Évolution des conflits : enjeux et défis pour l’armée de terre :

Présentation officielle : La conflictualité est désormais installée en Europe et sur son flanc sud : alors que les ruines au Haut-Karabagh, en, Irak, en Syrie, au Yémen, en Erythrée et en Libye fument encore, l’Ukraine, la Palestine, le Liban, le Soudan et le Sahel sont de nouveau le théâtre d’emploi de la force militaire. Ces conflits se caractérisent par une intensité accrue, une émancipation à l’égard du droit international et des actions qui viennent transformer en profondeur la façon de faire la guerre. Cette table ronde s’intéressera à l’actualité des conflits du flanc sud de l’Union européenne ainsi que leurs conséquences opérationnelles pour les forces armées terrestres françaises.

 

Modératrice : Christine Ockrent collabore en tant qu’éditorialiste à plusieurs publications européennes (The Guardian, El Pais,…) et à l’International Herald Tribune. Elle produit et anime l’émission “Affaires Etrangères” sur France Culture. Auparavant elle fut Directrice Générale Déléguée de l’Audiovisuel Extérieur de la France.

Général de Corps d’Armée Bruno Baratz. Promu général de corps d’armée le 1er août 2023, Bruno Baratz est nommé commandant du combat futur le même jour. Il est commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite. Il a été projeté en opérations en Bosnie-Herzégovine (1995, 1998 et 2001), en Afghanistan (2006 et 2012) et au Sahel (2011).

Olivier Zajec. Agrégé et docteur en histoire (Paris-IV Sorbonne), Olivier Zajec est maître de conférences en science politique à l’université Jean Moulin-Lyon III, où il dirige l’Institut d’études de stratégie et de défense.

Héloïse Fayet est chercheuse au Centre des études de sécurité de l’IFRI et responsable du programme de recherche « Dissuasion et prolifération ». Ses travaux portent principalement sur les questions nucléaires : doctrines des États dotés, prolifération au Moyen-Orient et en Asie du Nord-Est, impact des nouvelles technologies sur la dissuasion.

 

 

Évolution des conflits : enjeux et défis pour l’armée de terre fut une table ronde  particulièrement riche. Dans une salle comble, elle s’ouvre sur des remerciements adressés aux participants et aux organisateurs des Rencontres Stratégiques de la Méditerranée. La table ronde du matin sur la désinformation est mise en avant par Christine Ockrent, soulignant son importance croissante pour les citoyens et les journalistes.

 

Contexte géopolitique actuel

Christine Ockrent, après avoir présenté le général Baratz, Éloïse Fayet et Olivier Zajec, analyse l’impact des deux conflits en cours :

La guerre en Ukraine, marquée par une confrontation classique entre États, avec le soutien de coalitions internationales.

Le conflit au Proche-Orient, illustrant des affrontements entre un État (Israël) et des organisations paramilitaires soutenues par un autre État (l’Iran).

Ces conflits révèlent deux modèles différents de guerre contemporaine, l’un conventionnel, l’autre asymétrique.

 

Quels enseignements stratégiques majeurs ?

Le général Baratz met en lumière deux grandes leçons des conflits actuels :

La fin de l’ordre mondial établi :

*Retour de la violence entre États.

*Contestation croissante de l’ordre international, y compris par des membres du Conseil de sécurité.

*Émergence d’une ère marquée par une instabilité généralisée.

L’accélération des technologies duales :

*Développement et accessibilité accrue des technologies militaires et civiles détournées à des fins de guerre.

*Perte d’un avantage technologique traditionnel, notamment en Afrique où les moyens de guerre (drones, brouilleurs, défenses anti-aériennes) remettent en question la supériorité tactique et opérationnelle des armées traditionnelles.

Ces dynamiques indiquent ainsi une transition vers une période complexe, marquée par un désordre mondial croissant et une transformation des paradigmes militaires. Les armées doivent s’adapter à un environnement stratégique où leur supériorité traditionnelle est constamment remise en cause.

 

Comment aborder la prolifération des armements et le déséquilibre technologique ?

Héloïse Fayet analyse l’impact de la prolifération d’armements sophistiqués et de technologies accessibles sur les conflits contemporains :

Dualité technologique :

*Mélange de technologies de pointe (systèmes de défense anti-aérienne ou antimissile sophistiqués) et de technologies accessibles et peu coûteuses (drones commerciaux équipés d’explosifs).

*Cette combinaison permet de générer des dégâts massifs à moindre coût et de saturer les défenses ennemies.

Exemples concrets :

*En Ukraine :

      • Utilisation de drones iraniens Shahed par la Russie pour saturer les systèmes de défense ukrainiens et attaquer des infrastructures stratégiques.
      • Épuisement des stocks occidentaux de systèmes de défense coûteux fournis à l’Ukraine, comme ceux des États-Unis.

*Au Moyen-Orient :

      • Les attaques iraniennes contre Israël ont souligné le déséquilibre entre le coût d’un missile balistique iranien et celui des systèmes de défense comme Arrow 2, Arrow 3 ou SM3.
      • Israël aurait épuisé une partie importante de ses stocks de défense antimissile, le rendant potentiellement vulnérable.

Problématiques associées :

*Déséquilibre économique : Le coût des défenses sophistiquées dépasse largement celui des technologies offensives bon marché.

*Limitation des stocks : Les ressources en systèmes défensifs avancés sont limitées, posant un risque croissant dans des conflits prolongés.

Les conflits modernes exposent une tension croissante entre l’accessibilité des technologies bon marché, qui offrent une puissance offensive significative, et les coûts élevés des systèmes défensifs. Cela remet en cause les paradigmes stratégiques, notamment face à des adversaires utilisant ces technologies de manière innovanteVoir pour aller plus loin Le constat de la dissymétrie des moyens – Réflexions géopolitiques – Dossier : buts et moyens de guerre, attrition et politique – Épisode 1/4 – Guerre en Ukraine ou Gaza, Houthis, des logiques matérielles similaires ?.

 

Analyse historique et dynamique de la conflictualité contemporaine

Questionné par Christine Ockrent, Olivier Zajec propose une réflexion sur la nature des conflits modernes et introduit une distinction entre conflits individuels et conflictualité globale. Il met l’accent sur les interconnexions entre théâtres d’opérations, la circulation des armes et des usages militaires, ainsi que l’accélération des transferts technologiques et tactiques. La démonstration qui suit est claire et repose sur les approches suivantes :

Comprendre les conflits : une lecture géopolitique et dynamique
  • Chaque conflit individuel, comme la guerre en Ukraine ou les tensions au Moyen-Orient, s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier. Ce contexte façonne le déroulement des affrontements, les acteurs impliqués et leurs objectifs.
  • Cependant, il est difficile de comprendre ces conflits en temps réel en raison de la multiplicité de filtres (désinformation, propagande, accès limité à des informations fiables).
  • L’avenir des conflits reste incertain. Bien qu’ils tendent généralement vers une négociation, les conditions de cette issue restent imprévisibles, variant selon les dynamiques locales et internationales.
La conflictualité contemporaine : un phénomène global et interconnecté
  • Olivier Zajec introduit le concept de conflictualité pour décrire les dynamiques globales qui relient différents conflits. Ce phénomène dépasse la simple addition de guerres individuelles et met en lumière des tendances communes.
  • Les conflits actuels, qu’ils se déroulent en Ukraine, au Moyen-Orient, au Sahel, au Soudan ou au Yémen, présentent des interconnexions via dans un premier temps la circulation des armements. Par exemple, les drones Bayraktar TB2, initialement médiatisés pour leur usage en Ukraine, sont également déployés dans des conflits en Afrique comme au Soudan. Ces armements, testés sur un théâtre, se retrouvent rapidement ailleurs, souvent améliorés ou adaptés.

