Les récentes déclarations du chef de l’État sur les absences des enseignants, la mise en avant de la « brique RCD » (Remplacement de courte durée) pour le Pacte dans tous les conseils pédagogiques, la réorganisation en urgence du calendrier des formations, tout témoigne de l’empressement à régler la question des cours non remplacés. Le problème est réel, beaucoup d’heures sont manquées et dans un contexte global de décrochage du niveau de nos élèves, il est logique de s’y atteler. Toutefois, si les enseignants sont régulièrement cloués au pilori pour leur paresse supposée, il faudrait quand même rappeler que ce combat anti-absence dissimule à l’opinion, un autre problème autrement plus préoccupant : l’insuffisance du nombre d’enseignants tout court. Il y a les absences de courte durée et il y a aussi le fléau des absences de longue durée.
Le procédé n’est pas nouveau, désigner un bouc émissaire pour ne pas avoir à répondre d’une impuissance pourtant maintes fois constatée : cette année encore, dans de trop nombreuses classes, quantité d’heures ne seront jamais assurées faute de personnel. C’était pourtant un engagement fort des pouvoirs publics.
L’antienne de l' »absentéisme » des enseignants
Rien que cette expression est une remise en cause de notre professionnalisme et elle s’est banalisée depuis au moins dix ans, jusque dans les conseils d’administration des établissements. Le dernier rapport de la Cour des Comptes sur le sujet, en 2021, nie pourtant « tout phénomène global » et rappelle les chiffres suivants :
En moyenne sur la période 2014-2019, les enseignants (2.8%) ont été un peu moins absents que les fonctionnaires d’État (2.9%) et l’ensemble des fonctionnaires (3.9%) et nettement moins absents que les fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers (4.7%). De même, ils sont moins absents que les salariés du secteur privé (3.8%) ou que l’ensemble du monde du travail. En revanche, les absences de moins de sept jours sont plus fréquentes chez eux que chez les autres fonctionnaires.
Les absences pour raison de santé ne constituent d’ailleurs qu’une fraction des cours non assurés. Viennent aussi toutes les absences liées aux autres nécessités de service : jury d’examen, conseils de classe, voyages scolaires, formation, etc. Nous avons fait le calcul de notre côté. Un enseignant d’une classe de spécialité en Terminale perd environ une quinzaine d’heures par an : il suffit de cumuler le temps d’examen de mars, les journées d’annulation post-examen, les demi-journées de correction, les conseils de classe installés sur le temps scolaire, etc.
Il n’est nullement responsable de cette situation qui découle de l’absurde calendrier mis en place par la réforme, maladroitement amendé au fil de l’eau. On pourrait citer par exemple les annonces tardives pour organiser des révisions, quasiment la veille du jour J. Le fait est que c’est bien la réforme du baccalauréat qui a considérablement aggravé les conditions de travail du troisième trimestre et qui a incité au décrochage des lycéens. Qui peut attendre qu’un adolescent qui a deux heures de cours par jour, une à 09h00 et l’autre à 15h00, va sans rechigner accepter un tel agenda sur plusieurs jours ?
Comment résoudre le problème ?
Très optimiste, le rapport préconise de faire remplacer ces heures mais sans moyens financiers ni enseignants disponibles, le seul « miracle » relève de l’annualisation du temps de travail enseignant. La Cour des Comptes l’évoque clairement, ce qui permettrait d’exiger le cumul de toutes les tâches avec les heures habituelles de travail, sans avoir à débourser quoi que ce soit. En fait, la question des absences et les multiples blocages autour du temps de formation ou de l’organisation des voyages scolaires, ne font que buter sur un objectif majeur : la fameuse remise à plat du statut des enseignants.
Dans l’affaire, le problème de fond, à savoir l’épuisement du vivier des T.Z.R. et des contractuels, demeurera inchangé mais on pourra à tout le moins repousser encore à jamais tout bilan réel sur les politiques entreprises.
Et en ce moment ?
Déjà, nous recevons de nos collègues des retours inquiétants sur le chantage au voyage scolaire contre la signature d’une brique RCD ou la réorganisation dans l’urgence de tous les calendriers de formation. Notre propre campagne de recrutement pour notre délégation au FIG de Saint-Dié et aux RDV de l’Histoire de Blois se heurte cette année à des collègues qui ne veulent plus entrer dans un marchandage tracassier avec leur chef d’établissement. Nous avons même eu un collègue qui s’est vu répondre qu’il n’accepterait son absence qu’en échange d’une brique RCD signée !
Ne nous y trompons pas, la réorganisation en cours n’aura que pour conséquence la diminution encore de notre droit à la formation. L’offre sera raréfiée et la demande découragée. Y aura-t-il beaucoup de collègues formateurs prompts à renoncer à des jours de vacances ou à leur soirée après une journée de travail, le tout pour une rémunération modeste et aléatoirement reconnue pendant les Rendez-vous de carrière ? Les enseignants seront-ils volontaires pour des charges qui s’ajouteront à leur travail du jour et sans prise en charge financière claire ? Nous ne le croyons pas.
Enfin, en annonçant le report des épreuves de spécialité en juin, le ministre se met en cohérence avec sa propre politique mais ne nous rassure nullement sur la capacité des maisons d’examen à gérer en simultané les convocations pour l’écrit et le Grand oral, à une échelle bien supérieure à ce qui existe pour le Français en Première. Nous sommes également plus que circonspects sur la capacité de tenir les conseils de classe du troisième trimestre en soirée, avec les calendriers contraints d’Affelnet, de Parcoursup et des les commissions d’appel.