La présence de modèles noirs dans la France du XIXe siècle invite le visiteur à faire un sort aux représentations fausses et néanmoins bien établies selon lesquelles la présence noire en France daterait du siècle suivant. Dès la première salle, le visiteur découvre, comme un rappel, l’affichage des originaux des décrets de la Première et Seconde Républiques abolissant l’esclavage (décret du 16 pluviôse an II et décret du 27 avril 1848). Outre Dumas, dont on peut découvrir plusieurs portraits et caricatures, les collections exposent un ensemble très riche d’hommes et de femmes noirs ayant posé comme modèles pour des peintres dont on connaît davantage les modèles blancs.
Le désormais incontournable « décentrement » ou « pas de côté » de notre temps, explique qu’on ait changé les noms originaux des œuvres, pour rendre leur légitime humanité à des modèles anonymes et racialisés. La Négresse aux pivoines de Frédéric Bazilles (1870) devient ainsi une « Jeune femme aux pivoines ». L’Olympia de Manet est du voyage. Elle est renommée « Laure », du nom du modèle incarnant la servante de la courtisane. La démarche n’est pas sans en rappeler d’autres dans un registre différent, par exemple l’exposition « Without Sanctuary » qui avait restitué leurs noms à des hommes noirs anonymes lynchés aux États-Unis.
Sans doute les commentaires aurait-ils gagné à davantage de pédagogie. Qu’on songe à ce brave visiteur plein de bonne volonté mais confondant lamentablement Bellay avec Toussaint Louverture, malgré des textes clairs. Quelques pas plus loin, ce Saint-Philippe baptisant l’eunuque de la « reine d’Éthiopie » (Abel de Pujol, 1848) nous rappelle que les traductions des Évangiles ignorent assez grossièrement que l’Éthiopie de la cosmogonie grecque renvoie à Méroé et trouve son équivalent dans le sens donné à « Soudan (pays des noirs)» par la cosmogonie arabe. On remarquera entre autres cette huile sur toile d’Edgard Maxence, premier prix du concours d’expression des Beaux-Arts 1894, où pose une femme non racialisée, incarnant l’Attente et non une sensualité exotique aux exotistes. On hésitera à ce propos quant à l’interprétation à donner à cette Étude d’une mulâtresse, peut-être peinte par Jules-Robert Auguste vers 1820-1825 et rebaptisée « Nu assis dans l’atelier. Étude d’après un modèle féminin ». Le bonnet phrygien qui la coiffe fait d’elle une Marianne noire, mais en un temps où Marianne n’a pas bonne réputation. Outre le riche catalogue, les visiteurs retrouveront en marge de l’exposition une offre importante d’ouvrages de tous niveaux, dont certains devenus classiques et dont une majorité présente de l’intérêt.
NB – Les voyageurs munis d’un Pass-Education ne passent pas par la billeterie.