Depuis le mercredi 16 novembre, les archives nationales nous proposent dans le cadre de l’hôtel de Soubise située 60, rue des Francs Bourgeois, une exposition à la fois passionnante et très actuelle intitulée : Face aux épidémies de la Peste noire à nos jours, qui a le mérite de rendre le savoir et la culture accessibles à tous, ce qui, en ces temps de crise et de remises en question de la médecine scientifique n’est pas anodin.
La visite commence par le grand escalier menant à l’étage où se situe l’exposition. Sur les marches, s’étale une caricature du choléra qui nous salue ironiquement, signe de la dédramatisation par l’humour que les contemporains (ici Aristide Bruand en 1884) ont su opérer face à une maladie fatale.
L’exposition débute avec tout d’abord un glossaire qui rappelle aux visiteurs le sens des mots et des termes utilisés (endémies, épidémies, épizooties…) puis récapitule les principales maladies concernées : du choléra à la variole en passant bien entendu par la peste, le sida ou encore la grippe.
Une chronologie courant tout le long du mur nous amène vers les salles d’exposition en récapitulant les épidémies passées. Tout en la consultant, le visiteur aura à cœur de prendre le livret de visite disponible dont les textes constituent des compléments intéressants aux documents exposés.
Le texte introductif rappelle bien que les épidémies sont : « de vieilles compagnes de l’humanité, qui sont révélatrices de la fragilité de la vie humaine et de la vulnérabilité des sociétés ». Bien entendu, le cadre ne peut pas tout aborder et donc se concentre sur les épisodes les plus marquants, leur traduction leur interprétation et leurs applications sociales, économiques culturelles et morales.
La première partie est centrée sur la période allant du XIVème siècle au début du XVIIIe siècle et est intitulé : « le fléau : endurer l’épidémie ». Se concentrant en particulier sur l’épidémie de peste qui réapparaît en Europe au milieu du XIVe siècle, elle cherche également à montrer pourquoi et comment les populations donnent du sens à l’épidémie et donc à leur malheur. Si durant l’Antiquité les causes de l’épidémie relèvent du destin et de l’ordre du cosmos, la chrétienté médiévale quant à elle lit étroitement l’épidémie à la volonté et à la colère de Dieu. Pour les médecins, selon la tradition héritée d’Hippocrate, les causes relèvent avant tout de la corruption de l’air et de l’eau ainsi que du déséquilibre des humeurs qui perturbent les individus. Dès lors, fuir, accuser, apaiser la colère divine notamment en se choisissant un bouc émissaire (les juifs en tête) permet de donner du sens au drame. Les pièces choisies dans les archives sont complémentaires les unes des autres, tandis qu’une analyse démontrent les effets démographiques des épidémies sur la population d’Aubagne touchée d’août 1720 à juillet 1721. Parmi les objets exposés se trouvent notamment le plus ancien registre paroissial de France datant de 1334 qui dénombre les décès de la peste noire à Givry (actuel département de Saône-et-Loire), un office annuel chanté à Besançon à l’effet de délivrer la vie du fléau de la peste daté du milieu du XVIe siècle ou encore un coffret exposant les objets de la peste, ou encore la note d’Arthus Le Vasseur, notaire justifiant l’absence de minutes pour l’année 1606. Bien entendu le médecin de la peste n’est pas oublié dans les représentations exposées.
Le point est également fait régulièrement au travers de bulles intitulées « le saviez-vous ? » qui interrogent le sens des mots et des expressions utilisées. C’est ainsi que nous apprenons d’où vient le fameux juron du capitaine Haddock « Moule à gaufres » !
La seconde partie, Intitulé Contrer l’épidémie (1750 – 1914) expose la manière dont la société fait face alors que les épidémies n’épargnent personne, pas même le Roi Louis XV mort de la petite vérole en 1774 comme le rappellent la présence de plusieurs bulletins de santé royaux et le registre des papiers du Grand Chambellan relatant la maladie, la mort et les obsèques du Roi. A l’instar des danses macabres présentée, cette exposition nous rappelle que nul n’est épargné, du paysan au roi, en passant par le prêtre ou le marchand.
Pourtant au XVIIIème siècle une approche scientifique émerge destinée à contenir et à empêcher la maladie qui provoque toujours drames et inquiétudes. Cela passe par l’adoption de la vaccine mise au point par Jenner mais aussi par la mise en place d’un comité central de vaccine dès 1801 et un suivi statistique des épidémies rappelés par une affiche du département de la Loire inférieure faisant état des individus morts de la petite vérole durant l’année 1801. Une partie fait une part belle aux travaux scientifiques du XIXème siècle (Pasteur, Calmette, Guérin Yersin …). Désormais l’objectif est de « faire la guerre aux maladies évitables ».
Une attention toute particulière envers les enfants émerge et se développe comme le montre la troisième partie de l’exposition intitulée Nouvelles pandémies, nouvelles luttes (1914-2020). Même si l’exposition est essentiellement concentrée sur le territoire métropolitain, le contexte international et la question de la gestion des épidémies dans les anciennes colonies ne sont pas oubliés. Grippe espagnole et asiatique, fièvre jaune, SIDA sont abordés au travers de nombreuses pièces d’archives provenant de l’État, des collectivités et des divers organismes de santé publique et privé comme Act up.
La visite s’achève par un état des lieux des épidémies actuellement recensées dans le monde, une carte présentant les maladies infectieuses émergentes et … ré-émergeantes comme la fièvre typhoïde, la peste ou la rougeole. L’avenir n’est guère rassurant !
Le Covid n’est, bien entendu, pas oublié et sert de conclusion à l’exposition. Le visiteur devient acteur et est invité, s’il le souhaite, à venir témoigner dans une cabine prévue à cet effet de leur expérience du premier confinement de mars à mai 2020. Comme l’explicite l’exposition, « ces témoignages seront conservés à titre historique au sein des fonds des Archives nationales pour permettre aux générations futures de faire le récit de cet événement planétaire ».
Photos : Cécile Dunouhaud
Informations pratiques
Pour le grand public :
Archives nationales
60 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris
Métro Hôtel de Ville (lignes 1 & 11) Rambuteau (ligne 11), Arts et Métiers (ligne 3)
Bus : lignes 29 et 75, arrêt « Archives-Haudriettes » ou « Archives-Rambuteau »
Exposition Face aux épidémies. De la Peste noire à nos jours
Entrée libre et gratuite
Du 12 octobre 2022 au 6 février 2023
Du lundi au vendredi de 10h00 à 17h30
Samedi et dimanche de 14h00 à 17h30
Fermeture le mardi
Pour le public scolaire :
Les Archives nationales proposent au sein de l’exposition un parcours dédié au jeune public. Les professeurs peuvent organiser des visites autonomes, sur réservation, auprès du service éducatif et obtenir également des renseignements et le livret pédagogique d’aide à la visite.
Contact : tél : 01 75 47 20 06, ou par mail : service-educatif.an@culture.gouv.fr
Plus de détails sur le site officiel ICI