Conférence donnée par [Roland Pourtier->http://www.prodig.cnrs.fr/spip.php?article194, professeur émérite à l’Université de Paris I-Panthéon Sorbonne au lycée Jules Ferry de Saint-Dié. Conférence développant, entre autres, des points importants de l’article « Ressources naturelles et conflits en Afrique subsaharienne » écrit par l’auteur en mars 2012 dans le Bulletin de l’Association de Géographes Français (CNRS).
Salle pleine, des chaises cette fois (oui!) pour suivre cette conférence. Roland Pourtier salue le public, mais regrette de ne voir personne (il fera cette conférence en « aveugle » puisque les fenêtres de cette salle lui font face et que la lumière qui vient de derrière le public ne lui permettra pas de mesurer si chacun sera satisfait ou non de ses propos…)
Roland Pourtier commence par des rappels utiles pour contextualiser son propos : les exploitations minières ne sont pas nouvelles, elles créent des paysages « agressions » comme des plaies, des balafres, des « blessures » dans ces paysages d’Afrique subsaharienne et orientale. Ce furent, ce sont des mines à ciel ouvert très souvent. Comme les « terrils » de nos départements du Nord de la France, les « puits », les « fosses » qui furent des saillies et sont aujourd’hui, parfois, un patrimoine.
Ce sont des lieux ponctuels, éphémères aussi pour un certain nombre d’ entre eux. L’auteur fait allusion à l’exploitation de la malachite qui servait jadis à fabriquer de la monnaie dans ces sociétés africaines avant colonisation européenne. Elle était déjà pourvoyeuse de minerai. Cela n’a guère changé, cela s’est même développé avec la mondialisation actuelle.
Roland Pourtier fait ensuite la distinction fondamentale entre exploitations industrielles et exploitations artisanales/informelles. Il rappelle le rôle clé joué par l’Afrique du Sud dans l’exploitation minière (1866 :1ère découverte d’un diamant de 21,25 carats !). 20 ans plus tard, Johannesburg compte alors 200.000 habitants ! C. Rhodes fut le fondateur de De Beers avec d’autres partenaires en 1880, et fut aussi le promoteur de l’impérialisme britannique allant du Cap aux Grands Lacs. Beaucoup de tracés entre états actuels dérivent de l’exploitation minière d’Afrique Australe. Ce « rush » sur l’exploitation minière a eu des retombées mêmes sur l’organisation sociale et spatiale en Afrique du Sud: les « townships » furent au départ des espaces dédiés aux mineurs africains avant de devenir les ghettos célèbres de la seconde moitié du XXème siècle.
Reste que souvent, ces exploitations ont été des catastrophes écologiques et paysagères. Selon le géologue J. Cornet, ce fut un « scandale écologique ». Mais pas que cela. Si le Katanga au Congo « regorge de richesses, il dégorge de pauvres » ajoute l’auteur. Voir le dernier film « Katanga business » du réalisateur belge Michel Thierry, édifiant à plus d’un titre.
L’auteur revient ensuite sur l’historique de la Gécamines. Aujourd’hui cette société exploite dans la province du Katanga en République Démocratique du Congo des gisements de cuivre, de cobalt et de zinc situés dans une concession d’une superficie de 20.000 Km² le long d’un axe industriel de 300 km sur 60 entre Lubumbashi-Likasi-Kolwezi. Créée en 1906, elle prit ce nom remplaçant celui de l’UMHK (l’Union Minière du Haut Katanga). Au milieu des années 80, dans un contexte de crise, ce fut le chaos dans ce qu’était le Zaïre. Puis l’état congolais tenta de reconstruire l’empire de la Gécamines.
Suivent une photo d’un mineur avec sa « croisette » (emblème de cette région où le cuivre était fondu et prenait cette forme), des paysages de terrils, des carrières à ciel ouvert à Likasi, Kolwezi. Notre conférencier nous donne l’exemple d’une autre grande société minière du lac Kivu, la MIBA*, 3ème société minière du Congo :*Société Minière de Bakwanga en abrégé « MIBA »constituée le 13 décembre 1961 en tant que Société Congolaise par Actions à Responsabilité Limitée (SCARL). Son capital est détenu aujourd’hui à concurrence de 80% par l’État Congolais et de 20% par SIBEKA, Société anonyme de droit belge.
Roland Pourtier aborde ensuite les exploitations minières artisanales : Les Lubas qui sont la 1ère ethnie du pays (70 millions d’habitants) ont du quitter le Katanga au moment des troubles sous l’ère Mobutu pour aller à Mbuji Mayi (ville d’1,9 million d’habitants aujourd’hui). Cette ville compta beaucoup d’européens (100.000) qui partirent avec l’arrivée des réfugiés rwandais au milieu des années 90 et des troupes de P. Kagame à la poursuite des Hutus responsables du génocide qui se mêlaient aux réfugiés dans l’est du Congo. Les mercenaires de Kabila et des milices rackettent, pillent. Toujours. Les populations qui restent creusent avec des pelles, leurs mains dans ces puits, ces mines improvisées de columbo-tantalite (recherché pour la fabrication des composants électroniques) ; ces paysages de collines défoncées par des mines sauvages concerneraient 2 millions de « creuseurs » dans toute la région est de la RDC. Cette activité sous l’étroite surveillance des milices assure la survie des populations locales (1$/jour). Au Katanga, c’est la même dangerosité, avec en plus des mines d’uranium.
Le boom actuel et l’élévation des cours du coltan développent ces exploitations improvisées près du lac Kivu. Ce sont des jeunes qui creusent avec un burin, une pelle; c’est un travail de forçat, des accidents, des morts sont déplorés fréquemment, car aucune sécurité n’est prise quasiment. Ces exploitations concernent aussi des parcs naturels où la faune décline à cause de ces implantations et de la chasse. Le portage se fait sur des pistes à dos d’homme avec des sacs de 40Kg jusqu’à des pistes ou des avions viennent récupérer sur un terrain vague ce minerai.
Au Rwanda on décape aussi le sol. Mais les collines ne sont pas abandonnées comme au Congo. On réhabilite les sols, les collines (reboisement). Mais les enfants, les mineurs sont aussi exploités.
Roland Poutier termine sa conférence par un dessin terrible résumant la situation dans cette région de l’Est de la RDC : un paysage ravagé, en guerre civile et des ressources que s’approprie le Rwanda sous couvert d’assurer sa sécurité dans cette partie Est du Congo où se sont réfugiés, les Hutus responsables du génocide de 1994 au Rwanda. La MONUC, l’ONU, l’OUA restent souvent impuissants face à cette guerre civile larvée…depuis 1994.
Au total un exposé clair, argumenté, qui interpelle la salle, les auditeurs peu familiers de ces types de paysage quand il ne les met pas mal à l’aise. Un moment riche d’informations et de questions sur des lieux, un conflit volontairement oubliés ?