Divertissements à la Cour de France
Claude d'Anthenaise (Musée de la Chasse et de la Nature), Pascal Brioist (Université de Tours), Florent Quellier (Université d'Angers), Marina Viallon, Cédric Michon (Rennes 2)
Samedi 12 octobre 2019, Salle Kléber-Loustau, Conseil Départemental, 17h45-18h45
Question: L’affiche de l’exposition qui se tient au château de Beauregard présente une scène de joute. Quelles différences entre la joute et le tournoi ?
Marina Viallon: Le tournoi est un simulacre de bataille en plein champs, sans spectateur. Au XIIIe siècle, on a fini par délimiter le terrain et créer des joutes qui sont des combats individuels. La joute peut être à pied et à cheval. Les épreuves sont multiples.
Question: ces combats se placent comment parmi les exercices physiques ? Peut-on parler de sport?
Pascal Brioist: dans une de ses chansons, Henri VIII parle de « goodly sport ». On forme les corps par les soulèvements de pierre, le fait de grimper aux arbres, etc. Les armures donnent une idée des proportions de ces hommes, qui sont comme des danseurs, à la fois élancés et musclés. La chasse fait partie de la formation à la guerre et à la tactique. Il y a différentes chasses: la chasse au filet, la chasse à cheval, etc. Les forêts sont aménagées pour la chasse avec interdiction de braconnage, limitation des accès, etc. Le « carrefour de chasse » est inventé à la Renaissance. Il y a aussi le jeu de paume : dans l’île Saint-Louis, on trouve encore une salle de jeu de paume.
Question : Que fait-on des aliments qu’on chasse ? Est-ce qu’on les mange ?
Florent Quellier : L’alimentation aristocratique est très carnée et explique les problèmes de goutte dont se plaignent les contemporains de l’époque. Toutefois, le gibier n’est pas surconsommé : il participe surtout au caractère ostentatoire des banquets. Le sommet gastronomique reste la perdrix. Une partie du gibier est transformée en tourte, point d’orgue du « rots ». Rappelons qu’il y a aussi beaucoup de jours maigres pour lesquels les dispenses sont nombreuses (jeunes de moins de 21 ans, les femmes enceintes, les malades, etc.)
Question : Que pouvez-vous nous dire de cette armure ?
Marina Viallon: C’est une armure de joute. Il y avait des pièces de renforts vissées sur le plastron, avec des renforts aussi sur le bras. On renforce les parties de l’armure qui sont les plus visées (tête, poitrine, bras). Le but est de briser sa lance sur l’adversaire dans les joutes communes. Le casque est vissé pour éviter le coup du lapin. Le jouteur perdait des points si sa lance touchait la selle de l’adversaire; il était éliminé si le cheval était touché. L’armure de guerre pèse 22-25kg. C’est les blessures par balles qui ont obligé à renforcer les armures et à les rendre très lourds.
Question: l’armure est un bel objet également quand on voit le raffinement de son décor.
Marine Viallon: cette armure est manifestement sortie des ateliers royaux. Pour décorer l’armure, on passe d’abord un vernis sur la surface du métal, puis on trace le dessin, on met de l’acide: c’est la technique de l’eau-forte. Par contre, on n’utilise pas la technique du repoussé car cela fragilise le métal. La valeur de l’armure est difficile à déterminer faute de sources.
Question: y a-t-il une cuisine de la Renaissance ?
Florent Quellier: La continuité est très forte avec la cuisine du Moyen Age. On consomme des épices : cannelle, safran, gingembre, poix, noix de muscade, clou de girofle, etc. Les épices sont utilisées car on pense qu’elles viennent du paradis terrestre, parce qu’elles sont « chaudes », c’est-à-dire bonnes pour la digestion, et parce qu’elles coûtent cher… Les doses sont fortes dans les recettes mais il est probable que le goût soit moins prononcé dans la pratique. La viande permet de reconstituer les forces: elle est autorisée aux malades mais pas le poisson qui est de « l’eau figée » et qui est là pour affaiblir.
Parmi les éléments nouveaux dans cette cuisine, notons la place du sucre (qui vient de Méditerranée avant l’acclimatation aux Antilles et au Brésil). On aime les saveurs aigres-douces et sucrées. Le beurre s’impose également dans les sauces.
Question : qu’est-ce qu’une fête réussie sous François Ier?
Pascal Brioist: D’abord cela dure 15 jours, comme lors du mariage de Louis XII avec une sœur d’Henri VIII. Ensuite, la qualité des divertissements et des repas sont un critère. Au camp du Drap d’Or (1520), on amène des grosses meules de parmesan par exemple. Le vin est aussi un message politique. Pour en revenir au tournoi, il a été inventé par la France mais chaque pays a développé ses propres traditions, notamment pour la joute. Aucune école n’est d’ailleurs supérieure aux autres. La joute la plus commune semble être celle de la joute en lice.
Question: quelle est la place de la musique ?
Pascal Brioist: L’influence du Nord (Jean Mouton) est forte. Trois types d’instrument sont privilégiés: le hautbois, le luth, les flûtes. On chante également.
Question: Et le jeu de paume ?
L’exercice est répandu même au-delà de la cour. Il y a des compétitions. Ce sport est controversé à cause des paris. On joue avec tous les murs pour « épater la galerie », expression qui vient de ce jeu tout comme celles-ci: « tomber à pic » et « qui va à la chasse perd sa place ».
Salle:
1) Y a-t-il des danses ?
Oui, on est au carrefour d’ailleurs entre cultures populaires et cultures des élites. Il y a la pavane qui est collective et la volta. Les gaillardes sont des danses rapides.
2) Quelle est la place des femmes ?
Tout ce qu’on vient de dire, c’est pour plaire aux femmes.