Des corps exposés sur les murs ont été photographiés dans plusieurs villes européennes : Genève, Lausanne, Palerme, Rome, Florence, Paris, Lyon, Marseille… Que nous dit cette iconographie urbaine sur les controverses liées à l’habitabilité du monde ? Que voit l’observateur ?
Interpellé, débordé, résonnant ? L’espace public est capté, les corps sont exposés, les murs ont la parole : déchiffrons-les.
Qu’est-ce que le street art ?
Le street art désigne l’ensemble des dessins (tags, graffitis, fresques, photographies) et des messages qui occupent l’espace public. Tracées par des artistes ou des individus anonymes, ces œuvres expriment des messages métaphysiques, politiques ou amoureux, plus ou moins en rapport avec l’actualité. (ex : personnage masqué à Paris, rue Vaugrenne ? ). Elles témoignent d’une volonté d’exister de son auteur, autant que d’un dialogue ouvert avec la société.
Cette forme d’occupation est très ancienne (exemple de Pompéi) et s’intéresse à tous les supports (sol, mur, mobilier urbain…) même les plus improbables.
Les techniques sont très diverses : peinture, spray, autocollants, pochoirs, etc.
L’expression d’une liberté
Les dessins sont imaginatifs et nettement moins stéréotypés que les publicités. On y voit des émotions, des sentiments, de la joie mais aussi de la détresse, de la dérision et de la violence. Les scènes peuvent être crues, obscènes, décadentes ou équivoques. Les habitants se représentent mais se moquent aussi de leurs congénères, commentent le mal-être culturel, les souffrances collectives (pauvreté, mal-logement, pandémie, etc.).
« Une ville sans grafittis est une ville en ruine » (Jean de Breyne)
Quelles sont les thématiques récurrentes ?
Le street art est en grande partie une représentation des corps (visages surtout, mais aussi bustes, bras, mains, jambes, silhouettes, etc.).
Voici quelques thèmes fréquents :
– les habitants au quotidien, dans des postures banales ou insolites (enfants, personnes âgées, femmes, célébrités).
– les identités territoriales (gondolier à Venise, pipe à Saint-Claude, BD à Angoulême)
– les difficultés vécues (par exemple, la crise culturelle est illustrée par des portraits célèbres caricaturés ou associés à des slogans provocateurs ou sexistes)
– religion, ésotérisme, mort et parodie (personnages bibliques à Rome, diseuse de bonne aventure)
– les amours
Conclusion
L’art de rue est une comédie dont l’espace public est la scène. Il fait entrer l’intime dans l’espace public. Il met en scène de façon non consensuelle, voire déplaisante, des corps et des visages. Il introduit controverses, antagonismes et questionnements. Partie prenante d’une expérience spatiale en ville, dans ses dimensions à la fois corporelle, sensible, voire politique, le street art témoigne de l’expression vivante des habitants.
« J’ai eu longtemps un visage inutile, mais maintenant j’ai un visage pour être aimé » (Paul Eluard)
Questions
– Les dessins se retrouvent-ils partout dans la ville ou bien se concentrent-ils dans des quartiers spécifiques ?
Difficile de savoir car les dessins peuvent être effacés à un endroit et donc échapper aux relevés. À Lausanne, des quartiers sont ouverts aux artistes mais on est dans une expression artistique autorisée, là où ailleurs, il y a provocation puisque les inscriptions sont interdites.
– Y a-t-il une géographie des techniques picturales utilisées ici et là ?
Non, les techniques et les thèmes ont un caractère universel.
– Peut-on identifier des dessins propres à certains espaces ?
Non car le relevé est empirique. On ne peut que constater. Constater qu’il y a beaucoup de religion à Rome, beaucoup de dérision à Palerme, de dessins sauvages à Venise, mais on ne peut rien conclure de définitif.
– La conférence insiste beaucoup sur le fait qu’un dessin est une marque laissée par l’habitant. Mais comment savoir si le dessin est exécuté par un habitant local ou un individu de passage, surtout soucieux de laisser une trace ?
Effectivement. On ne peut pas le savoir, sauf lorsque la signature est identifiée. Ici, « habiter » n’est pas à considérer comme l’équivalent de « résider ». Ce sont les habitants du monde, pas forcément habitants locaux.
Les autres comptes-rendus du FIG de Saint-Dié sont ici…