Cette conférence sur l’État au Moyen Age a été rendue passionnante par le brillant exposé synthétique et bien organisé de Claude Gauvard, professeur émérite d’histoire médiévale à la Sorbonne. Les Clionautes ont déjà eu l’occasion de suivre les publications du professeur, notamment son dernier ouvrage consacré à la peine de mort au Moyen Age.
INTRODUCTION :
A-t-on un État à l’époque médiévale ? Si l’on prend la définition de Max Weber où l’État a le monopole de la violence légitime c’est inapplicable au Moyen Age. Par contre si on suit Bourdieu et que l’Etat a avant tout une dimension SYMBOLIQUE, l’État existe bien au Moyen Age. Mais attention à la téléologie; on ne passe pas d’un État faible à un État fort et moderne sous Charles VII et Louis XI et d’une « anarchie féodale » à une royauté absolue sous Henri IV et Louis XIV. Ce n’est pas si simple !
I. Le Roi et le Royaume
L’importance du sacre
Même si le domaine royal est petit, le roi a un pouvoir sacré qui le place à part. Le sacre lui offre un rôle symbolique. Il commence dès Pépin le Bref en 751/752 et les capétiens à partir de 987. Mais le Sacre devient essentiel avec CHARLES V en 1364/1380. Le Roi sacré est un roi thaumaturge et le Traité du Sacre exalte les fleurs de lys. Dès SAINT LOUIS en 1297, le Roi est un quasi prêtre et Saint Louis est canonisé. Les querelles entre le roi et le pape sont religieuses. Il y a une « surchristianisation » du pouvoir. Si Philippe le Bel condamne les Templiers c’est avant tout parce qu’ils ont fauté et non pour des aspects financiers…L’expulsion des juifs en 1394 est elle aussi avant tout religieuse.
D’autre part, c’est le POUVOIR DYNASTIQUE où s’impose la primogéniture mâle basée sur la fameuse Loi Salique. C’est le slogan : « le Roi est mort, vive le Roi ! »
C’est le tournant de 1316 (et dans une moindre mesure en 1328) quand en absence de fils, la fille Jeanne est écartée car elle est née d’un adultère et est une fille. Ce sera la cause principale de la Guerre de Cent Ans.
Un territoire
Enfin le Royaume existe sur une carte; il est un territoire. Philippe Auguste le multiplie par 4. Les apanages donnés aux frères du roi ne sont pas un signe de faiblesse mais au contraire, un moyen de les neutraliser !
Au XIVème siècle la notion de frontière prend de l’importance et les frontaliers défendent le Royaume. On voit par exemple des bastions fleurdelysés aux frontières en Normandie, en Lorraine comme à Domrémy et au sud de la Bretagne. Des officiers de Charles de Lorraine arrachent d’ailleurs les fleurs de lys !
II. Les Serviteurs de l’État
Permanences et mutations
Il n’ y a pas de bouleversement majeur entre 800 et 1099. Duby minore les continuités entre carolingiens et capétiens. On a un connétable, un chambellan, un panetier…
On note deux mouvements majeurs au XIIème siècle avec d’une part, le développement du DROIT ROMAIN à Montpellier, avec les codes Justinien et Théodosien; et au XIIIème siècle la naissance des Universités avec Paris en 1215 et Orléans pour le droit romain en 1219.
Saint Louis se base sur la procédure d’enquête (inquisitio) pour la Justice.
Alors que le roi est nomade, on assiste à la BUREAUCRATISATION avec des institutions qui se fixent au palais de la Cité: le parlement (1260), la Chancellerie (1318), la Chambre des Comptes (1320), la Cour des Aides (1390). Le pouvoir central s’affirme donc entre 1260 et 1390.
Cette « bureaucratisation galopante » touche aussi le niveau local avec les hommes du Roi : les Baillis et les Sénéchaux. Mais comme ce sont des nobles qui partent à la guerre, ils sont remplacés par des vice-baillis et juges qui sont les vraies « chevilles ouvrières » de l’État.
Le corps du roi
On retrouve la notion de CORPS DU ROI. Ils sont des parties du corps et dépendent du Roi. Ils sont nommés et gagés par le Roi. Attention en 1350, après la peste noire le nombre d’officiers est stable alors que la population diminue fortement, c’est donc un essor de la bureaucratie et non son affaiblissement !
Ce ne sont pas des êtres parfaits mais ils ont conscience de leur mission : défendre le Prince, la Res Publica et le Bien Commun. Sous Philippe le Bel les bureaucrates sont formés à Orléans ou Montpellier et remplissent parfaitement leur mission comme le fameux Guillaume de Nogaret.
