Une conférence inaugurale des rendez-vous de l’histoire de Blois est toujours un moment particulier qui dépasse le cadre convenu des remerciements et des interventions officielles. On attend toujours avec beaucoup d’impatience le discours inaugural de Jean-Noël Jeanneney le président du conseil scientifique des rendez-vous de l’histoire de Blois qui se livrait à cet exercice pour la 18e année consécutive. Mais avant cela on reçoit toujours les allocutions, souvent formelles il est vrai, des personnalités officielles qui sont parties prenantes de ce festival. Cette 25e édition a été remarquable à certains égards en raison de l’humour très particulier du nouveau recteur d’académie Orléans Tours qui a fait preuve d’un certain humour décalé dont nous parlerons plus bas.
Nous adresserons tout d’abord dès l’introduction un salut amical au directeur général de ce festival, notre ami et complice Francis Chevrier. Son introduction a permis de présenter les témoignages en vidéo de 25 jeunes âgés de 25 ans qui ont donné leur point de vue sur les rendez-vous de l’histoire. L’un d’entre eux, Paul Arnaud, a été mon élève en première et en terminale avant de devenir à son tour professeur d’histoire et de géographie.
Cette présentation également permis d’admirer les photographies des personnalités dont la présence a pu marquer pendant un quart de siècle le festival. Dans le contexte actuel où ce que l’on appelle les vérités alternatives se développe sur les réseaux sociaux, il devient indispensable de ramener en direction du grand public les travaux vérifiaient, incontestable, des chercheurs, historiens, mais aussi sociologue, géographe, politologue.
Nous saluons également le maire de Blois, Marc Gricourt, qui a tenu à rappeler toute l’importance de ce festival dans la cité, dont il contribue, tout comme les châteaux de la Loire, au rayonnement. Mais il s’est également livré à cet exercice difficile de présenter le thème de cette édition 2022, la mer, dont il a voulu, très rapidement il est vrai, présenter les facettes et les enjeux. Enjeux économiques, environnementaux, géopolitiques évidemment dans le contexte actuel particulièrement troublé.
Philippe Gouet, le président du conseil départemental rappelé très opportunément la citation de Richelieu : « les larmes de souverain ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée ».
Il est toujours difficile sur l’intervention de présentation de thème de faire preuve d’originalité. Comme son prédécesseur, le président du conseil départemental a tenu à insister sur l’importance de la mer mais également rappeler le lien particulier de parrainage du Loir-et-Cher avec l’un des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Marine nationale, le Terrible, qui était représenté par son commandant et son second.
Le président de la région centre, François Bonneau, a tenu pour sa part à rappeler que le festival devenait à l’échelle de la région une réalité augmentée, en termes d’enjeux économiques, de fréquentation, et de rayonnement. La mer comme thème de cette 25e édition est également un enjeu de nos imaginaires, notamment dans le domaine des arts et de la littérature.
Nous avons été particulièrement attentifs à l’intervention du nouveau recteur d’académie, Alain Ayong de Kama qui a fait preuve d’un certain humour lorsqu’il a repris le propos introductif de Francis Chevrier qui précisait que si 71 % des Français faisaient confiance aux historiens, seulement 25 % faisaient confiance aux économistes. Évidemment, le recteur qui est économiste de formation n’a pas manqué de s’en amuser.
Son propos a été très clairement politique car il a repris très largement les déclarations de son ministre à propos de la Refondation de l’école et de la transformation du système éducatif. Autant le dire franchement, nous pouvons exprimer quelques interrogations à propos de cette traduction de la réforme envisagée. Le recteur a dit très explicitement: « chacun doit pouvoir construire son école, autour des élèves, de façon non verticale, mais en partant des besoins exprimés ».
Il a fait d’ailleurs fait la plus longue intervention de cette conférence inaugurale en s’adressant directement à ses inspecteurs et à ses enseignants en rappelant ce qui est mis en place autour du festival, notamment l’introduction des rendez-vous de l’histoire comme du festival international de géographie de Saint-Dié dans le plan national de formation. Il n’a pas vraiment levé les interrogations que nous exprimons ce propos quant à la traduction pratique sur le terrain, ne serait-ce que pour obtenir des ordres de mission pour aller à Blois. Je n’ai pas eu le loisir à la fin de l’intervention de lui poser la question, mais je n’aurais pas manqué de le faire.
On pourrait également aborder avec le recteur de l’académie d’Orléans Tours, comme avec d’autres d’ailleurs la question des formations dans les instituts supérieurs du professorat et de l’éducation avec l’opacité des différents régimes d’admission au CAPES dont les conséquences sont évidentes, en histoire-géographie, comme dans d’autres disciplines d’ailleurs.
Avec beaucoup d’humour toujours le recteur avait bien conscience qu’il officiait comme vedette américaine, en première partie, comme dans les spectacles, du principal intervenant, le président du conseil scientifique des rendez-vous de l’histoire de Blois, notre ami, Jean-Noël Jeanneney.
« Homme libre, toujours tu chériras la mer », était son propos introductif. La mer est une richesse, une provende dirait-on, parce qu’elle peut apporter comme ouverture, comme nourriture, et sans doute bientôt comme source d’énergie ou tout simplement d’eau potable, lorsque des procédés écologiquement viables seront mis au point. La mer est le lieu de toutes les navigations, aussi bien physiques que spirituelles, mais elle peut être le lieu de tous les dangers, quand elle devient tombeau. Avec une certaine malice, car j’ai du mal, connaissant Jean-Noël Jeanneney, à croire aux coïncidences, il a pu en évoquant les travailleurs de la mer, citer « les mutins de la mer Noire », ces matelots français, envoyés soutenir l’armée blanche à partir du port d’Odessa, pendant la guerre civile russe entre 1919 et 1921. Au premier rang de l’hémicycle de la halle aux grains, l’état-major du Terrible a pu, peut-être, être surpris de cette référence.
Avec son aisance habituelle, Jean-Noël Jeanneney a décliné les mille et une facette de la mer, la mer comme enjeu, la mer recommencée, la mer disputée enfin. Et à propos de cette mer disputée, comment ne pas être sensible à cette réflexion sur l’histoire : « l’histoire est un long fleuve de sang, et beaucoup de ce sens est répandu dans la mer ».
Toujours à l’aise, mais il est vrai que c’est son 18e exercice de style, au même pupitre de la Halle aux grains, Jean-Noël Jeanneney a terminé en chanson, en évoquant la première de toutes les chansons maritimes, celle de Charles Trenet, « la mer qu’on voit danser le long des golfes clairs, ». Mais on aurait aimé l’entendre la chanter. Peut-être lors d’une rencontre moins officielle.