 

 

Les transferts d’usages tactiques et stratégiques : les techniques militaires évoluent d’un conflit à l’autre. Les méthodes employées dans un contexte (ex. : utilisation tactique des drones au Sahel) sont observées, apprises et reproduites dans d’autres zones (Ukraine ou Moyen-Orient). Cela inclut les approches opérationnelles et la culture militaire des groupes armés ou des forces régulières.

Accélération des transferts technologiques et tactiques

La rapidité avec laquelle les innovations technologiques et stratégiques se propagent est sans précédent. Cela crée une homogénéité des pratiques de guerre dans des contextes géographiques et politiques pourtant divers.

Exemple concret :

  • Les drones ne se limitent plus à un usage par des armées régulières. Des groupes armés ou paramilitaires, même dans des zones isolées, maîtrisent désormais l’utilisation de drones pour la reconnaissance, les frappes ou même la guerre psychologique.

La diffusion de ces pratiques reflète une véritable globalisation des usages militaires.

Les implications stratégiques
  • Cette homogénéisation de la conflictualité pose des défis majeurs :

Pour les acteurs étatiques : Ils doivent désormais anticiper que leurs adversaires (étatiques ou non) puissent rapidement acquérir et utiliser des technologies sophistiquées, initialement développées pour un autre théâtre d’opérations.

Pour les alliances : Les coalitions militaires comme l’OTAN ou les forces multinationales en Afrique doivent prendre en compte ces transferts pour adapter leurs doctrines.

Pour l’analyse stratégique : Les analystes doivent dépasser une lecture uniquement locale des conflits et adopter une approche plus holistique pour anticiper les effets en chaîne.

Unité et diversité dans la conflictualité moderne

Olivier Zajec conclut que, malgré les diversités locales des conflits, une unité de la conflictualité émerge. Les transferts technologiques, les circulations d’usages et l’interconnexion géopolitique rendent les conflits de plus en plus interdépendants.

La clé pour comprendre cette conflictualité réside dans l’observation des vases communicants entre zones de conflit. Ces circulations redéfinissent les règles du jeu stratégique, accélérant les transformations des doctrines militaires et des pratiques de guerre.

Olivier Zajec appelle donc à un changement de paradigme pour analyser les conflits modernes. Les guerres individuelles ne peuvent plus être comprises isolément ; elles s’intègrent dans une conflictualité globale marquée par des transferts rapides d’armes, de tactiques et de technologies. Cette nouvelle donne stratégique impose une lecture interconnectée des zones de conflit et de leurs implications à l’échelle mondialeJe conseille vivement la lecture de Les limites de la guerre : L’approche réaliste des conflits armés au XXIe siècle, parut chez Mare & Martin Études Stratégiques, Janvier 2024. Un compte-rendu détaillé de cet ouvrage, puissant, stimulant, sera faite pour les Clionautes.

 

Le déplacement des zones de combat et la centralité des villes

Répondant à la question de Christine Ockrent, le général Baratz, fort de son expérience, aborde une tendance majeure des conflits contemporains : le déplacement des zones de combat vers les espaces urbains. Deux raisons principales expliquent cette évolution, qui reflète à la fois des changements tactiques et des dynamiques stratégiques à long terme.

 

L’évolution historique des zones de combat vers les espaces urbains

Traditionnellement, les villes étaient évitées en raison des défis qu’elles représentaient pour les opérations militaires :

  • Complexité tactique : La densité des infrastructures rendait les manœuvres difficiles.
  • Coût humain et politique : Les pertes civiles et les destructions massives étaient des risques politiques et humanitaires élevés.

Aujourd’hui, la ville est devenue une zone de combat prioritaire, non seulement en raison des nouvelles réalités technologiques, mais aussi de sa centralité stratégique et psychologiqueVoir La guerre urbaine au XXIe siècle.

La transparence du champ de bataille : l’impact des nouvelles technologies

La ville comme refuge :

Dans un contexte où le champ de bataille est scruté en permanence par des drones, des capteurs optiques, électromagnétiques ou acoustiques, la ville offre une couverture naturelle. Les bâtiments, les infrastructures et la densité urbaine permettent de dissimuler mouvements et positions, limitant ainsi l’efficacité des systèmes de surveillance et de ciblage modernes.

Exemple : En Ukraine, les forces armées se déplacent souvent dans les zones urbaines pour échapper à la surveillance aérienne et électronique des drones russes ou occidentaux.

 

L’enjeu du contrôle des villes :

Les villes, par leur concentration de ressources, de populations et de communications, deviennent des objectifs stratégiques. Contrôler une ville permet de sécuriser des lignes d’approvisionnement, de contrôler des centres économiques, ou encore de symboliser une victoire psychologique majeure.

 

L’utilisation des civils : une arme psychologique et stratégique

Les populations civiles comme levier de pression :

La ville, par nature, est peuplée. Cela entraîne une dimension tragique : les civils deviennent involontairement des acteurs dans les affrontements.

Les forces armées peuvent chercher à exploiter cette présence pour influer sur la volonté de l’adversaire, en menaçant directement ou indirectement les populations.

Exemple historique : La Seconde Guerre mondiale a vu des bombardements stratégiques massifs sur des villes comme Dresde ou Hiroshima, dans le but de briser le moral des populations civiles et, par ricochet, la volonté des dirigeants militaires et politiques adverses.

L’illusion persistante de la soumission par la terreur :
Le général souligne un point clé : l’idée que bombarder les civils ou cibler les populations peut briser la volonté d’un adversaire est historiquement erronée.

Au contraire, ces attaques ont souvent renforcé la résilience des populations et leur soutien à l’effort de guerre.

Exemple moderne : Les bombardements de zones civiles en Ukraine par la Russie n’ont pas affaibli la résistance ukrainienne mais, au contraire, l’ont souvent galvanisée, renforçant l’unité nationale face à l’agression extérieure.

Implications pour l’avenir des conflits armés

L’armée de terre et l’adaptation aux combats urbains :

Les armées modernes doivent de plus en plus intégrer les spécificités des combats en milieu urbain, où les conditions diffèrent radicalement de celles des espaces ouverts. Cela implique :

  • Une formation accrue aux tactiques de guérilla urbaine.
  • Une meilleure compréhension des dynamiques sociales et humanitaires des zones urbaines.
  • Le développement de technologies adaptées, comme des drones spécifiques pour l’intérieur des bâtiments, ou des équipements de détection souterrains.

 

Un défi éthique et stratégique :

Le ciblage des civils, même indirect, soulève des questions morales majeures et met les États face à des dilemmes :

  • Comment maintenir l’efficacité militaire tout en minimisant les pertes civiles ?
  • Comment éviter que l’adversaire n’exploite les dommages collatéraux pour mobiliser l’opinion internationale ?

 

La ville s’impose désormais comme le théâtre central des conflits contemporains. Ce déplacement est à la fois une conséquence des évolutions technologiques, notamment la transparence accrue des champs de bataille ouverts, et une continuité historique dans l’utilisation des civils comme levier stratégique. Pour les forces armées, cette tendance nécessite une révision des doctrines militaires, une adaptation technologique, mais aussi une réflexion éthique face à la pression internationale croissante pour protéger les populations civiles.

