Intervenant : Christian Metz : professeur de géographie à l’Université de Gap
Dans la salle de conférence A302 remplie, la délégation clionaute prend place pour la conférence de Monsieur Metz qui portera sur les conflits de gestion de la ressource hydrique sur le continent africain.
Dans son propos introductif, Christian Metz revient sur l’utilisation mondiale de la ressource en eau. Si près de 70% de celle-ci est consommée pour l’agriculture, de lourdes distinctions s’opèrent entre les régions (45% de l’eau consommée dans les pays de l’OCDE, 85% en Egypte et en Inde), ce qui n’est pas sans renforcer les conflictualités.
La question de l’eau devient de plus en plus prégnante avec l’évolution démographique africaine : la population est appelée à doubler d’ici 2050 et quadrupler d’ici 2100, provoquant stress hydrique voire pénurie massive.
Des solutions existent à cette situation :
- Le dessalement d’eau de mer
- L’exploitation des aquifères profonds
- Le détournement des eaux
- L’utilisation de produits adaptés ou modifiés (retour de produits adaptés aux territoires et moins consommateurs d’eau, voire OGM).
- Le développement de solutions techniques
II, Le Nil
Christian Metz rappelle l’existence de deux fleuves Nil : le Nil blanc et le Nil bleu, et les accords de partage des eaux signés entre l’Egypte et le Soudan en 1959 sans consultation régionale au préalable et portant sur 88% de la ressource. Si la situation fut acceptée de facto jusqu’en 2010, la mise en route sur le Nil bleu du projet éthiopien de « Barrage de la Renaissance » en 2011 (70 milliards de m³ d’eau de retenue, 6000 MW de production électrique) bouscule la situation. Confrontée à des défis immenses (population en forte hausse démographique, croissance économique de 7% sur les cinq dernières années, taux d’accès à l’électricité de 23%), le barrage offre à l’Ethiopie les moyens de rééquilibrer sa balance du commerce extérieur par la revente de l’électricité, tout en augmentant le taux d’équipement électrique et en étendant la surface des terres arables irriguées (2.2% seulement actuellement).
L’Egypte perçoit négativement le projet. Le pays est en effet contraint par trois chiffres :
- 1 million de km²
- 2 millions d’habitants supplémentaires tous les ans
- 3% des terres seulement cultivables.
Pour les étendre, plusieurs plans ont été envisagés. Le premier fut le « canal de la paix » ou canal Al Salam, reliant le Nil au nord du Sinaï via des canalisations. En plus d’étendre les surfaces arables, ce projet a aussi l’avantage de pousser à la sédentarisation les bédouins locaux, fortement impliqués dans les trafics de contrebande. Le second est le canal de Touchka ou projet « Nouvelle Vallée » toujours en construction.
Reproduction avec l’autorisation du conférencier
« Si une seule goutte du Nil est perdue, notre sang sera l’alternative » Président Morsi
Cette citation illustre les propos de Monsieur Metz sur la gestion du conflit latent entre les Etats du bassin du Nil sur la gestion des eaux, et notamment entre l’Ethiopie et l’Egypte. Par négociation diplomatique et menace (l’acquisition très rapide des rafales par l’Egypte en 2015 prend ici tout son sens), celui-ci fut réglé en partie en 2015. Mais les perspectives demeurent floues. Le pays dispose encore de deux voies non explorées :
- Le dessalement de l’eau de mer, se pose néanmoins la question du coût énergétique
- Le renflouement du Nil via des transfert d’eau du bassin du Congo au bassin du Nil.
III, Lac Tchad
Reproduction avec l’autorisation du conférencier
Les derniers points abordés par Christian Metz le furent bien plus brièvement. La première précision concerne le lac Tchad, riverain de 4 Etats (Cameroun, Tchad, Nigeria et Niger), et fortement peuplé sur ses rives (30 millions d’habitants, avec un taux de natalité de 7 enfants/femme). Or ce lac connait une très grande variabilité de sa dimension. Christian Metz évoque l’existence du projet Transaqua (transfert d’eau depuis le Congo), qui rencontre des problèmes :
- Les relations difficiles entre la République Centre Africaine (RCA) et le Tchad (accusation de financement des rebellions centre africaines par le Tchad)
- La question de la perte de propriété des deux Congo sur leur fleuve
La situation est d’autant plus sensible que les populations subissent les poussées extrémistes (Boko Haram)
IV, Libye
Le pays exploite pour son agriculture les eaux des aquifères profonds du sud du pays. Or 90% de la population libyenne se trouve sur les côtes. Ainsi fut créée la « Grande Rivière Artificielle ». Se pose à terme la question de la gestion de la ressource, l’aquifère exploité par la Libye étant à cheval sur 4 Etats voisins (Libye, Egypte, Soudan et Tchad).
V, L’Algérie
Christian Metz revient très brièvement sur les conflits d’usage autour de l’eau dans le sud algérien à la suite de la découverte d’immenses gisements de gaz de schiste et l’utilisation des ressources locales d’eau à la fracturation. Le pays envisage la construction d’une centrale nucléaire devant fournir l’énergie nécessaire au dessalement de l’eau de mer, pour compenser les ponctions effectuées au titre de l’exploitation gazière.
L’on voit ainsi que la gestion de l’eau, par le passé réglée par accords binationaux, est l’objet désormais de concertations régionales. Si les tensions sur la ressource se développent, des solutions techniques existent, mais nécessitent pour cela une forte dynamique économique sur le continent.
Au cours de l’heure, Monsieur Metz est parvenu à dresser un tableau d’ensemble des principaux conflits et crises liés à l’eau sur le continent africain. Si une grande partie de l’intervention fut consacrée au Nil, l’on aurait apprécié passé davantage de temps sur les crises abordées en fin d’intervention.