Du « I want my money back !  » au Brexit.
Conférence à l’ESPE, Blois 2017, Samedi 7/10.
Intervenant principal : Sir Jonathan Faull , adversaire farouche du Brexit,qui a travaillé à la Commission Européenne de 1978 à 2015, et qui s’est occupé de la « task force » de David Cameron pour préparer le référendum du 23 juin 2016. D’un humour acéré et redoutable.
Avec Laurent Warlouzet. http://univ-littoral.academia.edu/LaurentWarlouzet

Introduction : pour comprendre le Brexit, il faut remonter en arrière. Après le double veto de De Gaulle en 1963 et 1967, De Gaulle démissionne en 1969 et le Royaume Uni entre dans la CEE en 1973.

I/ La position de la « Dame de Fer » (1979/1990).
Le discours du « I want my money back ! » est du 30/11/1979. Elle est sur une position souverainiste et eurosceptique, mais pas anti-européenne.
Pour elle, l’Europe doit rester une espace de libre échange qui respecte la souveraineté des Etats. Elle soutient un grand marché mais s’oppose aux dépenses publiques. Elle obtient sa victoire financière par l’accord de Fontainebleau de 1984, où la diminution de la contribution britannique est acté. Le 22 Septembre 1988, le discours de Bruges reste comme un modèle de discours eurosceptique dirigé contre Jacques Delors (socialiste français, proche de François Mitterrand et président de la commission de 1985 à 1995).

II/ Après Mme Thatcher (1990/2016).
Sir Jonathan Faull et Eric Bussières (chaire Jean Monnet à la Sorbonne et participant au Labex Ehne = laboratoire d’excellence : écrire une histoire nouvelle de l’Europe) sont d’accord sur le rôle important des commissaires britanniques de 1973 à 2015, qui ont influencé les pratiques administratives de la CEE, puis à partir de 1992 de l’U.E.
Le Premier Ministre John Major au pouvoir de 1990 à 1997 est pro-européen dans le discours mais peu dans les actes, il continue à refuser la monnaie européenne et le Chapitre Social de l’UE.
Il faut aussi comprendre que la décentralisation du pouvoir profite aux écossais, aux irlandais et aux gallois; mais elle réveille le nationalisme anglais, qui lui n’a ni Parlement à lui et qui a des laissés pour compte dans les régions en crise industrielle.
De 1997 à 2007, Tony Blair est au pouvoir avec le « new labour ».
En 2010, un nouveau premier ministre conservateur David Cameron arrive au pouvoir. Il promet un référendum sur l’Europe pour deux raisons : mettre fin aux divisions du parti conservateur et crever l’abcès de la remise en cause de l’appartenance à l’Europe, soutenue par le parti souverainiste UKIP (Parti de l’indépendance du Royaume Uni). Jonathan Full fait partie de la « task force » qui renégocie les liens Royaume Uni/U.E. pour faire gagner le remain (rester dans l’U.E) au référendum de juin 2016. Il obtient que les droits de sécurité sociale soient différés de 4 ans pour les immigrés européens, comme les Polonais par exemple. Cameron pense que ces concessions lui feront gagner le référendum…
L’échec du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en septembre 2014 rend optimiste Cameron, qui pense que la peur du vide et de l’avenir va aussi faire échouer le Brexit. Jusque minuit, le 23 juin 2016, il est confiant dans la victoire du remain…

III La crise politique britannique vers le Brexit (juin 2016/ octobre 2017).
1) Les causes du Brexit.
-L’immigration remise en cause en France quand elle est extra-européenne, n’est pas acceptée au Royaume Uni même d’origine européenne. Les Anglais ne veulent pas de la libre circulation des hommes et n’ont jamais adhéré à l’espace Schengen. L’arrivée de 13 nouveaux pays, surtout d’Europe de l’Est, entre 2004 et 2013 est mal vécue au Royaume Uni.
-L’idée d’une Union Européenne sans cesse plus étroite est vue comme un « rouleau compresseur fédéraliste ».
– les tabloïds anglais flattent les instincts anti-allemands et anti-européens.
-l’essor du UKIP qui associe Europe et immigration flatte le nationalisme britannique, le racisme et la nostalgie impériale.

2) Les conséquences du Brexit et l’avenir.
-Le Parti travailliste, moins divisé que le Parti conservateur, reste délibérément ambigu sur l’Europe, il ne veut pas perdre ses électeurs ouvriers; il voudrait gagner en 2022 (ou avant).
-après 6 mois de début de Brexit (mars à septembre 2017) Mme May, fragilisée par des élections qui devaient la consolider, cherche à obtenir une période de transition au delà de mars 2019.
-Faut il suivre le modèle suisse, norvégien ou des liens Canada/U.E. ?
– Quel sera l’équilibre Macron/Merkel pour relancer l’Europe ?
-La Commission de Mr Barnier restera t’elle sur une position de Brexit dur (hard Brexit) ?
-3 problèmes restent entiers : l’argent, la circulation des personnes : immigrés en Angleterre, et anglais sur le Continent; et frontières de l’Irlande du Nord avec l’Irlande du Sud avec la sortie de l’U.E. du Royaume Uni.

Conclusion :
Sir Jonathan Faull ,avec un flegme et un humour si délicieusement britannique, conclut que le Royaume Uni manque aujourd’hui de grands hommes et de grandes femmes politiques (May, Johnson et l’UKIP ne sont vraiment pas à la hauteur ! ), que le Brexit sera long et compliqué (du sang , de la sueur et des larmes…) et enfin qu’on n’est pas à l’abri de changements politiques brutaux (démission de Mme May ??).
Cette brillante conférence animée par un allemand originaire de l’ex RDA (comme Mme Merkel) Christian Wenkel, magistralement dominée par un aristocrate britannique a fragilisé les 3 français présents.
Est ce le miroir de l’Europe de 2017 et de la crise politique française??

À propos de Laurent Warlouzet

L’anomalie Brexit

Professeur d’histoire contemporaine
Université du Littoral-Côte d’Opale – HLLI
Site web: http://univ-littoral.academia.edu/LaurentWarlouzet
New book: Governing Europe in a Globalizing World. Neoliberalism and its Alternatives Following the 1973 Oil Crisis (Routledge)

https://www.routledge.com/Governing-Europe-in-a-Globalizing-World-Neoliberalism-and-its-Alternatives/Warlouzet/p/book/9781138729421