 

Les défis stratégiques de la guerre moderne et la nécessité de limites politiques

Olivier Zajec poursuit l’échange proposé par Christine Ockrent en nous offrant une réflexion critique et historique sur l’évolution des conflits contemporains, tout en interrogeant les stratégies occidentales face à ces mutations. En filigrane, il souligne un problème central : l’absence de définition claire et limitée des objectifs politiques, qui engendre des guerres interminables. Il faut croire que les leçons de Clausewitz ne sont toujours pas assimilées.

 

Les cycles stratégiques et le « balancier stratégique »

Olivier Zajec décrit ce qu’il nomme un « Alzheimer stratégique« , caractérisé par des oscillations brutales dans les doctrines militaires occidentales, influencées par des événements majeursPour aller plus loin voir l’article de Olivier Zajec paru dans la revue Conflit en 2020 : Stratégie militaire : vers la fin de l’hémiplégie doctrinale ?.

La révolution dans les affaires militaires (RMA) : À la fin des années 1990, l’accent est mis sur des guerres de haute intensité, courtes et décisives, fondées sur une supériorité technologique (« overmatch »)Voir  « Révolution dans les affaires militaires » « Révolution » ou « transformation » ? Par Étienne de Durand.

Exemple : La guerre en Irak de 1991, où la domination technologique américaine a semblé valider cette approche.

 

Le basculement vers la contre-insurrection : Après les attentats du 11 septembre 2001, les guerres se déplacent vers des conflits asymétriques (Afghanistan, Irak), où la priorité est donnée à la conquête des « cœurs et esprits ».

Cette période voit la montée en puissance des théories comme celle de Rupert Smith, qui mettent en avant la centralité des populations civilesVoir : Christophe Richard, « L’État au défi des guerres au sein des populations  ».

 

Retour à la guerre de haute intensité : Avec la guerre en Ukraine et les tensions croissantes avec des puissances comme la Chine, l’Occident redécouvre les impératifs des conflits interétatiques majeurs : production de munitions, réorganisation des stocks stratégiques, et préparation à des affrontements prolongés.

Les conséquences des oscillations stratégiques

Ces changements incessants ont des répercussions profondes :

Sur les capacités militaires : Les armées peinent à maintenir un équilibre entre préparation à des conflits asymétriques et haute intensité.

Exemple : L’épuisement rapide des stocks de munitions lors des simulations ou des conflits montre des failles dans la préparation.

Sur l’industrie de défense : Les priorités fluctuantes compliquent la planification industrielle, rendant difficile l’anticipation des besoins et l’innovation.

Sur les budgets : Les ressources limitées imposent des choix budgétaires souvent mal alignés avec les besoins réels ou futurs.

Olivier Zajec insiste sur la nécessité de sortir de ces mouvements pendulaires et de trouver un point d’équilibre stratégique permettant de se préparer aux scénarios les plus durs tout en restant flexible.

L’absence de limites politiques et les « guerres sans fin »

Un autre défi majeur des conflits modernes réside dans l’absence d’objectifs politiques clairs, souvent remplacés par des idéaux moraux :

Exemples d’objectifs mal définis :

  • François Hollande déclarant en 2013 que « la France ne quittera pas le Sahel tant que le terrorisme ne sera pas détruit« .
  • Les ambitions de « démocratiser l’Afghanistan » dans les années 2000.

Les risques d’une telle approche :

  • Ces objectifs, bien qu’admirables sur le plan moral, manquent de limites temporelles et stratégiques.
  • Cela conduit à des opérations interminables, sans possibilité claire de déclarer une victoire ou un achèvement.

 

Olivier Zajec met en lumière l’importance de fixer des objectifs limités, réalistes et politiquement viables avant d’engager des forces militaires. Les guerres doivent être conduites de manière à permettre une sortie politique claire, basée sur une évaluation des sacrifices consentis et des gains obtenusVoir Les guerres limitées – Réflexions géopolitiques – Dossier : buts et moyens de guerre, attrition et politique – Épisode 2/4 – Les regards de Carl von Clausewitz et Julian S. Corbett.

La guerre comme enjeu politique avant tout

En réaffirmant que « toute guerre se termine par une négociation », Olivier Zajec rappelle une vérité fondamentale souvent oubliée :

La guerre est un moyen, pas une fin

Elle doit servir des objectifs politiques définis, et non être guidée uniquement par des considérations morales ou opérationnelles.

La nécessité de concilier valeurs et intérêts

Les démocraties occidentales, en particulier, peinent à équilibrer leurs valeurs (droits de l’homme, démocratie) avec la défense de leurs intérêts stratégiques.

L’Ukraine illustre ce dilemme : bien qu’elle engage des principes fondamentaux comme la défense des sociétés libérales, la guerre devra se conclure par des négociations pour éviter un conflit perpétuel.

Implications stratégiques pour l’avenir

Le professeur appelle à une révision des approches occidentales de la guerre :

  • Préparer les scénarios les plus durs : Il ne s’agit pas de répondre à toutes les éventualités, mais d’être prêt pour les situations les plus critiques.
  • Fixer des objectifs clairs et limités : Cela implique de définir, dès le départ, des « lignes importantes » pour l’intervention, et de savoir reconnaître quand ces objectifs sont atteints.
  • Adopter une vision de long terme : Les armées, les industriels et les décideurs politiques doivent coordonner leurs efforts pour sortir de la logique réactive et établir des stratégies pérennes.

 

Olivier Zajec invite à une réflexion profonde sur les erreurs répétées des stratégies occidentales face aux conflits modernes. Le « balancier stratégique » et l’absence d’objectifs politiques clairs mènent à des guerres interminables et inefficaces. En réaffirmant que toute guerre est avant tout un enjeu politique, il souligne l’urgence d’une approche plus cohérente, équilibrée et réaliste, capable de concilier valeurs morales, intérêts stratégiques et limitations pragmatiques.

 

La désinformation et son impact dans les conflits modernes

Général Baratz : Contexte des démocraties et des opinions publiques

  • Les démocraties doivent composer avec leurs opinions publiques, ce qui peut devenir un enjeu stratégique.
  • Les adversaires comme la Russie ou la Chine exploitent ce levier en utilisant la désinformation pour fragiliser l’arrière des démocraties.

Évolution des techniques de désinformation

La désinformation n’est pas un phénomène nouveau :

  • Conceptualisée à l’époque soviétique et amplifiée depuis 2014 par les Russes dans le contexte ukrainien.
  • Les outils modernes (réseaux sociaux, intelligence artificielle générative) permettent d’affiner les cibles et de monter des manœuvres cognitives.

Exemples :

  • Démoralisation des familles de soldats pour fragiliser les troupes sur le terrain.
  • Création de tensions entre le commandement et les unités de l’avant.

Retour à une logique de guerre totale et industrielle

La guerre en Ukraine réintroduit une dimension industrielle à la conflictualité :

  • Côté russe : organisation pour tenir dans la durée.
  • Côté ukrainien : dépendance au soutien occidental, notamment industriel.

Cela met en lumière un enjeu stratégique pour les démocraties :

  • Reconstituer une capacité industrielle nationale autonome pour produire rapidement et à moindre coût.

Préparation aux manipulations d’opinion et à la désinformation

Importance de la lutte sur le champ informationnel :

  • Contrer les fausses informations.
  • Rétablir la vérité, bien que difficile dans un contexte où les figures d’autorité traditionnelles (instituteur, médias) ont perdu de leur crédibilité.

