Le samedi 7 octobre j’ai eu l’honneur de présenter cette communication intitulée « de la confiance à la défiance : les sciences face à la théorie du complot » dans le cadre d’une carte blanche accordée aux Clionautes. Je propose ici le texte complet de mon intervention, une très brève synthèse historique de cette dernière à la lumière des sciences instrumentalisées ou/et instruments du complotisme. Le texte est accompagné d’un diaporama.
INTRODUCTION
A l’heure actuelle, toutes les sciences sont touchées par des formes diverses de négationnisme, de révisionnisme, de complotisme, qui ont des conséquences plus ou moins visibles auprès du grand public. Thème ancien redevenu à la mode depuis les années 2000, la théorie du complot est aujourd’hui devenue un phénomène omniprésent et pluriel qui, de groupes confidentiels est passé dans la sphère publique, jusqu’à (re)devenir un argument dans la rhétorique publique de certains hommes politiques .
Les sciences occupent aujourd’hui une place centrale dans les scénarios complotistes auxquels elles ont donné une nouvelle jeunesse. La popularité des théories complotistes s’est surtout démultipliée grâce aux innovations technologiques liées à l’informatique : l’arrivée d’internet, sa généralisation et la création de ses différents supports d’expression dans les années 90 et 2000 dont les réseaux sociaux qui sont devenus aujourd’hui le moyen de diffusion privilégié.
Pourtant, la science en général a, par nature, une démarche située à l’opposé du complotisme. Rationnelle, se basant sur l’expérience vérifiable, elle est à priori incompatible avec un raisonnement dont l’un des principaux postulats que les preuves du complot sont cachées. De là, nous pouvons nous poser la question suivante : comment les sciences, absentes au départ de la théorie du complot telle que cette dernière s’est développée et exprimée depuis ses débuts au 17eme siècle, en sont devenues une des dimensions quasi incontournables ? Pourquoi ce lien s’est opéré ? Nous relevons deux cas de figure. Dans le premier, elle est instrumentalisée, car elle donne une façade rationnelle de rigueur et de sérieux à ce qui, paradoxalement, ne peut être prouvé. Dans l’autre cas, elle est accusée comme le moyen employé par les comploteurs pour parvenir à leurs fins, c’est-à-dire dominer (voire exterminer) le monde. A ce titre, il est logique de voir une progression du complotisme qui, chronologiquement « colle » aux progrès scientifiques majeurs, aux doutes qu’ils suscitent, avec un décalage plus ou moins important dans le temps selon le complot invoqué. Mais ces théories n’innovent qu’à moitié dans le sens où, comme nous le verrons, elles reprennent les vieilles trames qui ont émergé à partir du 17ème siècle ; souvent elles recyclent les mêmes idées.
Pour l’image du diaporama ci-dessous:
Illuminati crédits John Urch (CC BY-NC-ND 2.0)