre de Villers ne s’en cache pas. Ce qui intéresse avant tout notre conférencier, et qui guide son raisonnement, c’est la compréhension de la structure même du procès :

  • Quel est le but suivi par l’accusation au cours du procès et comment le met-elle en oeuvre ?
  • Jeanne d’Arc a t-elle une défense claire et efficace ?

Le procès a deux dimensions. Il s’agit d’abord d’un procès politique puis d’un procès religieux

Politique d’abord, et donc bien évidemment à charge : Jacques Trémolet de Villers rappelle que c’est in fine l’Université de Paris, engagée par le passé auprès du parti anglais et dont sont issus les juges, qui mène l’accusation. Quel est le but recherché ? Faire avouer à Jeanne le « secret » qui la lie à Charles VII depuis leur rencontre de Chinon. Pour autant le dossier d’accusation à l’ouverture du procès est vide. Les juges veulent tirer les arguments de l’accusation des paroles mêmes de l’accusé dans le procès. Mais ce procès politique échoue face aux refus répétés de Jeanne de parler, y compris sous la torture.

Le procès est ensuite religieux : déterminer si Jeanne est coupable d’hérésie ou non. Pour cela l’accusation assène sans cesse des questions complexes, afin de « pousser à la faute » l’accusée.

Malgré une défense que le conférencier qualifie d’habile, le destin de Jeanne est scellé depuis le début et l’issue est connue de tous…

Quel sentiment ressort de cet échange ? Une grande perplexité… Je m’explique :

L’admiration du conférencier pour ce personnage est indéniable. Cela n’est pas en soi un mal et Jeanne d’Arc est fascinante sur bien des points. Néanmoins, à l’image de la fameuse neutralité axiologique weberienne, l’historien ne peut se laisser dominer au sein de ses recherches par quelques sentiments personnels et convictions. Le travail de maitre Villers manque de cette distance critique nécessaire à tout travail historique. Mais est-ce étonnant ? Maitre Villers est avocat et aborde donc l’épisode du procès de Rouen avec le regard du juriste…peut-on lui reprocher ? A l’évidence non.

Mais ce n’est pas de l’Histoire. 



Toute l’ambiguïté de la conférence est là, et l’intitulé y est pour beaucoup. Nous déplorons ceci, d’autant plus qu’il ne s’agit pas là d’une première, mais d’une tendance qui semble se renforcer malheureusement.

L’on ne peut juger de l’analyse juridique de maitre Villers, les compétences nous manquent et nous nous garderions bien d’émettre une quelconque réserve sur ce point. Néanmoins pour qui serait intéressé par le procès de Rouen et souhaiterait aborder cet épisode du point de vue de l’historien, nous renvoyons aux travaux de Pierre Tisset et Yvonne Lanhers parus durant les années 1960-1970.