Avec Philippe REKACEWICZ, géographe cartographe – chercheur associé, Nepthys ZWER, autrice.
Il est des cartes radicales, qui dévoilent et dénoncent, qui protestent. Pour comprendre ces cartes rebelles, leurs forces, leurs possibilités. Ce livre entreprend un voyage d’exploration au cœur de la création carto. Que se passe-t-il exactement quand nous élaborons une carte, qu’elle soit radicale, expérimentale ou conventionnelle ? Quelles intentions président à sa fabrication et à sa mise en œuvre ?
Une cartographie engagée
Un évènement précurseur a favorisé la mise en place d’une cartographie radicale. Le rachat du logiciel FreeHand (édité par Macromedia) au début des années 2000 par Adobe. Dans le monde économique en général et, numérique en particulier, c’est fréquent de voir de grands groupes agir en prédateur sur des plus petits. Néanmoins, cette logique de concurrence et de conquête de part de marché a déplu à certains cartographes engagés. Ils décident alors d’arrêter de travailler sur l’ordinateur et reprennent leurs crayons. Commence donc une expérience collective de la cartographie assumant tout à la fois son engagement, sa sélection d’informations et la finalité de son travail. C’est la cartographie radicale.
Il est possible de retrouver cette démarche dans This is not an Atlas (2018) disponible gratuitement.
Les auteurs remettent sans cesse en question l’intention de la carte. Par exemple, celles produites en Israël et Palestine semblent devoir servir d’arme intellectuelle ou de preuve. Elles sont brandis comme un argument pour prouver le bien-fondé d’une politique. La carte est un langage politique. Et le cartographe palestinien Khalil Tafakji a été invité à Camp David afin de permettre de trouver un accord entre les deux parties.
Tout en montrant au public quelques extraits de leur Atlas, ils considèrent qu’il est possible de présenter les sentiments et les expériences dans une production cartographique. Néanmoins, ils sont conscients que cela va à rebours des cartographies traditionnelles. De manière récurrente, ils regrettent que la cartographie sur la crise des migrants présente systématiquement les frontières et les routes mais jamais les émotions ni les mouvements.
Un travail en réseau
Ensuite, ils proposent de présenter quelques travaux de collègues cartographes. Tour à tour, Anne Bailly, Agnès Stienne (carte ci-contre et accessible ici ), Doreen Massey et Jacques Bertin sont successivement cités et pris en exemple pour leur engagement. L’ensemble est commenté rapidement car le format de la présentation est court.
L’exposé se termine par le travail réalisé par Trevor Paglen (carte ci-contre et résumé de l’affaire ici en anglais ). Ce cartographe a demandé, par l’intermédiaire d’un projet participatif, de révéler les origines des trajets d’avion commandités par la CIA. Philippe Rekacewicz a participé à ce projet au Tadjikistan et en Ouzbékistan. La publicité du travail a eu pour conséquence l’arrêt de ces pratiques par la CIA.
La présentation se termine dans le même brouhaha général qui a accompagné les auteur(e)s durant une heure. L’espace géo-numérique ne supporte pas les conférences dont le nombre d’auditeurs dépasse celui escompté.