Bonjour,
Nous nous devions de contribuer à cette consultation, ne serait-ce que pour préparer notre entrevue à la Degesco en avril. Après Frédéric Stevenot, JB Weber et Vincent Lahondère, j’ai à mon tour proposé 2 contributions en mon nom sans directement engager les Clionautes, de façon à ce que la discussion puisse continuer sur le forum de l’AG :
http://agvirtuelle.forumactif.org/post?f=17&mode=newtopic
Comme notre commande vis à vis de la Degesco est un article non sur un point spécifique de la discussion mais une approche globale, j’ai ici regroupé les thèmes 1 et 2, car il me semblait difficile dans cette optique de fractionner la question (problématique d’ailleurs) de la réussite des élèves avec le numérique et celle de l’engagement des enseignants. C’est la contribution que vous avez ci-dessous. L’autre suit.
Jean-Michel Crosnier
#1088, le 08/03/2015 – 10:30
Défi du thème 2 : le numérique à l’Ecole, de nouvelles opportunités pour les élèves, de nouveaux rôles pour les enseignants. Vers une « Ecole fluide ».
Commencer d’affirmer dans le 1er thème que le numérique favorise les apprentissages et améliore les résultats des élèves ne tient pas compte de la diversité souvent contradictoire des études menées à ce sujet. Cette question est également liée à l’attitude des enseignants face aux numérique et pourquoi celui-ci suscite chez eux à la fois enthousiasme et rejet. La révolution numérique en cours dans la société, dont nous vivons les prémisses, ne peut – comme toute révolution – que générer des réactions contraires.
Si les professeurs restent des spécialistes de leur discipline, exigence incontournable pour continuer à éduquer, former les futurs membres de la société et les aider à comprendre le monde dans lequel ils vivent, de nombreux enseignants sont conscients de la révolution à l’oeuvre et peuvent se sentir démunis face à des pratiques et valeurs nouvelles qui pénètrent l’Ecole et qui remettent en cause leur savoir et leur autorité. Il est donc essentiel de former les futurs enseignants à une culture numérique qui ne peut d’ailleurs se réduire qu’au seul enseignement du code.
Quant aux enseignants en place, il serait bon pour les motiver vraiment de les former en fonction de leurs besoins pédagogiques exprimés, quel que soit leur niveau de culture numérique. Engager les enseignants dans le numérique, c’est aujourd’hui les accompagner avec des acteurs compétents, à l’écoute de leurs besoins, et non les admonester parce qu’ils seraient dépassés. Une des critiques au livre-choc d’Emmanuel Davidenkoff (1), serait que l’auteur ne prend pas suffisamment en compte comment les multiples réformes décrétées dans l’EN ont pu déstabiliser le corps enseignant. Or le corps enseignant, c’est aussi ces nombreuses « petites mains » qui à la base de la pyramide EN expérimentent, communiquent, partagent.
Un pilotage souple, incitatif et non vertical pourrait être le fédérateur de ces énergies vitales qui ont toute leur place aux côtés des pratiques traditionnelles qui n’ont pas vocation à disparaître, mais à se recomposer dans un ensemble plus adapté à ce que requiert la société numérique.
En matière d’équipement, une seule exigence concernant la totalité du territoire, c’est l’accès au haut débit pour tous.
C’est ensuite aux équipes localement de faire connaître leurs projets pédagogiques, que les institutions (rectorats, collectivités territoriales, établissements) accompagneront et soutiendront.
L’évolution des équipements plaide en ce sens : le matériel mobile actuel permet de rompre avec la lourdeur de la salle informatique issue de plans mobiliers pensés dans les années 80 du XXe siècle et qui ne répondent plus aux modes d’enseignement plus individualisés. Chaque équipe peut ensuite vouloir disposer de tel ou tel équipement, de faire utiliser les matériels personnels (le BOYD), de coupler la demande avec un mobilier et des salles ad hoc, de choisir des systèmes libres, et ce de façon ponctuelle (prêt de matériel tournant) ou pérenne.
Cette simplification matérielle et logicielle facilitant les processus collaboratifs et individuels d’apprentissage est une opportunité réelle ; reste qu’elle risque de ne produire ses effets que si elle est accompagnée par des praticiens porteurs à des degrés divers de ce nouvel « humanisme numérique ».
(1) : « Le tsunami numérique » sous-titré : « Education, tout va changer. Etes-vous prêts ? », Stock, 2014. Lire également la recension dans la Cliothèque par Patrick Beneïto ici :
http://clio-cr.clionautes.org/le-tsunami-numerique.html#.VPyGrzK9KSM