Professeur des universités à Montpellier, Jean-Marc Lange est au départ spécialisé en écophysiologie marine et relate le caractère très transdisciplinaire de l’océanographie. Il s’identifie comme un acteur de la didactique des sciences du vivant et non des SVT qui sont une construction institutionnelle du monde scolaire.

Il faut une responsabilité sociétale de l’éducation et de la formation. Déjà Emile Durkheim s’était penché sur la question en s’attachant, outre à cerner les normes sociales, à essayer de voir comment ces normes pouvaient s’adapter aux différentes générations successives (d’où la nécessaire éducation).

Jean-Marc Lange dresse ensuite un rapide historique de l’enseignement à l’environnement, au développement durable…en prenant soin de préciser que les visées sont différentes à chaque étape. Actuellement, nous sommes sur une visée de citoyenneté politique (manifestations, grèves du climat, avec présence de personnalités comme Greta Thunberg).

S’ensuit la présentation du terme « anthropocène » issu des géosciences, du géochimiste Vernadski et du géochimiste Crutzen. On transforme la planète et 6 des 9 limites viennent d’être franchies. La question de l’habitabilité de la planète est posée, plus exactement de notre zone d’habilité qui se restreint.

En même temps, les sciences de référence évoluent et l’éducation ne peut pas ignorer ça.

L’enjeu de la durabilité est de prendre en compte la complexité du monde, de co-construire entre sciences et société, de transformer les modes de vie. Méthodologiquement, on cherche l’inter et la transdisciplinarité, des approches globales et intégrées. On hybride sciences de la nature et sciences sociales.

Il y a urgence pour gérer cette bifurcation. Jusqu’aux environ de 2050, on peut encore choisir le chemin qu’il faudrait suivre mais plus on approche de cet horizon, plus les choix se traceront d’eux-mêmes sans action forte.

L’EDD est cruciale. Elle fait partie d’autres « éducations à » qu’on peut nommer « éducations transversales ». Elles sont multiples et les chercheurs doivent dire si les objets de ces éducations sont passagers ou au contraire solidement ancrés.

« Education à » s’oppose à « enseignement de »…mais attention à ne pas être tenté de ne pas rejeter les savoirs et contenus disciplinaires…C’est le « rapport au monde » (Bernard Charlot) qui se joue ici…et non le seul « rapport au savoir ».

Les clarifications curriculaires sont nécessaires : il y a trois registres d’après Jean-Louis Martinand : le registre des missions et des finalités (pourquoi), le registre des stratégies des choix programmatiques, le registre didactique et pédagogique. D’où découlent les balises curriculaires qui reprennent ces axes (Lange et Victor, 2006).

Les finalités sont l’amélioration, l’atténuation, l’adaptation, la transformation…mais attention aux manipulations y compris dans les cours de lycée

Il faut des actions (John Dewey) mais c’est insuffisant, il faut également comprendre les enjeux et s’appuyer sur des contributions disciplinaires (Lange, 2011). Il y a une relative facilité à faire ça au primaire du fait de la polyvalence mais au secondaire, on se heurte au cloisonnement des disciplines.

Les « éducations à » sont une rupture pédagogique : il y a une centration sur des pratiques sociales et non sur les savoirs (qui, gardons raison, restent nécessaires !), un pilotage par des actions participatives, une rupture épistémologique (passer d’un modèle « cumulatif » à une façon de penser les changements et de mener une action politique), une hybridation des savoirs et des démarches intégratives. Nous ne sommes pas sur des savoirs stabilisés, ils sont distribués, mouvants, probabilistes, sous influence (Cardot, 2011), il y a difficulté à dire le vrai du faux.

Il faut prendre en compte les savoirs locaux, les savoirs traditionnels qui sont riches et il est intéressant de les croiser avec des savoirs académiques. L’exemple de la neige chez Inuits (qui voient de multiples nuances de blanc) ou de la forêt en Amazonie (qui voient de multiples nuances de vert) montre que les populations locales ont des connaissances bien fines. On a fui ces savoirs par le passé, on les recherche maintenant.

Il faut prendre en charge la complexité et tenir compte des disciplines : il faut des ilots multiréférentiels, des ilots de rationalité ou de légitimité. Les disciplines sont complémentaires. Il faut des pratiques contributives et des savoirs contributifs (Joël Lebeaume).

Jean-Marc Lange illustre avec un exemple de démarche en Sciences de l’Education et de la Formation autour de l’engagement. L’état de l’art évoque le mythe du désengagement des jeunes (ils ne sont pas désengagés en réalité), le sentiment d’efficacité personnel, la confiance dans les institutions pour agir, les inhibitions fondamentales qui aboutissent à l’éco-anxiété (si l’éco-inquiétude est normale, l’éco-anxiété est inhibitrice). Il y a plusieurs théories de l’engagement et il a été recherché l’établissement d’un indice d’engagement ainsi que l’établissement de figures de l’engagement des jeunes (spectateur réflexif, acteur, paradoxal, auteur, doute…). Ont suivi des analyses socio-discursives des discours.

La conclusion montre qu’il faut mixer « l’agir » (actions participatives), le « comprendre » (enquêtes d’investigation sur les enjeux) et le « connaître » (faire appel aux disciplines).

Une très belle conférence, limpide et roborative pour cette rentrée 2024-2025 !