Deux exemples d’affirmation de la puissance royale:
- la lutte religieuse entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII en 1302,
- malgré 30 ans de folie de Charles VI, l’Etat n’est pas mort entre 1392 et 1422. Le chancelier remplace le Roi pour les signatures et l’administration continue à être gouvernée.
III. Juger, prélever et légiférer
1/ Juger est la tâche prioritaire.
Avec Saint Louis, on assiste à la mainmise de la justice royale sur la peine de mort. Les ordalies (jugement de Dieu, justice religieuse) sont interdites en 1215.
Le droit d’appel au Parlement de Paris ne concerne pas que le domaine royal mais toute la France, Bretagne comprise
Les lettres de rémission et lettres de grâce se multiplient de 1304 à 1480. Dans une seigneurie du Poitou pour trois peines de mort il y a 14 lettres de grâce adressées au Roi. En justice, le Roi gagne donc sur tous les tableaux.
2/ La fiscalité.
Battre monnaie, payer ses officiers et financer la guerre créent des besoins fiscaux.
Dans un État démocratique il faut le consentement des sujets, car ce qui appartient à tous est décidé par tous: mais c’est l’État Autoritaire qui va gagner surtout après l’échec de la bascule démocratique d’Etienne Marcel à Paris en 1355/1358. Quand Charles VII reprend Paris en 1436; l’État autoritaire a triomphé !
3/ Légiférer
Le Roi légifère peu par ordonnance royale. La première ordonnance date de LOUIS VII en 1154. Saint Louis fait une ordonnance royale en 1254. L’ordonnance de Philippe le Bel de 1303 est répétée 24 fois jusque 1357.
Cette répétition liturgique est la FONDATION de l’État; cela nous montre sa force et pas sa faiblesse. Il inventorie, purifie et installe son pouvoir.
CONCLUSION :
Le Moyen Age a renforcé l’existence de l’État même si le monopole étatique reste fragile.
GOUVERNER c’est DONNER ! L’État est sensible aux dons et aux largesses. Il s’impose mais avec le dialogue, que ce soit avec les sujets ou les villes, quitte à tomber dans le favoritisme.
Il existe des TEMPS FORTS comme le règne de Philippe le Bel et celui de Charles VII ou de Louis XI; mais aussi des TEMPS FAIBLES comme avec Charles VI.
Il n’y a pas de monopole de la violence légitime, ni d’État FROID et CRUEL. Par contre l’État impose le contrôle de la peine de mort et sa fiscalité, il y a donc bien COERCITION. Le Royaume est un jardin dans lequel le Roi règne, ce n’est pas une entité abstraite. Les liens sont forts : liens de sang, d’hérédité, d’amour et d’honneur. Enfin les SUJETS acceptent cette MONSTRUOSITE : l’État !
Les prolongements pédagogiques
La proposition de l’ESPE d’Orléans
Françoise Beauger-Cornu de l’ESPE d’Orléans a présenté un travail basé sur des recherches archéologiques et une BD Bulles d’Archéo de 2017 sur Blois; qui compare Blois avant l’an mil et Blois au XIIIème siècle, sous le règne de Philippe le Hardi de 1270 à 1285. Le titre de sa conférence est grandeur et décadence des Comtes de Blois. L’apogée des Comtes de Blois correspond à Thibaud le Tricheur en 942/977. Sur ces monnaies toute référence au pouvoir royal disparait, il est totalement AUTONOME ! Une planche de BD nous permet d’avoir une vision de la Tour et de la Basse Cour de Blois. Dans l’illustration qui suit c’est le PONT DE BLOIS au XIIIème siècle.
Les élèves de 5ème sont invités à un jeu de rôle où ils peuvent incarner 4 personnages et rédiger un rapport au Roi sur Blois. Mais par la suite le déclin s’accélère…En effet en 1391, les comtes de Blois font faillite et mettent en vente leur château à Louis d’Orléans, le fils cadet de Charles V.
La proposition de l’inspection
Florence Chaix inspecteur d’académie à Blois se perd dans des considérations floues voire hors sujet avec les tableaux de François Ier/Henri IV et Louis XIV. Quel rapport avec le sujet de la conférence ??
Seule remarque pertinente au sujet du toucher des écrouelles on passe de la formule « Le Roi me touche Dieu me guérit » à » Le Roi me touche, Dieu me guérisse » où le Roi joue un rôle encore supérieur. La conférencière insiste sur la difficulté de s’adresser à des jeunes de 5ème déchristianisés et désenchantés.
Vous pouvez retrouver d’autres comptes-rendus de conférence rédigés par l’association sur la page des RDV de l’Histoire 2020.