Suivi des fragilités internes des armées :

  • Identifier les sources d’information utilisées par les soldats (notamment les réseaux sociaux) pour anticiper les attaques informationnelles.

Défis sociétaux liés à la désinformation

  • Érosion de la crédibilité des relais traditionnels de l’information.
  • Difficulté à établir une vérité consensuelle dans une société où tout est remis en question.

La préparation à la désinformation est centrale pour prévenir les fractures dans les alliances et renforcer la résilience interne. L’anticipation des manipulations, la maîtrise du narratif, et la restauration de relais d’information crédibles sont des enjeux majeurs dans un monde où les conflits sont aussi cognitifs.

 

Le niveau de confiance envers les spécialistes, artisanat vs la plus haute technologie

Questionnée par Christine Ockrent Héloïse Fayet propose des pistes de réflexion fructueuses.

Confiance dans les experts : un levier sociétal clé

  • La crise de confiance envers des figures traditionnelles comme les instituteurs a laissé place à une reliance accrue envers les experts, notamment dans des domaines techniques et stratégiques.
  • Cependant, cette confiance envers les experts peut être manipulée ou contestée, d’où l’importance pour ceux-ci, notamment dans la défense, de maintenir leur crédibilité en s’adaptant aux réalités contemporaines.

La juxtaposition des capacités artisanales et sophistiquées

  • En Ukraine, les capacités artisanales, comme la fabrication locale de drones, coexistent avec des technologies sophistiquées. Ce modèle d’adaptation agile et rapide répond à des besoins opérationnels immédiats.
  • Une telle dynamique s’observe aussi au Moyen-Orient, où des moyens rudimentaires sont associés à des armes de pointe, soulignant une hybridation des approches guerrières modernes.

Innovation et adaptation : le modèle ukrainien face à la rigidité russe

  • Les Ukrainiens se distinguent par leur capacité d’innovation rapide, avec des cycles courts de retours d’expérience (RETEX) et des laboratoires technologiques intégrés.
  • En contraste, l’armée russe souffre de rigidité doctrinale héritée de l’ère soviétique, ce qui limite sa capacité d’adaptation face à des défis imprévus sur le terrain.

Le rôle clé des acteurs privés dans les conflits modernes

  • Les entreprises privées jouent un rôle crucial, comme l’illustre l’usage de Starlink par les Ukrainiens pour la communication sur le champ de bataille. Cela pose néanmoins des questions de dépendance stratégique vis-à-vis d’acteurs privés.
  • Cette situation révèle aussi les limites de la politisation des outils privés, par exemple lorsqu’Elon Musk a restreint l’utilisation de Starlink pour des raisons géopolitiques.

Le bricolage stratégique et la résilience industrielle

  • Dans des contextes de guerre prolongée, la créativité tactique et l’utilisation de composants accessibles sur des marchés parallèles permettent de maintenir des capacités opérationnelles.
  • En parallèle, les pays technologiquement avancés, bien que performants dans la production de systèmes sophistiqués, doivent relever des défis pour garantir une réactivité et une adaptabilité suffisantes.

L’innovation au sein des forces armées françaises

  • En réponse à ces évolutions, les armées françaises développent des laboratoires d’innovation intégrés, permettant aux soldats sur le terrain de contribuer à la conception de nouvelles solutions adaptées aux besoins réels.
  • Ce modèle pourrait inspirer des réformes plus larges pour répondre aux défis stratégiques contemporains tout en exploitant pleinement les capacités internes et externes.

Conclusion :

Ces évolutions abordées par Héloïse Fayet reflètent un paysage stratégique mondial en pleine mutation, marqué par une hybridation des approches, une reliance croissante sur l’innovation, et une révision des rôles entre acteurs publics et privés. Pour les démocraties, la clé réside dans leur capacité à rester agiles, crédibles et résilientes face à ces nouvelles configurations de la guerre.

Les capacités d’adaptation des Ukrainiens et les leçons actuelles de cette guerre

Christine Ockrent décide d’explorer les leçons de la guerre en Ukraine, et des autres conflits depuis l’intervention française au Mali.

 

Le général Baratz souligne dans un premier temps que les Ukrainiens ont significativement évolué dans leur manière de combattre, avec une capacité d’adaptation rapide. De même, les Russes ne sont pas en reste, développant des innovations, comme des munitions autonomes et téléopérées. Une dynamique dialectique s’instaure entre les deux camps, avec une adaptation réciproque de leurs stratégies.

L’impact des technologies sur la guerre moderne

Les armées se transforment à travers l’intégration de nouvelles technologies. La transparence du champ de bataille est de plus en plus marquée par la multiplication des capteurs, qu’ils soient aériens, terrestres ou spatiaux. Cela engendre une guerre de plus en plus profonde, rendant plus difficile la dissimulation des forces et nécessitant des frappes dans la profondeur.

Évolution du champ de bataille et de la stratégie

Les champs de bataille deviennent plus vastes, avec une logistique qui s’éloigne de plus en plus des zones de combat, ce qui impose de frapper plus loin. Cette transformation nécessite une révision des stratégies de concentration des forces et de la capacité à surprendre l’adversaire.

L’intelligence artificielle dans la modernisation militaire

L’IA joue un rôle crucial dans la modernisation des armées, transformant des équipements anciens en outils plus performants. Un exemple donné est l’amélioration des canons de lutte antiaérienne grâce à l’IA, permettant de détruire des drones à grande distance avec une grande précision.

Les défis de l’adaptation militaire face à des adversaires variés

L’évolution des menaces, avec des acteurs non-étatiques de plus en plus présents, nécessite une anticipation étendue. Les adversaires ne sont plus seulement des États, mais aussi des groupes non-réguliers, ce qui rend les choix de capacité militaire plus complexes.

La différence dans les armées occidentales et la polyvalence de l’armée française

Les États-Unis ont deux armées distinctes, une pour les conflits à haute intensité et une autre pour les missions d’expéditions. En revanche, la France dispose d’une seule armée polyvalente, capable de mener tous types de missions, mais cette polyvalence présente des défis en termes de coûts et de renoncements à certains besoins.

Préparation mentale des soldats

Le changement du contexte de bataille, plus diffus et moins centré sur la cohésion de groupe, implique une réévaluation de la préparation des soldats. L’accent est mis sur l’importance de la préparation mentale, qui deviendra essentielle aux côtés de la préparation physique.

 

Après le militaire, la journaliste sonde l’avis du spécialiste, du théoricien, en la personne d’Olivier Zajec.

Leçons des guerres en Afrique et de l’opération Serval

Olivier Zajec commence par évoquer l’opération Serval au Mali, qu’il qualifie de « victoire tactique incontestable » pour les forces françaises. Cette opération a permis d’atteindre tous les objectifs fixés par l’armée française, renforçant ainsi sa crédibilité. Toutefois, il met en lumière un défi majeur : la transformation de cette victoire tactique en succès stratégique et politique. Selon lui, cette conversion du capital militaire en résultats politiques n’a pas été automatique et reste une question complexe. Il estime que cette responsabilité incombe principalement aux acteurs politiques, qui n’ont pas réussi à capitaliser pleinement sur la victoire militaire, laissant les enjeux se diluer au fil du temps.

