C’est à un voyage sur les terres du pétrole que Paul-David RegnierAncien lieutenant-colonel ayant été d’abord maître de conférences à Sciences Po et ayant travaillé sur les questions militaires., directeur des relations internationales chez Total, a emmené la salle comble du KAFE MPES, curieuse de voir comment la notion de paysage pouvait s’appliquer à cette entrée.
Il est vrai que le pétrole est habituellement considéré sous l’angle d’une ressource, d’une technologie, d’une économie ou d’une menace environnementale mais pas d’un paysage.
S’il existe bien des paysages du pétrole, où se localisent-ils ? Naturellement où la ressource est présente mais son extraction nécessite tout de même certaines précautions : pas en zone trop froide déjà mais surtout loin des zones urbaines (pour éviter les explosions accidentelles déjà mais aussi les attaques volontaires en temps de guerre – ce qui explique que les stocks de kérosène sont gardés dans des sortes de matelas géants plutôt que des cuves les identifiant comme tels).
Seules les stations-services peuvent symboliser la présence du pétrole en zone habitée encore qu’au delà des questions de sécurité et de pollution par les fuites, c’est surtout la question d’un foncier trop cher en centre-ville qui les fait s’éloigner vers la périphérie. Dans les pays les moins développés, la station-service fait véritablement paysage dans la mesure où elle s’apparente à un réel lieu de vie aux activités économiques annexes.
De la zone d’extraction à celle de la distribution, le pipeline dessine lui-aussi un paysage particulier de par sa longueur et la tentation est grande, pour qui ne tolérerait pas qu’il passe dans son terrain sans en toucher pour ainsi dire le loyer, de le percer et d’en prélever une partie.
Cette pratique dite du « bunkering » n’est pas, là aussi, sans générer une grande pollution, le trou percé étant difficile à reboucher.
Abordant la question des temporalités, Paul-David Regnier pose la question de la pérennité de ces paysages.
Les paysages du forage sont, par définition, brefs (3 semaines) d’autant que la plupart du temps (8 fois sur 10), les puits sont secs.
Provoquant un peu le public, l’intervenant n’hésite pas à énoncer que les marées noires peuvent s’apparenter à des paysages, éphémères certes, mais hélas durables de par leur contamination des sols, de la chaîne alimentaire…De même pour les paysages des gaz de schistes, déplacés à loisir…
Sur une échelle temporelle plus longue, ce pétrole qui représentait l’avenir il y a quelques temps s’avère aujourd’hui très critiqué à tel point que la population souhaite voir les stations-services davantage camouflées (le logo rouge, jugé trop agressif, pourrait, comme chez McDo, céder sa place à des couleurs plus vertes…).
Des sujets brulants très bien argumentés malgré une absence totale d’images à projeter (incompatibilité PC/Mac ce jour J…) et des questions nombreuses d’un public critique à l’égard du groupe Total que notre intervenant ne défendait pas outre mesure :
citons celle d’une personne précisant que la pollution est également le fait du mauvais entretien des compagnies pétrolières (une pollution parfois historique, longue à résorber),
une autre évoquant les normes, qui les fixe et sont-elles appliquées : peu de normes existent à l’international, davantage à l’échelle nationale mais surtout à échelle du groupe Total qui les fait valider par un audit externe afin de rester crédible,
une dernière enfin via l’entrée géopolitique sur la présence de la compagnie dans des zones dictatoriales comme la Birmanie par exemple : il est vrai que la présence peut se voir comme une sorte de pacte avec l’ennemi, mais d’un autre côté, comme une possibilité de sécurisation de la zone d’exploitation de la ressource.