Maître de conférences à l’université Paris 8, Stéphane Bonnery s’intéresse aux difficultés dans les classes d’un point de vue sociologique.
Si certains enfants ne sont pas forcément « déficitaires » dans leurs compétences scolaires, il est un fait qu’ils n’ont « que » l’école.
Des explications peuvent être à rechercher dans la massification mais aussi dans les interactions de classe elles mêmes qui génèrent des inégalités.
L’analyse prend appui sur les manuels scolaires qui, à l’image des « bedtime stories » qui matérialisent une pratique sociale dans un ouvrage, influencent les pratiques.
Quelles interactions entre élève et enseignant, entre élèves, sont possibles selon les manuels ?
Le regard sur un vieux Delagrave de 1955 montre une leçon sur les rois capétiens très centrée sur le récit avec peu de concepts, des questions fermées trouvant les réponses dans l’ordre des textes, un travail de mémorisation et de restitution. Le destinataire des consignes est unique et la place laissée à la déduction est dérisoire pour ne pas dire absente.
Aujourd’hui, à l’appui d’un volume CM1 des « Ateliers Hachette », Stéphane Bonnery montre que l’illustration apparaît comme une évidence, que les attendus ne sont pas explicités, que les savoirs sont plus notionnels mais difficilement mis en relation avec le titre « la construction du pouvoir royal : X-XIIIème siècle », que la trace écrite est très brève, punaisée telle un post-it et que les documents, trop nombreux, doivent être mis en comparaison pour s’en sortir au niveau des réponses.
Les destinataires sont multiples entre le bon élève qui saisira l’ensemble de la problématique et l’élève plus en difficulté qu’on occupera avec des questions très simplistes (« Où est le roi ? » Au centre, « Pourquoi ? », C’est le chef…).
Le conférencier remarque également qu’un peu trop d’anecdotes, en supplément, « le sais-tu ? » garnissent les espaces vides de la double page et que l’on tire vers toujours plus de leçons, vers un morcellement des sujets à étudier.
Passé l’école primaire, des exemples de mises en activité en 6ème consistant à se mettre « à la place de » via un jeu d’écriture sont analysées : les manuels en proposent, les enseignants s’en inspirent pour leurs devoirs maisons mais il n’y a pas de travail d’analyse de la construction du résumé.
En somme, l’école créerait des inégalités, les enseignants ne sont pas aidés pour y faire face, les élèves ont des bagages différents au départ.
Dans ces exemples, la difficulté était-elle inhérente au sujet spécifique de la construction du pouvoir royal ou plus intrinsèque à la didactique de l’histoire en général ? Et demande-t-on à l’élève de « faire » ou alors de « s’interroger » ?