Après le baccalauréat, le brevet des collèges: La douche froide continue !

Après les sujets du baccalauréat 2013 qui ont déjà suscité une vive émotion, partagée par tous les acteurs intervenant dans notre champ disciplinaire, force est de constater que le brevet des collèges, s’inscrit dans la même veine.

Le lien entre les programmes et les sujets d’examens est évident: Le programme démentiel a permis d’élaborer des sujets qui ne le sont pas moins.

Voici, parmi d’autres, une remontée de terrain assez parlante diffusée sur H Français : http://www.h-net.org/~francais/

Les sujets proposés dans les centres étrangers avaient laissé espérer que la tendance serait à la clémence. Les sujets donnés à Pondichéry semblaient assez et respectueux du niveau moyen des collégiens français et de leurs enseignants.

http://www.clg-pompidou-orgerus.ac-versailles.fr/IMG/pdf/brevet_histoire-geographie_2013.pdf

Les sujets du DNB 2013 Voir la pièce jointe en métropole ont été ressentis comme une claque ! Outre l’aspect « explosé » de l’épreuve que nous font remarquer tous les collègues d’HG n’ayant pas fait les programmes et que remarquent tout de suite les collègues des autres matières, le choix des sujets a laissé perplexe et a mis les professeurs dans une situation très inconfortable par rapport à leurs élèves. Pour des élèves de 3ème les questions posées relèvent toutes de l’implicite.

  • la question longue qui porte sur la Guerre Froide sans la citer.
  • Racontez la Guerre de Corée ou la Crise de Cuba « en précisant le contexte international de l’époque ». Même si l’on a respecté les attendus du programme (Berlin et une crise, soit la Corée, soit Cuba), l’élève qui ne se sera pas souvenu que ces crises sont liées à la Guerre Froide (ce qui est le cas de la moitié des élèves au moins), se retrouve dans une situation difficile.
  • un magnifique texte de Bérégovoy (au passage la dernière heure d’histoire d’un programme si court…) qui parle des 39h, en faisant référence à l’objectif des 35h qu’il promet pour 1985 et n’arriveront que 15 ans plus tard, tout en faisant référence au Front Populaire de 1936.
  • On demande à l’élève d’évaluer si Bérégovoy est objectif ? Comment évaluer un « non » sec !

Comme cela a pu être noté par ailleurs, les formulations ambigües, l’appel à des références que les élèves ne maîtrisent pas, font apparaître nos matières comme rébarbatives avec en plus la sensation que le travail ne paie pas !

  • Le caractère atomisé des questions n’a même pas été exploité pour valoriser le travail sur l’ensemble de l’année. Aucune question sur les 1e et 2e parties de l’année (soit la moitié ou presque de notre travail). Quand on sait qu’en mars la plupart d’entre nous terminions ces sujets, il y a de quoi être un peu dépité.
  • En géographie, les 2/3 des points sont consacrés à l’Union européenne. Les questions sur documents ne se suffisaient-elles pas ? La moitié des élèves ont parlé des inégalités comme limite à la puissance de l’Union, normal lorsque l’on propose un tableau sur ce thème juste en face mais sur lequel ne porte pas la question.
  • On demande aux élève de réciter des notions sur lesquels les débats sont encore loin d’être achevés. Qui parmi vous est capable de définir ce qu’est un espace productif ? Les élèves eux le sauront. « un champ avec des cultures », ça ira ?
  • Le tableau des inégalités au sein de l’UE est pernicieux : le « pour mille » du taux de mortalité a de quoi en planter quelques uns et le RNB du revenu par habitant peut en faire valser quelques autres. Heureusement que nos collègues matheux bossent mieux que nous : les élèves consciencieux ont fait des seuils par dizaine de milliers de $ (Où est passé l’€ ?). Par contre pas vu un élève intelligent pour y voir 3 ensembles de l’UE (NO, Sud et Est) … mais d’ailleurs leurs mauvais profs leur avaient-ils fait prendre conscience de ces trois sous-ensembles au seuil près avec une Autriche dans le NO, une Rép. tchèque dans le sud et un Portugal à l’Est. Sans doute devait-on juste attendre d’eux qu’ils identifient le centre, ses périphéries dynamiques et moins dynamiques, concepts si parlants à nos collégiens.
  • En éducation civique, on attend que les élèves, spécialistes de l’architecture palatiale républicaine, identifient en flouté la cour de l’Elysée. La aussi, la qualité des reproductions est littéralement indigne d’une imprimerie nationale !

Comme pour le baccalauréat, ces sujets traduisent un manque de considération pour le travail des professeurs de terrain. La nature des épreuves qui exclut le choix, au baccalauréat comme au brevet, a sans doute pour but affiché «d’éviter les impasses», mais en réalité vise à mettre la pression sur les professeurs pour qu’ils finissent à tout prix les programmes. Cela se fait en usant et en abusant du cours magistral et des polycopiés, au détriment de l’apprentissage à une réflexion critique.

Malheur au professeur qui a voulu faire acquérir par une pédagogie adaptée les bases de l’utilisation des connaissances à ses élèves. Il sera considéré comme «un mauvais prof», quelqu’un qui «perd du temps ! !»

Soyons clairs, ces sujets traduisent une dérive que nous avons déjà dénoncée en son temps, celle de ces épreuves basées sur des QRC (questions à réponses courtes) en attendant les QCM, qui sont issues des conceptions anglo-saxonnes des évaluations. On y rajoute, pour faire bonne mesure, une mise en forme qui rappelle, sans que ce soit le cas, les fameuses compétences… Et pour compléter le tableau, à moins que ce soit pour faire moderne, on y met une couche de télévision et d’internet, sans que la réflexion critique sur ces sources puisse s’exprimer.

Il est temps que tous les acteurs, parties prenantes dans nos champs disciplinaires, soient effectivement consultés sur ces programmes qu’il faut revoir complètement, et sur les épreuves d’évaluation. Ce n’est pas chose facile, le discrédit des précédentes consultations est tel que peu de professeurs croient que l’institution à laquelle ils participent les écoute un tant soit peu.

Les Clionautes sont attachés à ce que la didactique de nos disciplines soit réaliste, repose sur l’acquisition et la maîtrise critique des connaissances. Le pari fait du numérique à l’école est un formidable challenge que nous soutenons, mais encore faut-il que des programmes démentiels n’en limitent pas l’usage.

À ce propos, des risques existent et d’aucuns, sans doute de bonne foi, sont tombés dans ce piège. Le numérique peut aussi servir à organiser des QRC ou des QCM, ce qui est le contraire de la réflexion. Notre conception est toute autre. Le numérique, les TICE, donnent à voir et à comprendre, ils permettent l’autonomie, favorisent la recherche et la réflexion critique. Et à cet égard, les programmes et les volumes horaires tels que conçus actuellement en limitent l’usage de façon drastique.

Force de proposition, nous engageons dès a présent une réflexion sur les programmes et les évaluations, et nous appelons tous ceux qui croient en l’avenir de nos disciplines à nous rejoindre pour cela. Nous ne nous contenterons pas d’exprimer des critiques mais, avec tous nos partenaires, nous serons de véritables porteurs de projets, en faisant en sorte que nous puissions être entendus !