En cette année pré-électorale, tel un candidat à la présidentielle, M. Casali fait preuve d’une activité débordante qui force l’admiration. Après avoir porté sur les fonts baptismaux « le meilleur manuel d’histoire » de collège il y a quelques semaines, il publie en cette rentrée deux nouveaux ouvrages : un essai, Désintégration française chez J.C Lattès analysant « pourquoi notre pays renie son histoire et nos enfants perdent leurs repères » et enfin, Notre histoire qui est une édition pour adultes du manuel cité ci-dessus. Développement durable oblige, M. Casali recycle… Ainsi, si vous achetez le manuel et Notre histoire, vous repartirez en réalité avec un seul livre pour le prix de deux.
Au fil des ans, M . Casali a réussi à se forger une solide réputation d’historien et de spécialiste de l’enseignement de l’histoire. Aussi, conjointement à l’analyse de son dernier « opus », j’ai voulu en savoir un peu plus sur la « construction sociale » de son personnage de spécialiste, titre qui paraît largement usurpé.
À travers la consultation de courtes notices biographiques sur internet, M. Casali apparaît à la fois comme un ancien professeur chevronné, « ayant notamment enseigné en ZEP » , comme un historien et comme un spécialiste de l’enseignement de l’histoire au primaire et au collège (programmes, manuels). Deux facteurs primordiaux ont contribué à la « fabrication » de cette image. La publication depuis une quinzaine d’années d’ouvrages historiques de vulgarisation, écrits ou co-écrits – y compris avec un auteur d’outre tombe comme Ernest Lavisse – et destinés à un public avide de renouer avec les grandes heures du passé national. Mais surtout, tel un Rastignac de l’histoire, il a réussi à se faire une place au soleil dans l’univers médiatique parisien. À cet égard, une analyse du traitement par la presse en ligne de ces deux derniers ouvrages ( le manuel scolaire et Désintégration française – qui sont les deux faces d’une même offensive contre la politique de l’Éducation nationale et l’enseignement actuel de l’histoire) ainsi que de la présence de l’auteur dans les studios de radio, sont particulièrement éclairantes.
Un aperçu de la présence de D. Casali dans l’univers médiatique du 30 août au 21 septembre.
«Recherche effectuée à l’aide de Google et de la consultation du compte Facebook de Dimitri Casali et qui ne prétend pas à l’exhaustivité. Les critiques sont toutes globalement favorables, voire très élogieuses. On remarquera l’importance du site Atlantico, soit directement par ses articles , soit plus subtilement par les relais que constituent des collaborateurs ou ex-collaborateurs d’Atlantico. Fr (J.B Noé, A. Bercoff, Eric Brunet).»
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Comme vous le constatez, les ouvrages de M. Casali suscitent un certain écho dans les médias en ligne de tendance conservatrice. Ce sont en général des articles très favorables à l’auteur , quand ils ne se réduisent pas à une promotion pure et simple, un simple copié-collé des arguments de vente de l’auteur ou de l’ éditeur. Ainsi fait le site « famille chrétienne », dans un article mis en ligne le 26 avril 2016, intitulé « un nouveau manuel d’histoire d’excellence » accompagné en outre d’une vidéo de l’auteur vantant son produit.(Un nouveau manuel d’histoire d’excellence Le site Atlantico.fr » dans son édition du 4 septembre préfère mettre en lignes les « bonnes feuilles » de Désintégration française ». Pourquoi nous en étonner quand on sait qu’à ses heures perdues, M. Casali collabore avec Atlantico ? Tout-à- fait normal aussi l’article élogieux de J. B Noé sur son blog ( mais qui le lit?), qui est aussi un collaborateur d’Atlantico et en outre a participé à la rédaction du manuel Casali…
La radio n’est pas en reste. Le 1er septembre 2016, M. Casali a l’honneur d’être l’invité d’Europe dans l ‘émission d’histoire animée par Marc Ferrand : cette « invitation s’imposait un jour de rentrée scolaire » , dixit l’assistante de l’animateur… On y apprend que ce n’est pas la première fois que «ce spécialiste de l’enseignement de l’histoire » est invité et que l’animateur n’est « pas loin de penser la même chose » que son invité sur le fait « que l’histoire est enseignée d’une manière insuffisante »… Suit un éloge appuyé du manuel d’histoire, qui est presque, n’ayons pas peur des mots , « un anti-manuel », selon Franck Ferrand…
Sud Radio adopte une démarche plus interactive. Dans son émission « Moi, président.. » du vendredi 16 septembre, André Bercoff, également collaborateur d’Atlantico. fr, avait invité D. Casali à débattre sur l’enseignement de l’histoire à l’école. L’animateur questionne et contredit mollement l’invité sans jamais le mettre en difficulté. L’émission se veut interactive et les auditeurs sont invités à donner leur opinion sur l’antenne. Nous sommes à l’ère de la démocratie participative, n’est-ce pas…. Manifestement, les auditeurs qui sont passés à l’antenne connaissaient bien les thèses de Casali, allant parfois jusqu’à reprendre les mêmes arguments, aux mots près. Il est assez facile de nos jours de mobiliser ses amis via facebook quand on va passer à la radio. Je fus la seule voix discordante dans ce concert de louanges…
Cependant, il est aussi assez facile de déconstruire cette statue du commandeur de l’histoire, dont le socle repose sur 3 piliers.
- Premier pilier : M . Casali a été enseignant de nombreuses années. Il sait donc de quoi il parle… Combien d’années au juste ? Jusqu’à quand ? Mystère. Selon mon analyse et mes recherches, M. Casali n’enseigne plus depuis 2003, soit près de 15 ans. Comment pourrait-il d’ailleurs concilier un travail d’enseignant avec son activité éditoriale foisonnante ? Il a été prof en ZEP. On saisit immédiatement le message subliminal contenu dans ce petit détail. Ainsi, M. Casali a vécu dans les entrailles du « mammouth », il parle donc en connaissance de cause…
- Deuxième pilier : M. Casali est un historien puisqu’il publie des livres d’histoire ! Les Clionautes ont déjà mis en lumière les failles conceptuelles et les erreurs historiques de M. Casali dans d’autres articles.
Le nouveau manuel d’histoire (1)
Le «nouveau» manuel d’histoire (2)
Ce n’est pas très difficile et on finit par y prendre un certain plaisir. Ainsi, dans Désintégration française, le lecteur apprendra qu’Henri IV est un des pères de la laïcité… Ce manque de rigueur conceptuelle part sans doute d’un bon sentiment, jeter un pont entre l’Ancien régime et la République laïque, afin de renforcer l’unité nationale… De même, l’auteur ne trouve pas « choquant en soi » que le génocide arménien soit abordé en classe de troisième, mais en a-t-on le temps, se demande-t-il ? D’autant plus que « le génocide arménien n’est pas non plus une des causes du déclenchement de la 1ère guerre mondiale »… Ce croisé de la chronologie à l’école sait- il que le génocide a eu lieu en 1915 ? A-t-il bien compris l’esprit du chapitre consacré à cette guerre mondiale ?
- Troisième pilier : M. Casali est un spécialiste de l’enseignement scolaire de l’histoire, des programmes et des manuels. Sur ce point, il est assez aisé, quand on est prof sur le terrain, de lui porter contradiction.
Ceci sera l’objet d’un prochain papier.