Dans le contexte de compétition qui s’est installé aux IXe-Xe siècles entre les califats omeyyade de Cordoue et fatimide de Kairouan, le contrôle des littoraux et des ports méditerranéens est devenu essentiel et a nourri des flux commerciaux que textes et archéologie mettent en évidence.

MODÉRATION par Emmanuelle TIXIER DU MESNIL, professeure en histoire médiévale, Université Paris 10 Nanterre (Annliese NEF, absente)

INTERVENANTS : Catherine RICHARTE-MANFREDI, archéologue médiéviste à l’Inrap-Méditerranée, doctorante, Université Lumière- Lyon 2 ; Zélie LEPINAY, doctorante, Islam médiéval, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; (Aurélien MONTEL, ATER en histoire médiévale, Université Lumière-Lyon 2, absent)

Les intervenantes sont spécialistes du monde de l’islam médiéval. C’est une table ronde avec un homme « virtuel » : Aurélien Montel n’a pas pu venir (notons qu’il n’a pas été libéré par son principal) Catherine RICHARTE-MANFREDI ; Zélie LEPINAY ; Emmanuelle TIXIER DU MESNIL.

Gouverner en Islam, une histoire politique et sociale

Une première présentation est effectuée par Emmanuelle Tixier Du Mesnil, de l’université de Nanterre, qui nous rappelle que « Gouverner » a été au programme du capes et de l’agrégation : gouverner en Islam : c’est une entité politique, un monde social. C’est différent de l’islam : la religion musulmane. Or, ici, il s’agit d’histoire politique. Il faut sortir des ornières de l’histoire sainte, du fait religieux pour s’intéresser à l’histoire politique et impériale et l’Islam.

Une construction impériale

Cette histoire reste liée à une construction impériale : au maximum de son expansion, l’Islam va de l’Indus aux Pyrénées : cela représente le double de l’empire romain à son apogée : de la muraille de Gog et Magog au grand océan environnant.

 

Une carte d’Al Idrissi est présentée et expliquée dans ses particularités : on note que les cartes sont toujours inversées (le Nord est en bas, le Sud est en haut) car il s’agit de se repérer grâce aux sources du Nil.

On assiste à un empire qui se constitue entre le VIIe et le VIIIe siècle. Un empire qui ne se constitue pas sur la base d’une volonté de conversion des populations. Il est important de dire que les musulmans n’y sont majoritaires qu’au XIème siècle. Mais, dans le même temps, il est faux de croire que la langue arabe et la religion musulmane sont le ciment de l’empire.

L’Empire est d’abord gouverné par des califes, les successeurs du prophète Mohammed.

Durant la période haute, aux IXe-Xe siècles, nous assistons à une rupture majeure. De la mort de Mohammed en 632 jusqu’au début du Xe siècle, il n’y a qu’un seul califat. Puis au Xème siècle, apparaissent 3 califats rivaux.

Les califats sont organisés en système dynastique : les Omeyyades, (dont la capitale est à Damas), auxquels succèdent les Abbassides. En 1258, c’est la fin du califat abbasside avec le sac de Bagdad par les Mongols (le corps du calife est mis dans un sac, et on joue au polo avec …)

 

La Méditerranée, lac musulman

Le Califat Omeyyade développe une zone d’influence impériale au Maghreb. Il y a un centrage sur la Méditerranée occidentale : Omeyyade et Fatimide (Egypte).

Il existe un grand renouveau historiographique. On a longtemps considéré qu’il y avait une décadence avec la division en trois de l’Empire, mais en fait c’est le contraire : on assiste à une démultiplication des structures impériales. La concurrence entre califats joue donc de façon positive.

La Méditerranée dans sa totalité est un lac musulman : c’est la « mer des califes » au Xe siècle.

 

Ainsi, l’historien Ibn el Khaldoun du XIVe siècle juge qu’à cette époque, aux IXe-Xe siècles, les Chrétiens ne sont même pas capables de faire flotter une planche de bois sans l’accord musulman en Méditerranée.

Une gouvernance maritime à la croisée des hommes, des savoirs et des échanges.

