La vague ChatGPT a déjà investi le monde des devoirs à la maison. Si vous avez constaté un meilleur plan de dissertation, une qualité d’expression, certes impersonnelle, mais impeccable, la répétition d’un même schéma narratif d’une copie à l’autre, une difficulté à illustrer par des exemples précis, ne cherchez plus : vos élèves ont « chatGPTé » votre sujet.
ChatGPT et le plagiat
On se souvient du cri d’alerte de ce professeur en handicapologie à l’université de Lyon qui, en janvier 2023, pour un devoir maison demandé à ses étudiants de Master de l’université Lyon, avait obtenu sept copies intégralement inspirées par ChatGPT. Sept copies, c’est peu, mais sept copies sur quatorze, à savoir la taille du groupe d’étudiants de ce professeur, c’est beaucoup. On notera d’ailleurs qu’il s’agit d’étudiants en Master, à un niveau où la motivation ne fait pas de doute.
Dans le cadre d’une scolarité obligatoire, avec des matières affectées de coefficients très marginaux, on imagine ce que pourrait devenir cette proportion de 50% de plagiaires. Par ailleurs, si l’enseignement supérieur se dote de logiciels de détection, il paraît peu probable que l’enseignement secondaire public en bénéficie, ce qui ne sera pas sans effet non plus sur les derniers scrupules de nos élèves. Pour l’instant, la saturation médiatique de ChatGPT fait que les requêtes dirigent majoritairement vers le site d’OpenAI. Par conséquent, le professeur a la possibilité de rentrer sa propre consigne pour voir ce que le logiciel lui suggère, et ainsi contrôler ses copies. Toutefois, la diversification du marché, avec l’arrivée notamment de concurrents (Copilot, Google Bard, etc.), la possibilité d’accéder à une IA plus performante selon l’abonnement, la facilité à se réapproprier un texte conçu par la machine, tout devrait rapidement compliquer le traçage des devoirs, à moins de disposer d’un logiciel de repérage ad hoc.
Parmi les signaux de la fraude à ChatGPT, notons :
- le style impersonnel,
- la difficulté à donner des exemples,
- l’absence d’éléments propres au cours,
- l’absence de fautes d’orthographe,
- un style d’écriture ne correspondant pas aux productions habituelles des élèves.
Un désinvestissement croissant des élèves dans le travail à la maison
Certes, les élèves n’ont pas attendu OpenAI pour se désinvestir de leur travail personnel. Depuis plusieurs années déjà, nous avons dû revoir nos exigences à la baisse, pour quantité de raisons. L’arrivée d’Internet, de Wikipedia et de tous les sites périéducatifs n’ont pas forcément eu les conséquences bénéfiques attendues en ce domaine. Certes, les élèves ont désormais un accès quasi universel à la connaissance, mais ce n’est pas parce que la route existe, qu’elle est correctement empruntée. La plupart du temps, un travail de recherche, même dument préparé en classe par de multiples conseils méthodologiques, débouchera sur un copier-coller, sans doute très bien présenté, mais qui permettra difficilement d’évaluer compétence et connaissance.
Tout cela pour dire que si ChatGPT peut être utilisé comme un professeur particulier, à qui l’on peut demander à l’infini de réexpliquer une notion, de fournir des exercices avec corrigés, de guider un travail de recherche, il peut aussi n’être qu’un simple sous-traitant. Il fournit la réponse à un travail demandé par l’enseignement, laquelle sera notée sans être forcément comprise. À ce stade, l’exercice à la maison n’a aucun sens. Parmi les déclinaisons de l’IA que nous suivons, signalons HistorianGPT, un professeur particulier en histoire qui fonctionne sur la base ChatGPT 4.
Déjà, on pouvait déplorer que les travaux à la maison ne soient que d’une relative utilité dans la mesure des compétences des élèves. Cela n’en sera que plus vrai à l’avenir.
ChatGPT , contrôle continu, devoirs sur table
L’évaluation en présentiel sans aide extérieure demeure l’étalon le plus représentatif des capacités de l’élève. C’est ce qu’ont bien compris les universités qui, comme à Strasbourg par exemple, ont dû réorganiser des examens en salle après avoir constaté des fraudes lors de devoirs à la maison.
Pour les examens, l’ironie est que toutes les évolutions réglementaires de ces vingt dernières années ont affaibli le poids des épreuves terminales dans la délivrance des diplômes. C’est le contrôle continu qui constitue le nouvel horizon. Donc, dans le cas de l’enseignement secondaire, cela signifie que le poids des évaluations en classe sera alourdi, au détriment du temps dédié habituellement aux apprentissages. L’examen terminal, par sa disparition progressive, confère à l’enseignant isolé dans sa classe une responsabilité renforcée.
Il reste deux questions à traiter. Comment contourner l’intelligence artificielle dans notre pratique d’enseignement ? Mais aussi comment en tirer profit ?
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