Deuxième temps des parcours pédagogiques du Plan National de Formation, cette matinée était pleinement consacrée à l’enseignement de la discipline dans la sphère élémentaire et, pour ainsi dire, le seul moment du festival ayant abordé ce niveau.
L’animateur de séance, Philippe Claus, IGEN doyen du groupe enseignement primaire, évoquait pourtant en introduction que les premières éditions du FIG faisait la part belle à l’école élémentaire. Il y a bien un intérêt à enseigner la discipline dès le jeune âge et surtout à l’enseigner correctement, ne serait-ce que pour la dimension citoyenne qu’elle peut apporter.
En guise d’état des lieux, Philippe Claus précise, à l’appui d’évaluations menées dans le cadre du projet CEDREQue nous avons eu l’occasion de chroniquer dans la Cliothèque: http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3563 – les évaluations nationales n’existant pas en géographie – que les élèves savent des choses mais souvent de manière émiettée (ils peuvent être très spécialistes d’un domaine et très ignorants sur d’autres sujets). L’une des raisons tient sans nul doute au peu de temps que les enseignants accordent à la géographie, une quantité moindre par rapport à l’histoire et aux autres disciplines.
La première présentation est revenue à Bertrand Pleven, formateur à l’IUFM de Paris et doctorant à Paris I, qui a bien montré que les trois grands paradigmes de la géographie, ceux relatifs au rapport nature-société, à l’organisation des espaces et à la territorialité pouvaient prendre corps dans les programmes de cycle 3, la première véritable occasion de découvrir la discipline.
La prégnance du rapport nature-société est relativement perceptible dans le programme de cycle 3 au travers des thèmes relatifs aux paysages mais également aux grands repères.
L’organisation de l’espace peut, quant à elle, prendre dans les chapitres consacrés à la métropolisation, aux déplacements et sur la production en France.
Enfin, le volet sur les territoires concernerait les entrées relatives aux réalités locales, aux frontières, à l’aménagement et aux découpages.
A l’aide de documents accrocheurs (une publicité BMW prônant l’abolition des distances, la carte de la géopolitique de la salle de classe d’Emmanuel Lezy, la carte mentale d’un skateboarder américain) et avec le recul épistémologique qui s’imposait, Bertrand Pleven ouvre parfaitement les débats en faisant passer ce message désormais établi que la géographie est une science résolument sociale.
Intervenue la veille dans le cadre du parcours pédagogique sur les territoires du quotidien, Sylvie Considère, maître de conférences à l’IUFM Nord Pas de Calais, propose ensuite de passer en revue 10 bonnes raisons d’enseigner la géographie à l’école élémentaire :
– pour en redorer le blason : selon ses relevés personnels et des travaux de Clerc et Audigier, la géographie est vécue comme une discipline sans utilité où les apprentissages se font pour eux-mêmes alors que, dans l’idéal, les enquêtés auraient souhaité qu’elle leur serve à découvrir le monde. Avec 2 % de prétendants au concours qui sont géographes, on ne peut que comprendre cette conception…
– cela a été dit également la veille, pour passer d’une connaissance affective du monde à une vision plus objective, ce qui reste difficile chez les plus jeunes,
– car la géographie est une condition de l’exercice de la citoyenneté, elle permettra de faire des choix, de favoriser l’action,
– car elle permet aux individus de penser et construire le monde dans lequel ils vivent et ce, à l’aide d’un mélange de connaissances factuelles et techniques,
– car elle permet à l’individu de se construire des repères : structurer son espace, regarder, observer…notamment l’autre,
– car elle permet de dépasser l’égocentrisme et le syncrétisme de l’enfant et donc assembler les différents morceaux qui constituent son environnement,
– car elle permet d’observer le réel et ne pas considérer comme vrai le résultat de ses perceptions. Il faut apprendre à nos élèves à sélectionner ce qui est utile en fonction d’une intention,
– pour dépasser les mots du quotidien et acquérir un vocabulaire géographique,
– car, en géographie, on apprend à représenter l’espace,
– enfin car la discipline permet d’apprendre à maîtriser la carte, d’en comprendre les grandes unités et organisations spatiales.
Dix bonnes raisons donc et une conclusion qui insiste sur la nécessité de parler du monde dans lequel vivent les élèves, de prendre appui sur leur vécu et de faire place à leur rôle d’acteur.