Catherine RICHARTE-MANFREDI est spécialiste de l’archéologie et du commerce (médiéviste à l’INRA) : elle nous dit que nous avons peu de sources écrites. Elle a co-dirigé un ouvrage en 2015 intitulé : Héritages arabo-islamiques dans l’Europe méditerranéenne.

Catherine Richarte-Manfredi nous fait part des éléments découverts, qui révèlent une gouvernance maritime à la croisée des hommes, des savoirs et des échanges, des éléments matériels avec la découverte de vestiges subaquatiques dont 4 navires retrouvés sur les littoraux provençaux.

Trois thèmes principaux se dégagent :

  1. Système géopolitique : des Hommes, des territoires et des frontières
  2. Transferts de savoir-faire, des biens et connaissances comme fondement du pouvoir
  3. Puissance & réalité économique (fin IXème – début Xème siècles)

Un rappel historiographie est fait :

Henri Pirenne : 1922 : Mahomet et Charlemagne. (thèmes abordées : une réflexion politico-économique prônant une expansion de l’Islam. Un basculement sur le Nord de l’Europe).

Fernand Braudel : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, 1949.

Selon eux, les souverains arabes se sont peu intéressés à la Méditerranée, ils ont mené plus d’actions vers l’océan indien.

Christophe Picard  dans La mer des califes, Une histoire de la Méditerranée musulmane (VIIe – XIIe siècles, 2015) apporte une vision plus nuancée. Il réévalue la puissance à travers des textes latins et arabes : les marins musulmans auraient abondamment et tôt investis la Méditerranée (par des activités guerrières et commerciales).

Il s’agit donc de faire parler les données matérielles, grâce à la  trandisciplinarité.

A. système géopolitique : des hommes, des territoires et des frontières

Arsenaux, navires et conquêtes : une Méditerranée investie par les pouvoirs musulmans. Le Xe siècle est largement reconnu comme un moment de suprématie maritime musulmane, défendue par les 3 califats : celui des Abbassides de Bagdad au pouvoir depuis 751, des Omeyyades de Cordoue (929-1031) et des Fatimides du Caire (909-1171).

La  Méditerranée n’est pas seulement une mer de combat, dans le mare nostrum les puissances musulmanes s’affrontent entre elles, de même que les Byzantins, appelés Rums par les musulmans : c’est l’ennemi le plus virulent.

 

Al-Andalus a des contacts vers la Sicile et l’Égypte. Catherine Richarte-Manfredi parle de suspicion d’échanges en ce qui concerne le textile. En effet, c’est un produit périssable donc il est difficile d’en retrouver par l’archéologie, et donc difficile de le prouver.

Pour les Fatimides, la Méditerranée orientale est un terrain de prédilection.

Le figuré de surface orange sur la carte représente le monde byzantin qui perd beaucoup de latitude dans cette Méditerranée qui devient la mer des califes et la mer des émirs. La côte provençale est également touchée par ces mouvements.

B. Transferts de savoir-faire, des biens et connaissances comme fondement du pouvoir

Des objets comme marqueurs des flux, des influences, des échanges culturels et d’un nouvel art de vivre (manières de cour).

 

  • Par le biais de la langue, mais avec un bémol. A Al Andalus, toutes les communautés ne parlaient pas l’arabe. Des chaudrons retrouvés en nombre avec des épigraphies le montrent.
  • Des transferts de savoirs ont lieu par la géographie : la réalisation de cartes est possible et elles permettent de connaître les populations qui entourent la Méditerranée, et d’entreprendre des relations diplomatiques.
  • Les mobiliers céramiques sont vecteurs de progrès technologiques. Les céramiques glaçurées d’Orient, de Chine se retrouvent en Méditerranée. Elles sont émaillées, porteuses de couleurs vert blanc et brun : c’est un décor idéologique soutenu, avec les couleurs symbolique de l’Islam.
  • Traduction des manuscrits apportent les preuves que le savoir circule abondamment dans la Méditerranée.

 

Sur la carte, on retrouve des épaves de navires de Marseille à Cannes. Ils viennent d’Almeria. Le commerce est assez nouveau, il commence un peu avant ou au début du IXe siècle. Il propose des articles totalement orientaux. Inspirés de Suez, d’Iran, qui sont nouveaux en Méditerranée.