Les enjeux contemporains de la conflictualité en Afrique

Il souligne que les enjeux en Afrique ne peuvent plus être considérés isolément. Il voit aujourd’hui une interconnexion croissante entre les conflits africains et ceux d’autres régions du monde, notamment l’Ukraine. Il parle de « bulles d’Ukraine » visibles dans les conflits africains, pas seulement en termes de transferts d’armement, mais aussi dans l’agilité opérationnelle et l’innovation tactique des groupes non étatiques. Ces derniers maîtrisent désormais des compétences auparavant inimaginables pour eux, comme la gestion de centres de commandement décentralisés.

Cette évolution le conduit à une réflexion sur la notion de « rusticité », qui a longtemps été attribuée aux adversaires africains. Il réfute l’idée que la rusticité soit un choix permanent et affirme qu’il s’agit d’une stratégie temporaire en attendant de meilleures capacités. Selon le professeur, ces groupes ne se contentent pas de compenser leurs manques avec des méthodes rustiques, mais cherchent activement à « remonter dans le spectre des capacités » pour devenir des adversaires de plus en plus sophistiqués.

Le rattrapage symétrique et les défis stratégiques à venir

Olivier Zajec insiste sur le fait que la France, face à cette montée en puissance de ses adversaires, ne peut pas se contenter de l’inventivité tactique et de l’agilité. Les ennemis actuels et futurs, qui « remontent dans le spectre des capacités », maîtrisent désormais des armements de plus en plus sophistiqués, auparavant réservés aux puissances occidentales. Par conséquent, il met en garde contre l’idée que l’innovation tactique suffise à faire face à ces nouveaux défis.

Il évoque aussi la nécessité pour la France de maintenir ses investissements dans des capacités stratégiques de haute technologie : défense antimissile, balistique, spatial militaire et capacité à frapper dans la profondeur. Selon lui, renoncer à ces investissements risquerait de laisser la France vulnérable face à des adversaires de plus en plus puissants et technologiques.

La nécessité d’une vision globale et équilibrée pour l’armée de terre

Il met en avant l’importance de ne pas se laisser piéger par les modes ou les buzz du dernier conflit. Il appelle à une réflexion prospective, soulignant que l’armée de terre, tout comme l’ensemble des armées françaises, doit avoir une vision équilibrée qui inclut à la fois des investissements dans la haute technologie et dans l’agilité tactique. Il prend l’exemple d’un document stratégique de l’armée de terre de 2015, intitulé Action terrestre future, qui propose une approche basée sur des principes intemporels de la guerre mais aussi sur des facteurs de supériorité opérationnelle comme la masse, la profondeur et l’agilité.

Pour lui, la question n’est pas de choisir entre ces différentes approches, mais de savoir comment les intégrer simultanément dans un projet stratégique cohérent. La France, selon Zajec, ne peut se permettre de se focaliser uniquement sur l’un de ces aspects au détriment des autres. Il appelle ainsi à une vision globale et collective de l’effort militaire, en particulier face à la complexité croissante des enjeux géopolitiques, comme ceux observés en Afrique et ailleurs.

L’ »évolution » des conflits en Afrique et la prise de conscience nécessaire

Enfin, Olivier Zajec souligne que l’évolution des conflits en Afrique, notamment au Sahel, en Libye et au Yémen, montre que la rusticité ne sera pas un trait permanent. Il met en garde contre une approche qui négligerait l’importance d’une évolution dans le spectre des capacités des adversaires. L’Afrique et ses conflits sont en constante évolution, et les acteurs de ces conflits montent en capacité, ce qui rend d’autant plus urgent de ne pas sous-estimer les investissements nécessaires pour maintenir la compétitivité des forces françaises.

Il termine en appelant à une prise de conscience européenne sur la nécessité de maintenir un spectre de capacités complet, sans négliger une partie au profit d’une autre, et de ne pas se laisser déborder par des évolutions stratégiques qui risqueraient de compromettre la position de la France sur la scène mondiale.

 

Comment l’armée de terre peut répondre à ces défis ?

Le Général Baratz aborde cette question en soulignant dans un premier temps que bien que les moyens militaires ne soient pas infinis, des solutions existent pour équilibrer les capacités de l’armée de terre. Actuellement, un chantier-clé consiste à ajuster le modèle de l’armée pour répondre efficacement aux facteurs de supériorité opérationnelle, tout en tenant compte des contraintes budgétaires.

L’importance de l’intelligence artificielle (IA) : Le Général met en avant le rôle croissant de l’IA, qu’il considère comme une solution pour combler les lacunes capacitaires de l’armée. Il évoque sa visite dans des centres de recherche militaires, comme l’Institut Saint-Louis, où des technologies de pointe sont en développement. Selon lui, l’IA est en train de transformer les capacités de l’armée, et cette évolution pourrait être un levier important pour renforcer les forces françaises.

L’équilibre entre armement classique et innovation rapide : Il plaide pour une dualité dans l’approche technologique : continuer de développer des équipements classiques, mais aussi se tourner vers des solutions plus agiles et réactives, pouvant être intégrées rapidement dans les armées. Il donne l’exemple des drones, soulignant la rapidité d’obsolescence des technologies modernes et l’importance de ne pas investir dans des programmes trop longs. Selon le Général, certains équipements, bien que temporaires, doivent être capables de répondre à des besoins immédiats tout en étant suffisamment modulables pour évoluer rapidement.

L’agilité dans la réponse aux défis modernes : Le Général Baratz insiste sur l’importance d’une armée flexible et innovante. L’objectif est de concevoir des équipements qui favorisent la réactivité et l’adaptabilité, plutôt que de suivre un modèle de développement lent. Cette agilité permettrait de faire face à des menaces qui évoluent rapidement, comme celles observées en Ukraine, où la vitesse d’adaptation des armements est essentielle.

La combinaison des capacités et le tempo de guerre : Il met en évidence que, dans une opération militaire, ce n’est pas la qualité d’un seul équipement qui fait la différence, mais la capacité à combiner plusieurs outils et ressources pour prendre l’avantage sur l’adversaire. Il rappelle que le tempo, la rapidité d’action, a toujours été un facteur décisif en guerre. Il cite l’exemple des années 1940, où la combinaison efficace de chars, avions et transmissions a permis à l’armée alliée de surpasser l’ennemi.

L’intégration des nouveaux équipements dans la doctrine militaire : il conclut sur la nécessité d’intégrer ces innovations dans une doctrine militaire cohérente, où la combinaison des équipements modernes doit s’harmoniser avec les autres capacités de l’armée pour obtenir l’efficacité maximale.

 

Héloïse Fayet rebondit sur ces questions.

L’agilité et l’évolution des équipements face aux adversaires :


Héloïse Fayet
commence par soulever le défi posé par l’agilité et l’évolution rapide des équipements à bas coût, qui ne sont pas uniquement des atouts pour les forces de l’OTAN, mais aussi pour les adversaires potentiels. Elle souligne que ce phénomène peut poser problème, car les ennemis peuvent aussi adopter cette agilité.

L’importance de la doctrine et de l’utilisation intelligente des armements :

Elle insiste sur le fait que la création de nouveaux armements ne suffit pas : leur utilisation doit être stratégique et intelligente. Selon elle, les forces occidentales, y compris la Chine, possèdent une institution militaire capable d’imaginer des moyens durables, parfois plus rigides mais permettant de maintenir un avantage compétitif.

