Intervenants :

Joël Cornette
Anne Lehoërff Retrouvez sa fiche de présentation [ici->http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Archeologie/Conseil-national-de-la-recherche-archeologique/Composition/Anne-Lehoerff-vice-presidente-du-CNRA]
Damien Agut Retrouvez sa fiche de présentation [ici->http://www.unilim.fr/criham/wp-content/uploads/sites/23/2016/10/CV-Damien-Agut.pdf]

L’affluence est forte en ce début d’après-midi et l’on joue du coude pour venir écouter Joël Cornette, entouré d’Anne Lehoërff et Damien Agut, présenter la nouvelle collection des éditions Belin :Les Mondes Anciens. Si toute publication s’apparente à une aventure, le défi éditorial relevé ici est de taille : ce ne sont pas moins de 14 volumes d’au moins 600 pages qui sont annoncés, dont 3 déjà sortis des presses.

Le premier à prendre la parole est Joël Cornette, directeur de publication, qui revient quelques instants sur les ambitions de la collection qu’il a l’honneur de présider, la présentant comme un projet d’Histoire totale, rempart au présentisme et moyen de « ré-enraciner » l’Histoire, en restituant les origines des civilisations à la base du monde contemporain. Un enjeu d’autant plus important à une époque où l’enseignement tend à délaisser ce terrain.

Pour mener à bien cette entreprise, la formule éditoriale a tenu à privilégier 4 points :

  1. Le choix des auteurs : 24 historiens ont été conviés à la rédaction de ces volumes, tous faisant autorité dans leurs domaines de recherche (tels Francis Joannes pour la Mésopotamie ou Marie-France Auzépy pour Byzance)
  2. La jeunesse des auteurs : La majorité des auteurs ont la quarantaine et ont su garder, selon les propos de Joël Cornette, « leur âme de défricheurs »
  3. L’atelier de l’historien : Ces ouvrages cherchent à déconstruire le processus historique pour le rendre intelligible.
  4. L’iconographie : Chaque ouvrage compte entre 200 et 300 illustrations, pour une bonne part inédites et commentées.

Le reste de la conférence est consacré à un échange entre intervenants, revenant tour à tour sur leurs parcours et l’ouvrage qu’ils ont écrit ou co-écrit.

Anne Lehoërff, auteure du premier ouvrage publié dans la collection, est proto-historienne, spécialiste du Néolithique (métallurgie) et professeur à l’Université de Lille. Le principal défi posé à Anne Lehoërff par la rédaction de cet ouvrage fut de réaliser à la fois une synthèse des connaissances, tout en parvenant à remettre en cause les pré-conçues afin d’apporter de la complexité et de la nuance au sujet. D’où le titre de l’ouvrage « Préhistoires d’Europe ».

Car il n’y a pas de bloc historique de Neandertal à Vercingétorix comme le rappelle Anne Lehoërff. Nous sommes sur des périodes différentes, et des sociétés diverses. S’il faut essayer d’arriver à voir ce qui relève de la permanence sur ces 40 000 ans au travers des réalités fortes de structuration comme le traitement des morts, il faut parvenir dans le même temps à rendre compte des particularités et changements sociaux (agriculture, métallurgie). D’où une rédaction alternant les chapitres thématiques et chronologiques.

Pour mener à bien cette entreprise l’historien ne dispose pas de sources écrites à ces époques mais de très nombreuses sources matérielles, bénéficiant des apports de l’archéologie préventive qui a totalement transformé la documentation (découverte de villages entiers, pour certains totalement conservés à la faveur du milieu).

Damien Agut est chargé de conférences à l’EHESS, spécialiste de l’Egypte ancienne (Ier millénaire) et le co-auteur avec Juan Carlos Moreno Garcia du volume « L’Egypte des pharaons ». L’ambition était de rédiger un ouvrage d’histoire totale en dépassant les sources classiques (écrites) pour leur adjoindre les sources archéologiques et papyrologiques nouvelles. La perspective obtenue permet alors de relativiser la spécificité de la société égyptienne à son époque en la comparant à ses proches et lointaines voisines.

Comme pour Anne Lehoërff, le défi des sources fut de taille. La recontextualisation des données hiéroglyphiques permise par les apports de l’archéologie et de la papyrologie rend d’autant plus difficile de rédiger un ouvrage cohérent, s’étalant sur trois millénaires et croisant des sources documentaires de diverses natures. Pour autant cet exercice laisse apparaitre de nouveaux acteurs de la société égyptienne et avec eux de nouvelles représentations qui mettent grandement à mal l’image d’Epinal de l’Egypte, figée autour de la figure pharaonique. Au contraire l’Egypte, en tant que carrefour des mondes anciens, est un « espace-monde » à elle-seule, traversée de grands mouvements sociaux, économiques et politiques au cours de ces siècles.

L’échange cède la place dans les derniers instants à quelques questions de la salle, et à des applaudissements nourris, preuve supplémentaire de la qualité des présentations.

C’est donc à une relecture de ces sociétés, tant dans leurs structures que leurs évolutions et leurs relations que la collection Mondes Anciens de Belin nous invite. Si le coeur de cible est très clairement le « grand public » qui y trouvera matière pour reconsidérer ses constructions et représentations, le lectorat des enseignants d’Histoire aurait tort de se priver de ces lectures passionnantes qui profitent de spécialistes et des dernières avancées scientifiques, d’autant plus dans le contexte de la refonte des programmes.

C’est finalement là que réside la réussite de cette collection : rallier divers lectorats sur la base d’une production de qualité que les Clionautes auront plaisir à chroniquer dans les semaines à venir…

Retrouvez la recension de l’ouvrage d’Anne Lehoërff, Préhistoires d’Europe.