4 autres navires sont découverts au large de la Sicile, ils sont en cours d’études. Des prospections restent à faire (Madhia était un centre économique important).

Le pouvoir des Omeyyades de Cordoue donne une grande importance à l’architecture des navires. Il y avait des escadres de 300 navires à Séville.

Une recherche et un véritable un travail de pointe a été mené par les architectes en ce qui concerne la construction des navires. Deux d’entre eux ont été bien étudiés : Agay A et Batéguier (voir illustration ci-dessus) : les navires étaient construits sur un mode innovant les rendant souples, résistants aux intempéries grâce à une construction sur squelettes.

Les navires et les marins musulmans sont très spécialisés et compétents.

Les jarres retrouvées mesurent 1m à 1m50 ! On retrouve des matériaux bruts transportés, du métal fini, du mobilier céramique …

 

Tableau : produits manufacturés et matières premières transportées.

 

Tableau : produits alimentaires et non alimentaires :

  • Des excréments, de cheval et de volaille (étonnant).
  • Du vin en grande quantité, essentiellement du vin rouge, dans des pichets de 10 à 15 litres.
  • Des vases à filtres, avec des restes de lait, miel et vin : ils étaient donc souvent réemployés.

La technique du chromatogramme révèle que ces bateaux transportaient 20000 litres de vin rouge. C’est très nouveau, mais pas étonnant : il y avait une vraie culture de la poésie bacchique. Les Musulmans consommaient assez régulièrement du vin. L’existence de fatwa montre que le vin était consommé abondamment, il fallait donc contrôler sa consommation.

Les marchandises sont aussi une manière d’imposer une culture, un art de vivre. Une manière de table, une manière de cour. Grande influence quant à la fabrication des céramiques : vert et brun ; … manière de se vêtir, de manger (épices, …)

Questions du public

Question : qu’en était-il de la consommation de vin, alors que c’était interdit ?

Réponse de Catherine Richarte-Manfredi : C’est une question qui continue à faire débat. La réponse est oui, même assez tôt. Comme le montre la littérature musulmane (poèmes bacchiques). Il ne s’agit pas que de l’importation pour d’autres, comme le montrent les dessins sur les coupes glaçurées.

Question : qu’en-est-il de la représentation d’une femme en décor ?

Réponse de Catherine Richarte-Manfredi : A cette période, on représente la femme. Fin IXe, début Xe, il n’y a pas encore d’interdit de représentation aussi stricte.

Réponse d’Emmanuelle TIXIER DU MESNIL : il y a des interdits dans les mosquées, mais au haut Moyen Âge, c’est différent : ainsi, dans les mosquées des danseuses nues sont représentées. On assiste à une évolution à partir du XIe siècle, sous l’influence du soufisme, et du poids des Oulémas). Le prophète Mohammed est lui aussi représenté sans problème jusqu’au XIIe siècle. Puis il gommé : on fait un halo, les représentations ont une absence de visage. Dans les milieux chiites, il est encore représenté sans problème (par exemple sur des timbres en Iran) : il ne faut pas oublier que l’Islam a une longue histoire, avec des différentes géographiques.

 

Le Maghreb central dans l’Empire islamique

 Zélie Lepinay : doctorante à Paris I, professeure certifiée, travaille sur le Maghreb central : une zone moins connue. Question de l’intégration à l’empire islamique.

Zélie Lepinay situe le Maghreb central fin IXème : entre l’aire des Idrissides à l’Ouest, et à l’Est, la Tunisie et la Libye actuelle

Il s’agit en fait une partie de l’Algérie actuelle.

Des questions actuelles s’intéressent à l’intégration de nouveaux espaces à l’empire islamique. Conquêtes et intégration sont accompagnées d’une révolution symbolique : ils renomment les espaces et les peuples. Les Berbères sont ainsi inventés au moment des conquêtes. Le littoral au Maghreb central apparait peu dans les descriptions.

Problématique : qui contrôle et met en valeur le littoral du Maghreb central ?

  • VIIe-VIIIe siècles : les routes de la conquête,
  • L’organisation du commerce sous les imams rustumides (IXe siècles),
  • Xe siècle : mise en place d’un nouveau gouvernement, les Fatimides.