La stratégie militaire de la France et la diversification des capacités :

La chercheuse fait une observation sur l’armée française, souvent vue comme échantillonnaire, c’est-à-dire ayant une stratégie de diversification dans de nombreux domaines (porte-avions, dissuasion nucléaire, cyber, renseignement, espace, drones). Bien que cela puisse être critiqué, elle est d’accord avec le Général Baratz et Olivier Zajec sur le fait que d’autres armées alliées, comme le Royaume-Uni, ont souffert d’une transformation unilatérale vers une armée expéditionnaire, négligeant certaines capacités essentielles et en payant le prix aujourd’hui en termes de ressources humaines et capacitaires.

L’équilibre entre les capacités expéditionnaires et la défense nationale :

Héloïse Fayet évoque l’importance de maintenir un équilibre entre les capacités expéditionnaires et la défense du territoire national. Elle fait référence à des réformes récentes, comme le renforcement du commandement national et interarmées, qui ont été mises à l’épreuve lors des JO et ont montré leur efficacité.

La coopération européenne en matière de défense :

L’intervenante aborde la nécessité de mieux répartir les capacités de défense au niveau européen et au sein de l’OTAN. Elle plaide pour une gestion plus rationnelle des capacités, notamment en ce qui concerne les stocks de munitions et la logistique. Selon elle, il est important de maintenir la souveraineté nationale tout en avançant vers une meilleure coopération pour renforcer la défense collective.

La nécessité d’adopter des moyens offensifs et de frapper l’adversaire avant qu’il ne frappe :

Elle conclut sur la nécessité pour la France et l’Europe d’adopter des stratégies plus offensives. Elle mentionne que la diminution de la supériorité aérienne et le retour en force des missiles balistiques imposent la réflexion sur l’acceptation de frapper l’adversaire et ses systèmes avant qu’ils ne nous attaquent, ce qui est un domaine dans lequel la Chine, le Moyen-Orient et la Russie ont déjà pris des positions avancées.

 

Coordination avec les partenaires européens ? Le point de vue du Général Baratz

La règle de frapper l’adversaire avant qu’il ne nous frappe pour rebondir sur les derniers propos d’Héloïse Fayet à propos de la Chine :

Le Général commence par rappeler que frapper l’adversaire avant qu’il n’ait l’occasion de nous frapper est une règle d’or en stratégie militaire. Il souligne ensuite la nécessité d’une anticipation des conflits à venir et interroge sur la possibilité de partager cette capacité d’anticipation avec d’autres commandements européens.

Coordination européenne et partage d’expérience :

Il mentionne que, bien que le commandement n’ait qu’un an, il y a déjà une volonté de coordination avec d’autres nations européennes. Il évoque les discussions avec les Allemands, qui ont une structure similaire mais avec certaines différences. Il fait aussi référence aux Britanniques, Néerlandais et Belges, ces derniers ayant un modèle d’intégration exceptionnelle avec la France : une brigade belge intégrée dans une division française, avec une interopérabilité totale. Cette collaboration, selon le Général, est un modèle unique en Europe qu’il aimerait reproduire avec d’autres pays pour renforcer la coopération et faciliter les exportations d’équipements.

Problèmes industriels et coordination dans les programmes européens :

Le Général souligne la difficulté de coordonner les efforts industriels en Europe, notamment avec les Allemands, qui ont une puissance industrielle importante. Toutefois, il indique que leur modèle industriel est orienté vers l’exportation, ce qui complique la compréhension mutuelle entre les armées française et allemande. Il constate que la structure industrielle française diffère de celle des Allemands, ce qui entraîne des divergences dans l’expression des besoins et les priorités industrielles. Cette situation démontre que les accords politiques ne suffisent pas toujours à se traduire en solutions concrètes sur le terrain.

Les défis d’une Europe de la défense industrielle :

Il note que l’Europe n’est pas encore arrivée à une véritable union de défense industrielle, car cela touche à des enjeux sensibles, notamment la répartition des emplois et des capacités industrielles entre les différents États membres. Les conflits d’intérêts industriels rendent difficile la mise en œuvre de solutions communes.

Complémentarité avec les pays de l’Est :

Enfin, il évoque les efforts de complémentarité avec les pays de l’Est, notamment les pays baltes, avec lesquels la France entretient de bonnes relations. Les échanges avec ces pays portent sur des retours d’expérience et des analyses communes, favorisant une collaboration croissante. Toutefois, malgré ces avancées, il reste incertain quant à la possibilité d’une large diffusion des équipements militaires français sur le marché européen, notamment en raison des disparités industrielles et stratégiques entre les pays.

Le Général met en lumière les défis de coordination industrielle et stratégique au sein de l’UE, en particulier dans le domaine de la défense, tout en soulignant la nécessité de renforcer la collaboration entre les États membres pour anticiper efficacement les futurs conflits et optimiser les capacités militaires européennes.

 

 

De la difficulté de choisir des priorités (et de l’urgence de savoir bien exploiter la pop culture)

 

 

 

La difficulté de prioriser dans un contexte chaotique

Olivier Zajec commence par faire une référence à Game of Thrones, citant la phrase : « Le chaos est une échelle », pour illustrer la difficulté de définir des priorités claires dans un environnement stratégique complexe et en constante évolution.

L’exploitation de la Pop Culture prend ici tout son sens. La pop culture, loin d’être une simple échappatoire comme souvent présentée par quelques élites étriquées, est une lentille puissante pour décrypter les complexités du monde. Dystopies, oeuvres de fantasy et de science-fiction façonnent une grille de lecture qu’il faut savoir embrasser. Elle projette nos espoirs, nos peurs et les tensions géopolitiques qui façonnent notre époque. Comme le souligne entre autres Jason Dittmer, elle agit comme un atlas émotionnel et symbolique, dessinant les contours d’un ordre mondial en perpétuel mouvement. De Captain America incarnant les valeurs fluctuantes de l’Amérique à des séries comme The Expanse explorant la dynamique du pouvoir dans l’espace, ou ici Game of Thrones, chaque œuvre dialogue avec l’histoire et les conflits contemporains. En croisant fiction et réalité, la pop culture devient une clé pour comprendre et questionner les rapports de force qui structurent notre monde. En cet instant où il cite Petyr Baelish, Olivier Zajec emporte avec lui quelques âmes de geeks attentifs et heureux.

Le professeur souligne que dans le cadre de l’OTAN et de l’Europe, les priorités sont divergentes : certains pays se concentrent sur le sud, d’autres sur l’Est. La situation actuelle, marquée par la guerre en Ukraine, met en lumière la difficulté de concilier des objectifs divers tout en répondant à l’urgence immédiate.

La nécessité d’une réflexion collégiale

Le chercheur insiste sur l’importance d’une approche collégiale et collective pour définir ces priorités, en coopération avec les partenaires européens. Toutefois, il rappelle l’impact du COVID-19, qui a révélé la nécessité d’une autonomie accrue tout en maintenant une interopérabilité entre les nations. Cette exigence d’autonomie se heurte parfois à des priorités contradictoires, notamment dans un contexte où les moyens sont limités.

L’émergence de la nécessité d’une vision à long terme

Il aborde le besoin de réinstaurer une vision stratégique à long terme, rappelant le modèle du PP30, un plan prospectif à 30 ans qui existait auparavant au sein de la DGA (Délégation Générale pour l’Armement). Il critique la tendance actuelle à privilégier des solutions à court terme, en réponse à la rapidité des événements géopolitiques, ce qui conduit à une gestion de plus en plus agile et moins planifiée.

