Conférence d’Anthony Simon, Maître de Conférences en Géographie et Tourisme à l’Université de Lyon 2
Pour l’auteur, les « paysages du tourisme » sont avant tout séducteurs, attractifs pour le visiteur/voyageur. Mais problème : le paysage est insaisissable, subjectif. Il existe par ailleurs de nombreuses définitions du paysage : il est la synthèse de caractéristiques que lui attribue la géographie physique et celles que lui donne la géographie humaine à travers toutes les activités humaines. En outre s’y ajoutent la sensibilité du public, son esthétique et sa perception du paysage. Donc c’est une partie de territoire perçue par la population dans toutes ses composantes.
Certains paysages sont identitaires, ils incarnent des particularités (mer, montagne, campagne, une ville..) ; ils sont emblématiques en ce qu’ils sont l’expression d’un patrimoine collectif. Des paysages peuvent être valorisés, voire sur-valorisés au point d’être « exemplaires », une « norme », « un emblème ». Du coup, on aboutit à un stéréotype éloigné de la réalité de ce paysage (exemple d’un hôtel des Maldives, qui n’est pas qu’un exotisme lointain, c’est un paysage attendu et rêvé au lieu d’être réel).
Ces paysages emblématiques sont des « lieux symboles », marqueurs de nos esprits. On donne ainsi à la Haute Montagne une vision réductrice (Chamonix = Mont Blanc et son premier conquérant J. Balmat) comme en Auvergne on cherche à mettre en avant un paysage idéal. Les paysages du tourisme peuvent être de grands sites naturels : les chutes du Niagara, Monument Valley, l’Everest… Des paysages rares, exceptionnels, inscrits comme patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais y-a-t-il des paysages touristiques urbains ? Pour Anthony Simon, oui. Cela fait consensus aujourd’hui. Ainsi les « villes musées » qui ont figé leur patrimoine (comme Venise et en partie Paris). Le rôle des grands sites, des grands lieux du tourisme en France est important. Ils sont emblématiques d’autres choses (montagne Sainte Victoire et les peintures de Cézanne), de sites paysagers emblématiques de toute une province (Provence). Mais certains grands monuments ne sont pas emblématiques des paysages dans lesquels ils s’inscrivent : exemple le Pont-du-Gard. Mais des villes s’appuient néanmoins pour leur notoriété sur un monument (Reims, sa cathédrale…).
Ces paysages du tourisme ont une histoire : ces hauts lieux sont devenus emblématiques aux XVIII et XIX èmes siècles avec l’élite rentière et oisive de l’aristocratie/bourgeoisie. Les anglais inventent ce tourisme, à l’image du « grand Tour » (parcourir les hauts lieux, grands sites de la Civilisation européenne). Ainsi des hauts lieux emblématiques deviennent des hauts lieux touristiques. Brighton devient la première station balnéaire aristocratique britannique. Le thermalisme suit dès la deuxième moitié du XIXième et on associe très vite des pratiques sportives à ces lieux de villégiatures (tennis, golf, voile…). L’essor des transports (automobile, chemin de fer, plus tard, l’avion) favorise ce tourisme.
Ces paysages sont aussi confortés par de nouveaux regards (peintres puis cinéastes, enfin la publicité). Anthony Simon nous montre des tableaux de Monet, Boudin, qui développent l’engouement pour les paysages. C’est souvent un paysage idéalisé par une approche esthétique, car la nature y est valorisée et l’homme souvent exclu. Ce sont des regards extérieurs à ces lieux, pas ceux des populations locales.
Ces paysages touristiques sont aussi, au XIXième, des paysages de sites pittoresques: c’est l’effet des « romantiques », des écrivains, des poètes,et c’est encore le regard d’une élite. Mais celui-ci va passer progressivement de l’élite à une grande partie de la population au XXième siècle. Les premiers congés payés, la baisse des prix progressive des moyens de transport, vont voir la naissance d’un tourisme de masse. Avec la baisse des prix de l’avion (fin du XXième siècle) des terres lointaines sont de plus en plus proche…
Ces « paysages du tourisme » sont devenus parfois des stéréotypes, des archétypes : exemple avec les affiches du Club Méditerranée. Il s’agit de transmettre une image d’un paysage captivant, celle d’une île de rêve perdue dans le Pacifique ou l’océan Indien. Des clichés, des types de paysages primitifs idéaux. On va même reprendre cela en Europe, à défaut de permettre aux touristes de se rendre aux Maldives ou aux Seychelles. On plante des palmiers sur les plages du Sud de l’Espagne et même au Center Parc à Avoriaz. Cela touche même les Émirats Arabes Unis, avec le Ski-dôme de Dubaï…
Ces paysages déterritorialisés sont partout, il pèsent même sur ceux qui sont territorialisés : la Haute Montagne (Alpes) influence la moyenne montagne (Massif Central). Cela dit, le ski ne suffit plus ; on propose de nouvelles activités (grandes piscines dans les hôtels, bowlings et même un grand projet de Centre d’activités, nautique et de remise en forme à Courchevel 1550).
Y-a-t-il un/des modèles de paysages touristiques urbains ? Oui mais avec des patrimoines architecturaux conséquents (Istanbul). La ville actuelle est aussi festive (Barcelone) avec beaucoup de festivals organisés l’été. Des villes postindustrielles et post-modernes. Certaines villes sont des destinations touristiques majeures (Paris avec 25 millions de touristes annuels, ou Venise).
Enfin ces paysages emblématiques connaissent des évolutions : d’exceptionnels ou emblématiques ils deviennent peu à peu communs.
L’auteur finit par cette citation intéressante de Moles : « toutes nos actions ne peuvent se concevoir sans espace ». Y compris du tourisme, bien sûr…
Au total une conférence rafraîchissante, riche, bien construite, qui a satisfait l’auditoire …et votre correspondant à Saint-Dié.