I. VIIe-VIIIe siècles : les routes de la conquête

Il n’y a pas de pouvoir central aux VIIe et VIIIe siècles. Ne nous sont parvenus que des textes du IXe siècle. Nous n’avons donc que la vision du IXe siècle.

 

Le littoral de l’Ifriqiya est très urbanisé. Il y a des ports et des forts pour la défense contre Byzance vers l’ouest. Là où il n’y a plus rien sur la carte, c’est le Maghreb central. A Gibraltar, on trouve 2 ports. Cependant, même si on ne trouve pas de trace de tradition maritime au Maghreb central, cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu.

Le « pays des Berbères » : ils habitent des montagnes et des plaines désertiques. La Méditerranée est perçue comme un espace d’impérialité par Byzance et les Omeyyades. La Méditerranée ne correspond pas au standard du Berbère incivilisé et rebelle dans les textes.

II. L’organisation du commerce sous les imams rustumides (IXe siècles)

Au IXe siècle, les préoccupations des auteurs changent. Les Rustumides, de 778-909, sont une dynastie indépendante de Bagdad. Ce sont des imams ibadites. Deux auteurs du Maghreb central nous renseignent sur la question de l’organisation du commerce :

Ibn al-Saghir, qui a côtoyé les Rustumides. Il a rédigé des sortes d’Annales à la fin du IXe siècle. Il ne mentionne jamais une ville littorale, un port, alors qu’on sait qu’il y a des ports. Mais il nous renseigne sur le commerce entre le Soudan et Tahert. Il décrit une route caravanière d’Est en Ouest, dans le désert.

Al-Ya qubï est un géographe irakien né à Bagdad, mort en Égypte au début du Xe siècle. Il a notamment voyagé au Maghreb et en al-Andalus. Il a vécu a Tahert et écrit vers 891. Il décrit des itinéraires. Il parle du port de Marsa Farub : c’est un port de mouillage ; ainsi que le port de Teres : qui permet de traverser vers Al-Andalus.

Sont évoquées 2 ou 3 routes majeures :

Pourquoi la question du gouvernement de ce littoral n’apparait pas dans les textes ? L’hypothèse est que sans pouvoir central structuré, sans production écrite promue par le pouvoir, il n’y a pas d’écrit.

III. Xe siècle : mise en place d’un nouveau gouvernement, les Fatimides

Au Xe siècle, le contexte politique change.

On assiste en effet à la mise en place du gouvernement fatimide qui promeut des écrits. On trouve des descriptions plus détaillées sur le Maghreb, dans le cadre de la compétition avec le califat de Cordoue. La compétition se fait aussi sur la Mer.

Deux auteurs géographes du Xe siècle réalisent des ouvrages avec des cartes :

Al-Istakhri, probablement d’origine persane, a vécu en Irak. Il écrit au milieu du Xe siècle le Livre des routes et des royaumes. On y trouve une carte de la Méditerranée (voir ci-dessous).

L’ouest se trouve en haut de la carte. Il ne fait figurer que les ports : on voit deux2mentions de ports pour le Maghreb central (mais il a peut-être des informations datées, car il n’a pas voyagé lui-même).

Le deuxième auteur est aussi géographe : Ibn Hawqal, éduqué en Irak, mort à la fin du Xe siècle. Il a voyagé autour de la Méditerranée, notamment au Maghreb.  Il a écrit Configuration de la terre.

 

Sur cette carte en noir et blanc, Al-Andalus est au Nord.

Plusieurs ports, 7, sont représentés pour le Maghreb central. Il parle de Berbères qui habitent ces zones littorales, et gouvernaient des villes.

Il est difficile d’imaginer qu’un demi-siècle avant, les côtes étaient vides de population, sans port, pas gouvernés par les Berbères.

En plus, il décrit des ports en ruine récente : il y avait donc une population avant cette date sur le littoral.

Conclusion :

les Berbères habitent sur le littoral, contrôlent une partie du commerce : leur non-apparition dans les sources est une des conséquences des stéréotypes des auteurs musulmans et du désintérêt partiel des auteurs sur cette zone (absence de pouvoir central et multitude de états indépendants dissidents). En plus, il y avait un pouvoir polycentrique. Les rivalités politiques n’empêchent pas, ne perturbent pas le commerce.

