À l’occasion de la publication de l’ouvrage : Dernière visite chez le roi Arthur. Histoire d’un premier livre de Michel Pastoureau (Le Seuil) En 1976 Michel Pastoureau publiait son premier livre, La Vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table Ronde. En 2023 paraissait sa Dernière visite chez le roi Arthur. Entre ces deux dates, l’écriture de l’Histoire s’est grandement renouvelée et les outils de la diffusion du savoir se sont multipliés. Nos connaissances ont-elles progressé pour autant ? En prenant pour exemple la légende arthurienne, la conférence tente de faire le point sur ces mutations et de répondre à cette difficile question.
L’intervenant
Michel Pastoureau est né en 1947, il a publié notamment au Seuil, dans « La Librairie du XXIe siècle » : L’Étoffe du diable (1991), Une histoire symbolique du Moyen-Âge occidental (2004) et L’Ours. Histoire d’un roi déchu (2007). Son autobiographie Les Couleurs de nos souvenirs a reçu le prix Médicis Essai en 2010.
Il est professeur à la Sorbonne et à l’école pratique des Hautes Etudes où il est titulaire de la chaire d’Histoire de la symbolique occidentale. Historien de la symbolique occidentale mondialement connu pour ses travaux sur l’histoire des couleurs en Occident, il a également publié une dizaine d’ouvrages sur les significations de l’héraldique, sur les blasons et les armoiries.
La conférence
Le dernier ouvrage de Michel Pastoureau, Dernière visite chez le roi Arthur, est une réflexion sur cinquante ans de recherches médiévales et de vulgarisation.
Le jeune historien
En 1976, parait Vie quotidienne en France et en Angleterre aux temps des chevaliers de la table ronde, à l’époque du roi Arthur. Il est jeune chercheur spécialiste du dernier tiers du XIIe siècle qui est le cœur du Moyen-Age. Ce livre est écrit pendant son service militaire effectué au musée de l’armée. Il paraît en avril 1976 et s’est relativement bien vendu. Il a bénéficié de nombreuses traductions dont la première en Polonais.
Il reçoit le prix de l’Institut de France. Cela lui permet d’être invité à des colloques et des conférences.
La première de ces conférences a lieu en Bretagne, le jour des obsèques de Mao Zédong.
Michel Pastoureau s’interroge : Faut-il lire un texte lors des conférences ou parler au public ? Il a toujours parlé mais la règle à l’Institut de France est de lire. Il trouve cela absurde. Il rajoute qu’il est malpoli de parler aux U.S.A. ou en Allemagne .
Expérience au cinéma
Il rencontre Eric Rohmer qui prépare son film Perceval le Gallois qui prend de nombreuses notes. Il est invité à la première du film et s’aperçoit que Rohmer n’avait tenu aucun compte de ses conseils. Pour lui cette expérience est enrichissante. Elle permet à l’historien de constater ses « lacunes » : il ne sait pas répondre à toutes les questions, par exemple quels sont les gestes utilisés par les hommes du Moyen-Age. Il a une autre expérience lors du tournage du Nom de la rose, presque identique.
La collection « La vie quotidienne »
La collection « La vie quotidienne » débute en 1938 avec La vie quotidienne au temps de saint Louis. Le but de cette collection est de toucher un public assez large avec des auteurs d’un niveau élevé en cherchant la vulgarisation. Puis la collection devient un mélange d’auteurs savants et divers, ce qui donne une impression de déséquilibre. A la fin du XXème siècle, elle s’éloigne du domaine savant puis disparaît en 2006.
En 1982 Michel Pastoureau est candidat à l’École des Hautes Études. Il ne faut pas qu’il cite sa participation à la collection « la vie quotidienne » car les universitaires ont le souvenir de Jérôme Carcopino, collaborateur notoire, qui y a participé .
La légende arthurienne
Souvent cette légende est difficile à présenter, mais elle devient claire si on consulte les textes originaux dans lesquels il faut mettre de l’ordre .
Elle est construite sur quatre générations :
- Uther Pendragon
- Arthur
- Les principaux hérauts
- Les enfants des précédents
Quatre lignages font écho à ces générations :
- Le lignage d’ Arthur, le plus copieux
- Le lignage de Lancelot qui n’a pas de liens de parenté avec le précédent.
- Le lignage de Perceval, assez abondant.
- Le lignage de Tristan et du roi Marc
Le frère de la mère est le «vrai père» au Moyen-Age. Est ignorée la reine Morgade, demi-sœur d’Arthur avec qui il a eu une relation incestueuse sans le savoir. Ce qui nous intéresse aujourd’hui intéresse fort peu le public médiéval : par exemple, Merlin qui pour le Moyen-Age est très secondaire, Lancelot qui est très négatif (c’est un « gagneur », dissimulé, adultère). Le Graal présente aussi peu d’intérêt.
La perception de la guerre
Ce qui compte c’est de la faire, pas de la gagner. Dans les tournois, il faut faire de « beaux coups », pas forcément de gagner. Il faut corriger nos vues sur le Moyen-Age. Les connaissances ont évolué depuis 1976. Il faut faire le bilan des progrès des connaissances (mais il y a parfois des régressions). L’archéologie apporte des informations précieuses sur la vie quotidienne.
L’étude de la chevalerie tourne un peu en rond à l’heure actuelle. La noblesse est une classe fermée dans une large partie de l’ Europe, mais on refusait de l’accepter dans les années 1970.
L’amour courtois
Y a-t-il relation charnelle ou pas ? Il existe une dimension ironique et mélancolique dans les textes.
Les «chansons de geste » et les romans de chevalerie sont présentés de façon équilibrée dans les histoires littéraires actuelles alors que ce n’est pas le cas au Moyen Age. Il y a un très grand déséquilibre en faveur du roman de chevalerie. Tristan et Iseult ne sont pas coupables car un philtre agit. Lancelot et Guenièvre le sont car volontairement adultères.
Le secret de ces textes est qu’il faut les lire à haute voix, ce qui était l’usage au Moyen-Age.