Le paradoxe entre agilité et vision à long terme

Olivier Zajec expose un paradoxe où, bien que la planification rapide et les boucles courtes soient nécessaires pour répondre aux urgences, il ne faut pas renoncer à définir des objectifs à long terme, surtout en matière de haute intensité, de résistance et de résilience des armées dans un conflit prolongé. Il insiste sur l’importance de la remontée en puissance des capacités militaires, notamment en termes de masse (effectifs), ce qui nécessite un investissement dans le recrutement et la fidélisation des soldats.

La priorité sur les ressources humaines dans les armées

Il souligne que, malgré l’importance des équipements militaires, la priorité doit aussi être accordée aux hommes et aux femmes des armées. Le recrutement, la fidélisation et le développement des cultures organiques au sein des différentes branches militaires sont essentiels pour garantir l’efficacité des forces armées. Il met en garde contre le manque d’attention porté à cet aspect, en affirmant que la situation actuelle est préoccupante, même s’il ne veut pas être alarmiste.

Conclusion sur l’équilibre à trouver

Enfin, il conclut en soulignant que, malgré l’urgence des enjeux et la nécessité de s’adapter rapidement, il ne faut pas oublier les priorités stratégiques à long terme. Les armées doivent être en mesure de combattre efficacement dans des conditions difficiles et sur la durée, ce qui nécessite à la fois des équipements adaptés et un personnel qualifié, formé et fidélisé.

En résumé, Olivier Zajec met l’accent sur la nécessité d’un équilibre entre agilité stratégique à court terme et une vision à long terme, en insistant particulièrement sur le facteur humain comme composante essentielle de la force militaire européenne.

 

 

Évolution des conflits : enjeux et défis pour l’armée de terre – Questions posées par le public

 

Christine Ockrent propose aux intervenants de rebondir sur des questions du public. Elles sont nombreuses et propices à des échanges fructueux entre les intervenants.

Les Enjeux de Recrutement et de Mobilisation de l’Armée de Terre

État actuel des effectifs : Le Général Baratz débute son intervention en soulignant que, malgré une situation apparemment favorable en termes de recrutement, notamment parmi les grades supérieurs (colonels et officiers), l’Armée de Terre fait face à une perspective démographique inquiétante. La population des jeunes recrues se réduit, ce qui entraînera une diminution du réservoir de recrutement dans les prochaines décennies. Bien que l’armée maintienne de bons taux de recrutement et d’affectation, cette dynamique pourrait se heurter à un manque de relève dans les classes d’âge plus jeunes.

Une mobilisation collective : Le Général évoque la nécessité d’intégrer la société dans les enjeux de défense. L’Armée de Terre, en tant que composante de la défense nationale, ne saurait assurer seule la protection du pays. Cette responsabilité incombe à toute la nation, et la mobilisation populaire est essentielle. La société doit comprendre les enjeux actuels de sécurité, notamment face aux menaces extérieures et à la désinformation, afin de soutenir un effort de défense collectif.

La Vision à Long Terme de la Défense (2040-2050)

Les perspectives de robotisation et de dronisation

En termes de prospective, le Général Baratz présente les grands axes de l’évolution des technologies de défense. L’Armée de Terre envisage un horizon à long terme, avec des évolutions prévues jusqu’en 2050, où la robotisation et la dronisation joueront un rôle majeur. Cette évolution technologique, favorisée par la baisse des coûts des plateformes robotisées et leur double usage (civil et militaire), contribuera à compenser la réduction du nombre d’effectifs humainsVoir par exemple  L’Aviation légère de l’armée de Terre développe le concept de « dronisation de l’aérocombat ».

Cyber et guerre électronique

Une place prépondérante est également accordée à la guerre électronique et au cyber, qui deviendront des enjeux-clés. La connectivité accrue, qui facilite la collecte et l’analyse des données, porte en elle-même une vulnérabilité. La protection contre les cyberattaques et la guerre électronique sera donc un enjeu stratégique de premier plan.

Enjeux démographiques et géopolitiques

Ces évolutions technologiques devront être pensées à long terme, en parallèle des réalités démographiques et géopolitiques. L’effort de défense de la France doit se préparer à faire face à des menaces multiples, qu’elles soient militaires, économiques ou liées à la désinformation.

La Défense à Court Terme : l’ambition de déployer une division en 2027

Un modèle en transformation

À court terme, le Général annonce l’ambition de déployer une division complète en 2027, avec des capacités renforcées en logistique, protection anti-aérienne et renseignement. Cet objectif implique un rééquilibrage des capacités de l’Armée de Terre, afin de compenser les déséquilibres qui existaient dans les décennies passées, marquées par une période de déflation militaire.

La réorganisation des compétences

La réorganisation du modèle armée de Terre se concentre sur plusieurs axes : la doctrine, l’organisation, les ressources humaines, les équipements, le soutien et l’entraînement. Ce rééquilibrage vise à renforcer l’efficacité des équipements en tenant compte des évolutions technologiques et des nouvelles missions des militaires, qui devront de plus en plus évoluer dans des domaines technologiques avancés, tels que l’électronique et la cybersécurité.

Les défis de l’innovation et de la gouvernance dans l’armée

La réglementation et l’innovation

La question de l’innovation en contexte militaire est abordée sous l’angle de la gouvernance. Les intervenants soulignent que l’armée, bien que capable de développer des innovations sur le terrain, rencontre des obstacles en termes de réglementation et de financement. Héloïse Fayet note que bien des innovations, parfois simples et peu coûteuses, sont freinées par des contraintes administratives, notamment liées au suivi financier et à la traçabilité des investissements.

La fluidification des processus internes

Le Général Baratz reconnaît cette problématique et évoque des initiatives pour lever ces obstacles. Il met en avant la nécessité de fluidifier les circuits administratifs et financiers pour permettre aux innovateurs de terrain de travailler plus librement. Il plaide également pour un assouplissement des règles de réglementation internes, afin d’encourager les initiatives innovantes.

La question de l’Intelligence Artificielle dans les capacités militaires

L’intelligence artificielle : un levier technologique stratégique

L’intelligence artificielle est évoquée comme un des grands leviers d’innovation pour l’Armée de Terre. L’idée d’une démocratisation de l’IA, et de sa capacité à niveler les différences entre les nations, est mise en question. Bien que l’IA puisse offrir de grandes avancées, elle reste dépendante de la qualité des données utilisées pour son entraînement, ainsi que de la capacité à gérer l’énergie nécessaire pour son déploiement à grande échelle.

Des avancées inégales

Il est également souligné que les inégalités dans l’accès à la puissance de calcul et aux données entraîneront une disparité entre les nations en termes de capacités d’IA. Les capacités de production de données et les infrastructures nécessaires pour exploiter ces technologies feront la différence dans la course à l’innovation militaire.

 

L’importance des forces terrestres face aux nouvelles technologies

Les nouvelles technologies de guerre, telles que la dronisation, le cyber et les missiles longue portée, modifient profondément les conflits modernes. Toutefois, elles ne remettent pas en cause le rôle des forces terrestres. Le Général Baratz souligne que ces technologies sont déjà intégrées dans les forces conventionnelles, incluant l’armée de terre, et que leur mise en œuvre n’est pas limitée aux forces spéciales. Par conséquent, les forces terrestres conservent un rôle essentiel dans les conflits futurs, malgré les évolutions technologiques.

Il est crucial de trouver un équilibre entre l’intégration de ces nouvelles capacités et le maintien d’une force humaine sur le terrain. La masse, en termes de ressources humaines, est indispensable et ne pourra pas être remplacée par des technologies. Ainsi, l’infanterie, les cavaliers et autres soldats continueront de jouer un rôle stratégique, même dans des combats de plus en plus technologisés.