Question du public : que sait-on de la réutilisation des sites, ports romains ?

Réponse : Oui, il y a des traces dans les sources.

Le commerce maritime entre al-Andalus et le Maghreb à l’âge des califats (Xe siècle)

Aurélien Montel : sa communication est lue puisqu’il n’a pas pu venir. (Avis personnel il est assez compliqué de suivre la lecture d’un texte lu par un autre que son auteur.) C’est un jeune docteur (depuis 2019) dont la thèse porte sur les rapports entre Al-Andalus et le Maghreb au IXe et Xe siècle. Il est agrégé d’histoire, actuellement professeur dans le secondaire.

Thème : le commerce maritime entre al-Andalus et le Maghreb à l’âge des califats (Xe siècle)

L’éclatement du monde islamique à partir du IXe siècle est particulièrement visible en Occident musulman. C’est une fragmentation politique durable. Deux califats qui contestent l’autorité moral des abbassides : Cordoue (Maroc, Ouest algérien, Cordoue) et le califat des fatimides de l’Ifriqiya.

Le commerce est très important, il existe beaucoup de connexions entre les 2 rives, peu importe le commerce. Par le détroit de Gibraltar. Séville est un espace très important. Retour d’un poids important des provinces du sud de la péninsule ibérique.

Il y a une route extrême-occidentale, qui connecte le Sud de l’Andalousie et le Rif orientale. Elle est contrôlée par le califat omeyyade. Il y a une route orientale qui reprend des itinéraires de l’Antiquité. La connexion est directe ou par cabotage.
Le commerce est globalement asymétrique. Il y a un savoir-faire en péninsule ibérique, qui écoule une grande quantité de produits de qualité (orfèvrerie, armes) et de l’autre côté, des produits agricoles. On constate des excédents céréaliers.

A Grenade, on trouve des céréales importées du Maghreb. Les besoins étaient déjà vifs depuis les Omeyyades. On constate le développement d’une intense activité commerciale au Maghreb caractérisé par un côté unidirectionnel (déjà sous l’empire romain).

Aurélien Montel  constate un manque de sources (sur le contrôle des échanges).

Jamais la rivalité idéologique entre les califats (omeyyade sunnite, fatimide chiite) n’a interrompu le commerce. La concurrence est religieuse et politique entre Al-Andalus et le Maghreb.

Des sources montrent que les rapports entre les deux rives fonctionnaient. (Cf la biographie ci-dessous) :

Les rapports posent problème, mais le commerce est pratiqué.

L’anecdote montre l’incapacité des États à l’empêcher, ou l’absence de volonté de l’empêcher.  Le contrôle des flux est très limité. Il y a une taxation qui permet au trésor fatimide de s’enrichir.

Le commerce condamné en théorie, mais largement pratiqué et qui profite à l’État.

Le discours et la pratique sont différents.

Questions du public :

Quelle était l’ethnie majoritaire ?

Réponse d’Emmanuelle TIXIER DU MESNIL : il faut renoncer à toute forme d’histoire ethnique : elle n’a pas de sens. Une nation au Moyen Âge n’a rien à voir avec aujourd’hui, qui est quasi-génétique. Il y a des groupes, surtout par rapport au pouvoir. En ce qui concerne la population, la masse démographique a peu changé. 20 000 arabes arrivent, mais c’est la même population qui se convertit. Cela représente un apport faible.

Il est important de voir comment les populations se définissent. C’est un piège de faire de l’histoire ethnique et de l’identité.

Il y a des auteurs berbères : pour eux, le berbère n’est pas l’incivilisé des arabes : il est au contraire valorisé.

Question : remise en cause des travaux de Braudel sur l’importance de l’océan indien ?

Réponse d’Emmanuelle TIXIER DU MESNIL : fait référence à Anne Lise Nef : la vision de la Méditerranée de Braudel est à remettre en cause, car c’est une vision de moderniste. Elle est essentialisée : un groupe islam, un groupe chrétienté. En fait, au Moyen Âge c’est bien plus compliqué (comme le montre l’exemple de Byzance).

En fait, il y a deux mers intérieures : l’Océan Indien et la Méditerranée. L’Océan Indien appartient à la vision des savants de l’Orient islamique, d’origine persane.