Parmi les résolutions de 2024 dans l’association, il y a eu celle de ne plus céder au commentaire immédiat du discours de l’exécutif sur l’éducation. Il était clair, après les déclarations fracassantes sur le « domaine réservé de l’école », toujours démenties par des réalisations au mieux bancales, au pire inexistantes, que tout ce battage entrait bien dans une stratégie de communication. On oriente le débat public, on l’enflamme, et peu importe la réalité ensuite, tant que les algorithmes des réseaux sociaux nous remontent dans les fils d’actualité et nous montrent la mâchoire bien carrée.
L’association a donc choisi de s’en tenir aux seuls actes et force est de reconnaître, quasiment un an plus tard, qu’il n’y a plus grand chose à dire.
Nous avons étrenné quatre ministres, quatre styles, quatre impuissances.
L’école toujours au fond du gouffre
La seule chose qui subsiste et qui apparaît maintenant plus crûment que jamais, c’est la dévitalisation à marche forcée de l’école.
Chaque professeur la sent au quotidien dans son établissement. Les classes remplies à regretter de ne pas pouvoir casser les murs, les projets qui ne sont plus financés, les principaux et proviseurs maintenant aussi résignés et déprimés que les enseignants, tout le montre. Le nécessaire est en attrition mais l’accessoire, celui qui peut justifier un plan média à peu près positif, conserve robinet ouvert. On ne rémunère plus rien correctement mais il y a toujours assez d’argent pour payer des tests nationaux et toutes les lubies à la mode. Bien attendu la bluette du « un professeur devant chaque classe » n’a pas tenu mais à moins d’observer l’école depuis une galaxie lointaine, il n’était guère possible d’y croire sincèrement.
Le gouvernement, en butte à l’exercice du budget 2025, rajoute de nouvelles pièces dans la machine ou, dans le cas présent, en retire beaucoup. Il annonce supprimer 4000 postes de professeurs, oui 4000, dont la majorité à prélever sur le premier degré. Avait été publié il y a peu, un rapport des deux inspections générales de l’éducation et des finances, anticipant la baisse des effectifs scolaires dans une France qui ne fait plus d’enfants.
Mais on peut continuer à creuser
Concernant ce rapport sur la baisse importante des effectifs, il faut être clair et prendre date. Nous avons bien compris que tout risque fort d’être géré avec un tableur en guise de support de réflexion. Moins d’élève vaut moins de postes. C’est d’une logique imparable. Et cela produira de nouvelles catastrophes : des classes surchargées, des compétences encore en recul pour les élèves, un mal-être généralisé, une nouvelle vague de désaffection pour le métier, et ainsi de suite.
Nous percevons bien le raisonnement latent, sur fond de « n’attendons pas et supprimons maintenant, il y aura les contractuels pour compenser ». Au prochain budget, sans doute avec un nouveau locataire rue de Grenelle, il sera temps de revenir sur les dédoublements en CP et « toutes ces mesures qui n’ont pas prouvé leur efficacité », la formule consacrée dans ce genre de situation. Car oui, quasiment plus rien ne fonctionne correctement et du grand « réarmement », passons au grand renoncement.
Est-ce à dire que des économies ne sont pas possibles dans l’éducation et que le climat général n’impose pas un « effort national » ? D’abord, l’effort national, il est là et installé depuis des années. Les enseignants ont perdu leur pouvoir d’achat, leur qualité de vie au travail, leur évolution de carrière, la reconnaissance de leur mérite, leur respectabilité dans la société, leur formation continue, la liste est interminable. Et ce n’est pas encore fini ?
Les résultats médiocres des élèves français dans quasiment tous les domaines ne sont pas encore tombés assez bas pour qu’on continue de considérer l’école comme une ligne budgétaire parmi d’autres ?
Quant aux économies, s’il y en a à faire, c’est déjà dans les gadgets dont on parlait plus haut, dans les lubies communicationnelles qui tiennent lieu d’ambition scolaire, dans la réformite mal pensée et mal appliquée qui finit par tout stériliser sur son passage. Si chacun s’en tenait à son travail initial, sans devoir sacrifier une part croissante de son temps à l' »accompagnement des réformes », tout le système gagnerait en efficacité. Et c’est vrai à tous les niveaux. Pour l’IA-IPR qui n’inspecte plus, pour le « perdir » qui ne dirige plus, pour l’enseignant qui, au prochain train de réformes, devra réfléchir à non pas faire un meilleur cours mais à traiter, on le voit venir, des chapitres essentiels dans un format impossible.
Ce qui fait la beauté de nos métiers, c’est le mouvement mais la marche vers l’avant, pas ces pas de côté où la mission initiale s’est perdue en route.