L’intégration de systèmes modernes, tels que des frappes longues portées et des missiles balistiques, permettra d’augmenter l’efficacité des forces terrestres sans diminuer leur rôle fondamental. Le défi sera de trouver une articulation optimale entre les capacités humaines et technologiques pour garantir la supériorité sur le champ de bataille.

 

Le défi technologique face à l’adaptabilité humaine de l’ennemi

L’un des grands défis des guerres modernes est l’adaptabilité de l’ennemi face à l’usage des technologies avancées. Comme le souligne le Général, la guerre est avant tout une confrontation de volontés humaines. Même avec une supériorité technologique, un adversaire pourra toujours s’adapter et contourner les dispositifs de surveillance et d’attaque, comme l’ont montré des exemples tels que Gaza et le sud du Liban, où les groupes armés ont utilisé des tunnels pour échapper aux frappes.

Le problème majeur de la guerre moderne, lié à l’utilisation de la technologie, est la difficulté de discriminer entre des cibles militaires et des civils. Les drones, les robots et l’intelligence artificielle, malgré leurs progrès, n’ont pas encore la capacité de réaliser cette distinction de manière fiable. Ce défi éthique et stratégique ne pourra être résolu que par une vigilance continue et l’intégration de capacités humaines dans les décisions de combat.

 

La politique et la stratégie militaire : un outil au service du politique

Les militaires, bien qu’experts dans la mise en œuvre des technologies et des tactiques de guerre, ne doivent pas être les seuls à décider des orientations stratégiques. L’armée est un outil au service de la politique, et c’est à la classe politique de définir une stratégie cohérente en matière de défense et de relations internationales. Olivier Zajec rappelle qu’une politique de défense claire et une priorisation budgétaire sont essentielles pour éviter l’égarement technologique et répondre aux défis militaires.

Les décisions stratégiques, en particulier celles concernant les investissements dans les technologies militaires (comme les drones ou le quantique), doivent être prises avec une vision à long terme, même si cela implique des sacrifices dans d’autres domaines. Les démocraties, toutefois, rencontrent des difficultés à envisager des choix à long terme, souvent par peur des conséquences politiques d’une mauvaise décision. C’est pourquoi débat public sur la stratégie de défense devrait être renforcé, y compris au sein des institutions parlementaires, pour garantir que la politique de défense réponde aux enjeux futurs.

 

La doctrine stratégique française et la question de la frappe préventive

La doctrine stratégique française, bien que fondée sur la dissuasion nucléaire, n’inclut pas actuellement de stratégie de frappe préventiveVoir par exemple Quelle doctrine nucléaire pour la France ? Georges Le Guelte. Cependant, dans un contexte de guerre à grande échelle, la question de frapper l’ennemi avant qu’il ne frappe pourrait devenir un impératif tactique. Ce type de réflexion est plus pertinent dans le cadre de frappes longue portée et dans la mise en place de réseaux de capteurs et d’attaques ciblées sur des infrastructures stratégiques adverses, comme les sites de lancement de missiles.

Le Général précise que l’armé de terre met l’accent sur la capacité de frapper dans la profondeur, c’est-à-dire frapper des cibles adverses avant même qu’elles n’aient pu réagir. Ce modèle tactique s’inscrit dans une logique d’efficacité accrue où chaque décision de frappe repose sur la rapidité d’identification des cibles et sur la capacité à frapper immédiatement après leur identification.

 

Les défis de la défense antimissile et l’évolution du génie de l’air

Un autre aspect crucial de la guerre moderne est la défense antimissile, notamment la protection des bases aériennes. Dans des conflits de grande envergure, il devient indispensable de protéger les infrastructures stratégiques telles que les bases aériennes et les installations critiques. Le Général admet que la défense antimissile et anti-aérienne est un axe majeur de travail, en particulier pour protéger les capacités de projection aérienne et de réflexion sur le déni d’accèsSur le concept de déni d’accès A2-AD voir par exemple : L’A2/AD ou le défi stratégique de l’environnement contesté.

Enfin, la question du génie de l’air, bien que perçue comme un aspect secondaire, mérite une attention particulière. Le renforcement de ces capacités pourrait être nécessaire pour éviter des défaillances en cas de guerre totale, où la destruction d’infrastructures critiques serait une priorité pour l’ennemi.

 

Conclusion : une guerre hybride entre technologies et volonté humaine

Les guerres futures seront probablement marquées par une hybridation des technologies de pointe et des stratégies humaines. Si les nouvelles technologies jouent un rôle de plus en plus important, elles ne remplaceront jamais les soldats sur le terrain. Les défis géopolitiques et les nouvelles menaces imposent une réflexion continue sur l’adaptation de la doctrine militaire, tout en soulignant l’importance de l’adaptabilité face aux actions de l’adversaire. Dans ce contexte, les choix stratégiques doivent rester ancrés dans une vision claire et cohérente, guidée par la politique et non uniquement par la technologie.

 

 

Question sur le bouclier antimissile européen

Une étudiante de l’université Lyon 3 interroge sur la position de la France concernant le bouclier antimissile européen.

Olivier Zajec évoque les débats passés concernant la nécessité d’un bouclier antimissile, rappelant qu’auparavant, certains estimaient qu’une dissuasion nucléaire suffisait, sans avoir besoin de systèmes antimissilesPour aller plus loin voir Olivier Zajec, La scène antimissile eurasiatique. De l’Ukraine au Japon, une mise en perspective exploratoire des connexions géostratégiques entre les fronts européen, arctique et est-asiatique, notes de recherches IESD.

Aujourd’hui, la défense antimissile est intégrée dans une approche globale, combinant dissuasion nucléaire, défense conventionnelle et défense antimissile. La France et l’Europe travaillent à développer cette défense, mais des différences persistent, notamment entre la France et l’Allemagne.

L’enjeu politique est la maîtrise par les Européens de cette défense antimissile, tant sur le plan technologique que stratégique. Actuellement, les Européens dépendent encore largement des Américains, notamment pour la défense antimissile en Europe.

Héloïse Fayet poursuit :

Elle souligne que l’idée d’un bouclier antimissile européen reste une question de perception. Le terme « bouclier » est erroné car il est impossible de couvrir l’ensemble du spectre des menaces avec une telle défense.

Elle évoque le cas allemand, qui a privilégié des achats américains et israéliens pour combler des lacunes, ce qui crée des tensions avec les objectifs de souveraineté européenne.

Elle précise que le modèle israélien de défense antimissile ne peut pas être reproduit en Europe en raison des différences de taille et de coût. En revanche, en France, des sites stratégiques, comme les bases aériennes nucléaires, sont protégés par des systèmes antimissiles balistiques, dans une approche multicouche.

 

Conclusion

Christine Ockrent remercie les intervenants pour leur contribution et insiste sur le fait que la défense nationale ne concerne pas uniquement les armées, mais l’ensemble de la nation. Une nation qui montre sa volonté de se défendre dissuade son adversaire. Elle souligne également les fragilités qui peuvent être exploitées, notamment par la désinformation, et l’importance d’une défense nationale forte et cohérente.

Une table ronde d’une rare densité avec des intervenants clairs, soucieux de pédagogie, sans renoncer pour autant à pousser leurs réflexions. Christine Ockrent a été parfaite, tant par ses questions que sa capacité à relier ces problématiques à l’actualité et à faire vivre le débat. Un grand moment de ces RSMed 2024.

 

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Captation par les équipe de l’Institut FMES de la conférence