Dans l’enseignement hybride synchrone, il y a quelques principes à suivre, des atouts indéniables mais aussi de sérieuses limites. La première tient à la fatigue. Regardons d’abord celle de l’enseignant. Notre santé est trop souvent négligée ou offerte en sacrifice expiatoire sur l’autel des « nécessités de service ». Qu’en est-il de la « zoom fatigue » signalée par de nombreux médias ?
Une mise en route difficile pour les nerfs
Au départ, on ne va pas se mentir, les premières séances sont dures. On apprivoise l’outil, l’environnement technique, les problèmes des élèves à distance et la gestion de classe des présents. Clairement, il ne faut pas viser trop ambitieux sur la première séance, ni en contenu, ni en originalité pédagogique. On doit aussi résister à la tentation d’être trop près de l’écran pour lutter contre la fatigue visuelle.
Progressivement, cette fatigue se résorbera. J’ai eu l’impression de revivre mon année de stagiaire. Il y a près de quinze ans, la moindre heure de cours me coûtait beaucoup physiquement. J’avais l’impression d’avoir épuisé toute mon énergie à 11h00. Puis, quelques mois plus tard, les choses sont rentrées dans l’ordre. La voix était posée, la posture adaptée, etc. C’est la même chose ici, dur au départ mais payant ensuite.
Le temps de mise en place du matériel est pris, cela va de soi, sur le temps de cours lui-même. De même, il faut se ménager les intercours et se souvenir qu’une heure, en réalité, c’est 50-55 minutes officielles et 40-45 minutes de travail réel, une fois qu’on a géré l’appel, la paperasse et les péripéties diverses. Par ailleurs, il faut bien réfléchir à la façon de transposer le rythme que l’on avait avant l’épisode Covid avec ce nouvel outil. On peut également s’appuyer sur tel élève doué en informatique et qui est à la maison. Il pourra servir de cobaye pour un entraînement solo hors du temps scolaire. Je l’ai fait moi-même ; c’est valorisant pour l’élève d’être ainsi impliqué et c’est sécurisant pour l’enseignant d’avoir fait un test avant le cours.
Est-on malgré tout plus fatigué ?
Non finalement. Je n’ai pas cette impression. Le groupe face à soi est à effectif réduit. Le volume sonore du cours est plus bas qu’à l’accoutumée, les élèves sont installés une table sur deux et le groupe réclame moins d’énergie. L’énergie libérée est conduite vers le groupe en distanciel. J’ai davantage le sentiment d’un rééquilibrage que d’une aggravation de ma fatigue mentale et nerveuse. Sans doute que des recherches en ce domaine permettront prochainement de clarifier ce point.
Sur le plan nerveux, j’ai le sentiment de souffrir davantage de l’instabilité des effectifs présents, des annonces erratiques du gouvernement, des atermoiements de l’ARS, etc.
Sur le plan de la charge de préparation des cours, c’est la réforme du lycée qui est dure, sans documents d’accompagnement, sans cadrage des épreuves, sans les filets que nous avions l’habitude d’avoir. La confection des cours de spécialité en Terminale occupe la majorité de mon temps de préparation et ce n’est pas lié à l’hybride.
La clé reste la formation des enseignants et la qualité de l’équipement.
Côté élève ?
La fatigue existe aussi et elle ne doit pas être minorée. L’informatique n’est nullement innée chez eux. Ils ne savent pas toujours paramétrer la caméra ou le micro. Ils sont lents à écrire dans le chat. Ils sont exposés à des écrans plus souvent. Les premières séances sont éprouvantes pour eux. Mais comme pour l’enseignant, la fatigue de l’inédit finit par se résorber. Les choses deviennent beaucoup plus naturelles ensuite. J’ai bien conscience ici qu’avoir affaire à des lycéens est un plus indéniable.
La série des articles consacrée à l’enseignement hybride synchrone :
Épisode 1: Enseigner en même temps devant des élèves en classe et à la maison
Épisode 2: Comment j’en suis venue à « l’enseignement hybride synchrone »
Épisode 3: Quels sont les avantages de l’enseignement hybride synchrone
Épisode 4: Les trois commandements d’un cours en visioconférence
Épisode 6: Le matériel et la connexion informatique, conditions indispensables
Épisode 7 : Quel est l’avenir de l’enseignement hybride synchrone ?