La commune de Paris – Ce livre exceptionnel rassemble l’ensemble des connaissances sur la Commune en un seul volume. Plus de 600 illustrations pour l’immense majorité inédites. Plusieurs niveaux de lecture (biographies, synthèses thématiques, présentation des lieux) fournissant autant de portes d’entrée dans une histoire méconnue. Un livre qui rassemble les concours d’une trentaine de chercheurs et chercheuses, parmi les meilleurs spécialistes du sujet.
À l’occasion de la parution de cet ouvrage, à la fois dictionnaire et encyclopédie, dont l’intitulé « la commune de Paris » désigne clairement son objet, cette conférence a permis de faire un point sur l’état de la recherche sur un sujet qui apparaît encore à la fois comme clivant, est encore mal connu. Le cent cinquantième anniversaire de la commune de Paris a été télescopé par le bicentenaire de la mort de Napoléon, une occasion, parmi d’autres d’exprimer certaines divisions.
Il n’y a pas si longtemps, un conseiller municipal de Paris, du 16e arrondissement, restait persuadé que la commune de Paris avait brûlé des synagogues. Aucune source historique, y compris des autorités militaires de l’époque, n’a pu le confirmer.
Aux côtés de Michel Cordillot trois coauteurs sont venus présenter leur champ de recherche. Il convient toutefois de rappeler que l’histoire de cet événement est une école d’humilité. L’exercice auquel se sont livrés les auteurs n’est pas spécialement facile.
Le sujet reste toujours clivant, largement méconnu, malgré la richesse documentaire archivistique dont on dispose, mais il a pu être traité en fonction de différentes circonstances politiques. Le centenaire de la commune de Paris en 1971 avait été largement accaparé par les mouvements de la gauche extraparlementaire issue du mouvement de mai 1968. C’est que cet événement apparaît comme court dans le temps, le premier épisode a lieu le 18 mars 1871 et la semaine sanglante, avec l’écrasement de la commune se termine le 26 mai.
La répression a été lourde, et elle a connu récemment un renouvellement historiographique avec 40 000 victimes, 10 000 procès, 4000 déportations, essentiellement en Nouvelle-Calédonie, et 25 conseils de guerre. Des exécutions ont également eu lieu lors de rafles pendant les combats. La publication de cet ouvrage s’inscrit dans la continuité du dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, celui que l’on connaît, pour son site en ligne, le Maitron.
Dans la masse des personnages qui apparaissent dans cette histoire, les auteurs qui renvoient aux notices individuelles du Maitron ont élaboré 103 notices thématiques permettant d’aborder les différentes questions en débat, ainsi qu’une évocation des lieux des différents événements.
Les trois intervenants ont présenté leur thème de recherche, et pour Florence Braka, il s’agissait d’aborder les femmes de la commune, largement décriées et considérées comme des pétroleuses, des incendiaires, qui auraient sans doute brûlé de nombreux bâtiments dans Paris.
La réalité est beaucoup plus prosaïque, et on rappellera que les différents procès qui ont eu lieu à la suite de l’événement n’ont pas pu trouver la moindre trace de pétrole, ni d’autres engins incendiaires.
Pour autant, l’essentiel repose sur la place que les femmes ont pu occuper dans cet événement. Les femmes ne sont pas représentées dans les instances de direction de la commune, mais elles constituent des clubs, reprennent des ateliers abandonnés pour y travailler, des ateliers coopératifs. Elles proposent un modèle alternatif, en partant de l’idée que l’émancipation ouvrière passera obligatoirement par l’émancipation des femmes.
Évidemment, le cas de Louise Michel, qui apparaît dans les programmes du second degré, comme un point de passage et d’ouverture, permet d’évoquer cette question, à condition que le temps imparti ne le permette.