IA-IPR à Versailles, Sophie Fournier propose ensuite une séquence basée sur les paysages touristiques mais surtout sur l’idée qu’à chaque nouvelle séance, l’occasion de découvrir un nouveau type de document pourrait être saisie.
En partant d’une classique photographie au sol de la Grande Motte et de sa description, on peut ensuite chercher des informations sur sa localisation et là, la vue aérienne ainsi que des cartes à différentes échelles sont nécessaires (notamment pour repérer les infrastructures associées à ce lieu touristique).
Des graphiques permettent de comprendre la croissance rapide de la commune mais également des photographies anciennes qui, elles, viennent compléter cette approche comparative dans le temps.
Le sens critique doit également être convoqué et là, l’affiche publicitaire prend tout son sens : la vision d’une plage quasiment déserte peut-elle être conforme à la réalité estivale ?
Enfin, l’intervenante conseille de se constituer un répertoire de paysages (par exemple Cannes, Cassis, Hyères…dans un premier temps) pour pouvoir comparer, voire évaluer, mais surtout repérer les invariants d’un paysage.
Une entrée intéressante faisant la part belle aux documents pour montrer qu’ils sont nécessaires afin d’obtenir des éléments complémentaires d’analyse des territoires étudiés.
Reprenant la parole, Sylvie Considère expose ensuite les ressources pouvant être mobilisées en géographie.
Pour les paysages, les photographies de terrain et les photographies aériennes devraient être présentes dans les classes mais également des cartes thématiques et topographiques. Le grand problème tient à leur acquisition. Ces documents sont chers et la question est lancée avec le public. Philippe Claus propose de se restreindre sur la photocopie (même si les parents ont tendance à considérer qu’un cahier dense est signe de travail sérieux de l’enseignant alors que le travail en classe sur documents collectifs est tout aussi important). Il faut ajouter aussi qu’à défaut d’avoir ces cartes et photographies, une simple possibilité d’imprimer des documents EN COULEUR dans les écoles devraient pouvoir se faire !Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais rencontré d’imprimante couleur dans mes écoles et dois hélas proposer ces documents aux enfants sur mes deniers propres ou via des parents qui ont accès à ce genre de matériel dans leur cadre professionnel !
Mais au delà de l’achat, la photographie doit se choisir avec soin, elle doit avoir été prise à bonne distance, montrer des éléments analysables avec suffisamment de soin sans non plus n’être qu’un gros plan.
Concernant les ouvrages, Sylvie Considère indique qu’il peut être intéressant de regarder dans les manuels du secondaire qui souvent, contiennent des documents (photographies notamment) relatifs aux notions de cycle 3. Sur les livres clairement étiquetés cycle 3, on ne pourra qu’être ravi de voir présentée en bonne place la collection « Géographie à vivre »Que la Cliothèque avait également lu: http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3537, http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3556, http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3534 mais également « Odysseo » de chez Magnard, « Clés pour enseigner la géographie » du réseau SCEREN, la collection « Je prépare ma classe » chez Vuibert ainsi que deux numéros récents du Bulletin Départemental de l’Académie de Lille : le n°98 et le n°111.
IA-IPR à Besançon, Françoise Claus en termine avec une démarche présentant 7 clés de lecture pour l’enseignement de la géographie en élémentaire :
– adopter une démarche permettant le questionnement, notamment de manière inductive,
– utiliser les outils de la géographie et maîtriser le passage d’un langage à un autre,
– mobiliser des outils complémentaires (textes, graphiques…),
– construire des repères spatiaux et les mémoriser, d’où la nécessaire variété des types de cartes,
– construire des notions clés et se doter d’un vocabulaire géographie de base,
– réaliser des traces écrites et orales ayant des formes géographiques variées, pas que du texte donc,
– et sans doute, la finalité première : se servir des acquis et les réinvestir dans sa propre expérience, notamment l’espace proche.
Une matinée extrêmement riche donc permettant de faire le point sur l’analyse des programmes, les ressources mobilisables, les motivations à faire de la géographie et les démarches pour y arriver.
Espérons maintenant que ce genre de débat puisse être reconduit avec le souci premier de ne pas avoir dans le public que des inspecteurs, des formateurs IUFM et des enseignants du secteur de Saint-Dié mais d’autres professeurs des écoles d’un peu partout en France, la formation continue des mercredis (quid de son avenir déjà ?) dans le domaine n’étant pas suffisante. Si les enseignants du premier degré peuvent prétendre au Plan National de Formation, il faudra leur faire savoir, la communication sur ce point étant inexistante.