Maître de conférences à Paris-XIII, Laure Godineau a voulu aborder la complexité dans la temporalité et dans l’espace de l’événement. Dans ce domaine le renouvellement historiographique a été important, avec une transformation dans les quartiers communards de l’espace visuel, mais aussi de l’environnement sonore, notamment par les chansons de la commune. On notera que la plupart, celles qui sont les plus connues, abordent essentiellement la répression et sont largement postérieures pour certaines d’entre elles.
La commune de Paris se présente comme une république démocratique et sociale, et dans la notion de république on insiste largement sur la morale. Une morale civique, celle qui commande la fermeture des maisons closes, qui réprime durement les voleurs, car ils portent atteinte aux valeurs collectives, et même la répression de l’ivrognerie, car déstabilisant le corps social.
Tous les républicains ne sont pas favorables à la commune, et la majorité d’entre eux lui sont hostiles. Pour autant, les communards s’inscrivent bien dans le camp républicain, mais mettent l’accent sur la république démocratique et sociale, ce que les conciliateurs, tout comme les conservateurs, refusent largement.
Il convient d’aborder également la mémoire de la commune qui a été une construction qui s’est réalisée a posteriori, et qui a très largement marqué le phénomène, en le faisant, du moins pendant un temps, tombé dans l’oubli. La république des républicains a souhaité que l’on efface cet épisode sanglant, et même l’amnistie, avec le retour d’exil des déportés en Nouvelle-Calédonie, a été discrète. On est resté également très discret sur la nature de la répression, car il y a eu des bagnes, en Nouvelle-Calédonie avec le travail forcé et les châtiments corporels.
Au-delà des déportés, il convient également d’aborder le chiffre de cinq à 6000 exilés qui se sont dispersés dans toute l’Europe, certains aux États-Unis, dont il a fallu retrouver la trace, avec certaines difficultés.
Quentin Deluermoz a insisté largement sur l’historiographie avec les différentes périodes politiques qui lui sont adossées. La question qui s’est posée a été de savoir si la commune de Paris a pu constituer le crépuscule des révolutions, l’achèvement d’un processus commencé en 1789, poursuivi en 1830 et en 1848, conclu en 1871.
Le mouvement révolutionnaire, et notamment le courant communiste a repris à son compte la commune de Paris, et on se souvient de Lénine patinant pour manifester sa joie lorsque le régime bolchevique a dépassé en durée celui de la commune de Paris.
Dans les années 60 et 70 les sociologues comme Henrys Lefebvre se sont emparés du sujet, sous l’angle de la fête révolutionnaire. La période post 68 a été propice à ce que l’on aborde cela sous l’angle d’une lutte urbaine contre le capitalisme du XIXe siècle.
La démarche s’inscrive dans le champ politique, avec une reprise par François Furet et Maurice Agulhon, des deux optiques différentes de cet épisode révolutionnaire. Pour Pierre Nora par contre cet épisode est très légèrement abordé.
D’autres travaux ont pu avoir lieu comme ceux d’un historien britannique Robert Tombs, qui aborde la situation de l’armée versaillaise.
Robert Tombs Paris, bivouac des Révolutions – La Commune de 1871.
Jacques Rougerie – La Commune et les Communards
Collection Folio histoire (n° 271), Gallimard
Parution : 08-03-2018
Tous ces angles de recherche qui traduisent clairement les préoccupations politiques du moment, constitue avec la parution des éditions de l’atelier, une formidable invitation à poursuivre.
On rappellera que cette commune de Paris est probablement la révolution la mieux documentée de l’histoire, celle à partir de laquelle les archives policières, judiciaires, ont été les mieux conservées, et dont la description minutieuse constitue des sources irremplaçables pour l’atelier de l’historien, le bien nommé.
On rappellera que la commune de Paris a pu faire, par le biais d’un point de passage et d’ouverture, dans l’histoire de la création de la république, un certain retour avec le personnage de Louise Michel. Une occasion, à condition que le temps contraint des programmes scolaires ne le permette, d’aborder cet épisode que l’on a eu tendance à faire apparaître parfois comme un accident dans un récit linéaire, celui de l’installation et de la consolidation de la République.